Old Forest – Black Forests Of Eternal Doom

Formé en 1998, splitté en 2001 et reformé 6 ans plus tard, le projet britannique Old Forest soufflait donc l’année dernière sa vingtième bougie. 20 ans pour quatre albums, dont les trois derniers s’enchaînent depuis 2014. Partant d’un Black Metal en soi plutôt classique, la formation a dérivé sur son avant-dernier album, Dagian, sur quelque chose de beaucoup plus atmosphérique, pour ne pas dire ambiant, mais aussi expérimental et aux accents doom. Malgré un concept ambitieux et quelques bonnes idées me rappelant parfois leurs compatriotes d’A Forest of Stars et les Roumains de Negura Bunget, je n’adhère personnellement pas aux quatre pistes de Dagian que je trouve plutôt longues et ennuyeuses. C’est sans compter sur cette nouvelle sortie, Black Forests Of Eternal Doom, qui a su m’accrocher les oreilles.

Tout d’abord, changement de label : le groupe quitte Avantgarde Music pour passer chez la maison italienne Dusktone. Niveau lineup, depuis Dagian, le duo était également devenu un trio. Kobold (chant et claviers, sûrement mieux connu sous le nom de Mr. Fog ou Fogarty, tête pensante d’Ewigkeit) a intégré In The Woods…, et a ramené le batteur de ces derniers, Anders Kobro. Et justement, sur ce quatrième opus, les liens avec le groupe norvégien se font sentir plus que jamais.

Nous voici avec Black forests of eternal doom, donc. Le titre fera sûrement sourire tant il semble contenir la moitié des termes clichés de l’inventaire Black Metal. Mais au final, eh bien il résume plutôt bien le propos : l’album baigne plus que jamais dans un entre-deux BM et Doom, dont les ambiances correspondent justement à celles qu’avait créées avec brio In the Woods… sur leur avant-dernier album, Pure. Le rapprochement saute rapidement aux oreilles, il se fait aussi énormément via le chant clair de Fogarty, grande nouveauté de cet album. Il est tout de même assez reconnaissable dans ses intonations graves et douces, parfaites pour les lignes de chant mélancoliques et enveloppantes proposées ici.

Old Forest est cependant loin d’être devenu un copier-coller des Norvégiens. Les riffs, les lignes de chant ou encore l’utilisation des synthétiseurs donnent un rendu moins progressif, créent des ambiances plus sobres et restent vraiment ancrées dans un style soit doom épique, soit black. Le projet britannique garde un côté plus sinueux, plus froid, en particulier sur les trois premières pistes de l’album. Double et blasts du côté batterie et riffs en tremolo picking sont de sortie dès la première piste, « Subterrenean Soul », mais c’est vraiment le titre suivant, « Wastelands of dejection », qui illustre au mieux la facette BM de l’album. Plus frontal, le résultat est typiquement black atmo avec un riff principal typique, glacial, sinueux et lancinant. L’alternance avec le chant clair est toujours présente comme sur tout l’album. Cette voix grave apporte sur cette première partie une étrange douceur ainsi qu’un contraste avec les tonalités dominantes plutôt aiguës.

Il s’agit sans aucun doute de l’album le plus varié du combo, avec une atmosphère réussie et homogène sur l’ensemble des pistes, qui sont construites sur un schéma assez similaire d’alternance entre blasts et mid-tempo, riffs en tremolo picking et mélodies doomesques, harsh et cleans vocals. Elles sont pourtant chacune facilement différentiables les unes des autres, chacune mettant en avant un aspect plus que l’autre. La pièce maîtresse de l’album reste pour moi le morceau titre, qui part d’une ligne de chant clair assez épique et languissante qui vous accroche direct avant de dériver sur quelque chose de plus black atmo. Toutes les influences ressortent bien, autant celles BM que Doom – quelque part entre un Paradise Lost et un Ereb Altor pour le côté épique. Les synthés sont assez discrètement intégrés, pour donner du relief aux lead guitares ou aux lignes de chant, ou encore pour mieux ancrer les ambiances. Ils prennent en outre des sonorités assez variées, rappelant tantôt des claviers un peu black atmo/folkish à la Summoning, indiquant à d’autres moments des inspirations plus Black Sympho 90s ou encore donnant un côté ambiant à la Burzum (mais de manière bien mieux dosée que sur l’album précédent).

Et en plus des deux genres que je cite depuis le début de cette chronique, c’est un côté limite folk qui se fait sentir sur la piste acoustique insérée en milieu d’album, « Shroud Of My Dreams ». Une flûte discrète, des arpèges de guitares, et l’exercice de l’acoustique permet en outre à Kobold/Fogarty de démontrer toute la richesse de sa tessiture vocale. Tantôt envoûtante et réconfortante, à d’autres moments presque plaintive, c’est clairement elle qui véhicule une grande partie de l’émotion dégagée par le titre. Elle rappelle ce que peut inspirer un morceau d’Empyrium, ou encore d’Agalloch. L’essai est donc réussi : la piste s’insère de plus plutôt bien au milieu de l’album tout en marquant un moment de transition vers une deuxième partie d’album où la facette doom d’Old Forest semble encore plus mise en avant.

« A Spell Upon Thee » et « Hang’ed man » clôturent donc l’album, respectant la durée de 7-8 minutes qui semble faire office de règle depuis la première track. Une durée assez bonne qui laisse le temps aux morceaux de se développer tout en réduisant le risque de faire des longueurs. Et elles se caractérisent donc plus que jamais par un tempo et des mélodies plus posées et ne gardent du Black Metal que quelques vocaux. 

Le trio britannico-norvégien propose donc une belle avancée et un album qui ne marquera peut-être pas durablement mais s’écoute, voire se réécoute d’une traite sans soucis. Surtout, on y retrouve bon nombre d’influences bien digérées desquelles ressortent surtout l’aspect black atmo et doom épique – et surtout, cette merveilleuse voix claire enveloppante. Outre In the woods… avec lequel la comparaison s’impose, j’ai mentionné Empyrium. C’est peut-être au final le groupe auquel me fait le plus penser cet album en terme d’ambiances, même si les deux formations ont une démarche et un son loin de se ressembler.

Herja

7/10

Sorti le 21 juin 2019

Tracklist :
1. Subterrenean Soul
2. Wastelands Of Dejection
3. Black Forests Of Eternal Doom
4. Shroud Of My Dreams
5. A Spell Upon Thee
6. Hang’ed Man

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