Enisum – Moth’s Illusion

La formation italienne de black atmosphérique Enisum nous revient cette année avec son quatrième album en tant que groupe. Enisum était en effet initialement un one-man-band le temps des deux premiers albums. Pour rappel, le nom du groupe est inspiré du Mont Musinè, situé dans la région du Piémont en Italie. Quatre membres le composent : Lys (guitare/chant), Leynir (basse), Dead Soul (batterie) et Epheliin (chant féminin). Le nouvel album, intitulé Moth’s Illusion, est le deuxième du groupe sorti par l’intermédiaire du label italien Avantgarde Music. Le magnifique artwork a été réalisé par Elisa Lo Presti de Red Right Hand.

Avant d’aller plus loin, il convient d’expliquer le concept général de l’album, en commençant par parler de ce curieux titre qu’est Moth’s Illusion. Cet album, c’est le mélange entre le naturel et l’existentiel, ainsi qu’une réflexion sur la vie et la mort. Moth’s Illusion est une métaphore de cette réflexion. Le chanteur et guitariste du groupe, Lys, l’explique de cette manière : « Tels les papillons de nuit attirés par la lumière de la lune, l’homme est fasciné par la lumière, par ce qu’il y a après la mort, et a toujours tenté de résoudre ce mystère. Mais pour comprendre ce qu’il se passe après la mort, l’homme doit mourir, c’est la seule manière de découvrir que cette lumière n’est qu’illusion. C’est « l’illusion du papillon ». La métaphore du papillon de nuit suivant la lumière de la lune qui, progressivement, se fait avoir par l’artificiel, les lumières factices. ». On comprend ainsi mieux la présence de l’insecte portant les signes de la mort sur la pochette de l’album.

L’album commence avec un court morceau instrumental. Au milieu de cette introduction mélancolique menée par ce qui semblerait être un violoncelle, on peut entendre quelques grésillements, comme des insectes attirés par la lumière et qui mourraient brûlés par celle-ci (rien à voir, mais ton âme d’enfant pense soudainement à un passage de 1001 Pattes). La métaphore de l’album est ainsi d’ores et déjà exprimée à travers « Cotard ». Par ailleurs, le titre du morceau doit très certainement renvoyer à Jules Cotard, neurologue français de la seconde moitié du XIXème siècle qui a décrit ce « syndrome de Cotard ». Il s’agit d’une maladie rare se présentant sous la forme d’un syndrome délirant, dont la thématique hypocondriaque associe des idées d’immortalité, de damnation, de négation d’organe et du corps. Je n’en dirai pas plus car je ne compte pas faire un cours de neurologie, mais si le sujet vous intéresse, Wikipédia en parlera bien mieux que moi !

Ce qui nous conduit assez logiquement au morceau suivant qu’est « Anesthetized Emotions », dans la mesure où le syndrome de Cotard précédemment évoqué peut également conduire à une négation des émotions. Excepté une accélération soudaine en fin de morceau, le morceau est majoritairement en mid-tempo. Lys alterne chant black déchirant et chant death caverneux. Un premier bridge acoustique y est intégré, et crée une ambiance assez mystique.

« Where Souls Dissolve », que vous connaissez déjà puisque c’est le premier extrait de l’ album dévoilé par le groupe, confirme cette ambiance sombre et mélancolique où règnent la détresse et le désespoir. C’est dans ce morceau que l’on peut entendre pour la première fois du chant clair masculin, assez éthéré. Quant aux riffs de la guitare, ces derniers donnent une impression de spirale, de boucle infinie. Cet effet de boucle sera d’ailleurs repris plus tard dans l’album, notamment dans « Petrichor » (odeur particulière et caractéristique que prend la terre après la pluie) et dans « Lost Again Without Your Pain ».

D’une manière générale, on s’aperçoit au fur et à mesure de l’album d’une certaine évolution pour le groupe. En effet, l’ensemble de l’album est bien moins soutenu au niveau du rythme, par rapport à l’album précédent Seasons of Desolation qui était beaucoup plus bourrin. Néanmoins, l’album n’en est pas soporifique pour autant, loin de là (« A Forest’s Refuge » en est sans doute la meilleure preuve) ! De plus, on peut noter davantage de passages acoustiques. D’ailleurs, certains morceaux prennent presque des airs de ballade, comme « Moth’s Illusion », dont l’introduction acoustique à la guitare est assez lumineuse, contrairement au reste de l’album résolument sombre.

Ce qui change également, c’est l’utilisation des différentes types de voix. Dans les albums précédents, le chant black était largement majoritaire, et il y avait ponctuellement du growl, du chant féminin et du chant clair masculin. Dans Moth’s Illusion, chant black, growl et chant clair masculin sont utilisés de manière assez égale. Le morceau « Ballad of Musinè » en est un parfait condensé. Ce morceau est justement l’occasion de montrer que, même si Enisum explore essentiellement ce concept de la vie et de la mort, le groupe n’en oublie pas pour autant de rendre hommage à sa terre natale. Comme son nom l’indique, cette ballade fait référence aux sommets montagneux à l’ouest de Turin. Quant à « Afframont », celui-ci renvoie à un lac situé dans le Val d’Ala à Balme dans le Piémont. C’est également l’un des morceaux les plus rapides de l’album, et ses coupures de rythme en dernière partie sont plutôt déstabilisantes. Ma seule déception sur ce nouvel album, c’est qu’Epheliin intervient beaucoup moins au chant comparé aux albums précédents. Comme je l’avais déjà évoqué dans mon live report du Ragnarök Festival de l’année dernière, ce qui fait à mon sens l’identité d’Enisum, c’est en partie la présence de ce joli chant féminin.

Mais cette légère déception sera quasiment oubliée grâce au dernier morceau de l’album, « Burned Valley », qui est indéniablement mon morceau préféré de cet album, et qui est justement le seul où l’on peut entendre l’émouvante voix d’Epheliin. Ce morceau, qui fait référence aux récents incendies criminels dans le Val Di Susa, est sans nul doute le plus épique de l’album. Sur une introduction acoustique, Epheliin pose sa voix, et s’ensuit un passage symphonique et épique de toute beauté, où les claviers semblent imiter les cuivres. On sent comme une montée en intensité, un climax qui me rappelle inexorablement celui de « The Shadowed Road » de Sojourner. Puis c’est l’explosion, et Enisum nous délivre un black atmosphérique épique d’une rare intensité, où s’alternent chant black et growl. L’album prend fin sur cette magnifique mélodie symphonique qui, je l’avoue, m’aura fait verser plus d’une larme.

Pour résumer, Enisum a su préserver son identité, avec ce black atmosphérique mélancolique qu’on lui connait et que l’on apprécie tant, tout en l’affinant, que ce soit au niveau des voix, du rythme, ou de cette alternance entre passages metal et acoustiques. Un très bel album qui devrait finir dans mon top de fin d’année, et je l’espère, dans le vôtre également !

Fée Verte

9/10

Tracklist :

  1. Cotard
  2. Anesthetized Emotions
  3. Where Souls Dissolve
  4. Afframont
  5. Moth’s Illusion
  6. Last Wolf
  7. Ballad Of Musinè
  8. Coldness
  9. Petrichor
  10. A Forest’s Refuge
  11. Lost Again Without Your Pain
  12. Burned Valley

Sortie le 15/03/2019

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