Dwarrowdelf – Of dying lights

Si je vous dis que je vais vous parler d’un projet de metal atmosphérique et épique tendant vers le black metal, avec des synthés et un univers tiré de celui de Tolkien… Oui, vous allez me dire que c’est déjà entendu, et que de toute façon personne ne fera mieux que Summoning (et je ne peux qu’être d’accord). Si en plus je vous dis que ce deuxième album fait suite à un premier sorti il y a même pas un an, il y a de quoi vous donner quelques a priori … C’est là que Dwarrowdelf va vous prendre au dépourvu, vous prouver que quantité peut aller avec qualité et qu’il est encore possible de proposer quelque chose d’intéressant dans une scène en pleine explosion.

Projet solo du britanique Tom O’Dell, Dwarrowdelf nous propose donc son second album, Of Dying Lights. Celui-ci arrive après un The Sons of Fëanor sorti en avril dernier, déjà très bon mais dans une pure veine Summoning ou Caladan Brood. Cette deuxième tentative, cependant, semble avoir trouvé un réel équilibre entre hommage à ses inspirations et création d’une musique personnelle.

Les guitares et les claviers atmosphériques qui vous accueillent dès les premières secondes d’ « Arien » sont familiers, mais ils prennent le temps de poser le décor. Une mélodie se fait vite entendre, assez lumineuse tout en gardant un aspect mélancolique. La batterie rentre en jeu, on croit entendre quelques notes de harpe… Les trois premières minutes du morceau sont là pour vous emporter dans le monde de Tolkien, qu’on connaît déjà si bien mais qu’on aime tant redécouvrir. Le tableau se dessine, Dwarrowdelf prend son temps pour nous poser le décor pendant ces trois minutes, sans jamais les rendre ennuyeuses malgré leur caractère très paisible et atmosphérique. Et c’est baigné dans ce halo de lumière, alors que vous ne l’attendiez pas vraiment, que la voix de Tom O’Dell vient vous cueillir. Chaleureuse, elle ne fait qu’embellir la scène par sa douceur mélancolique.

Et c’est là l’atout de cet album, qui peut paraître anecdotique mais qui permet réellement à Dwarrowdelf de se démarquer de ses comparses : du chant clair sur l’ensemble (sauf la dernière piste un peu particulière que j’aborderai plus tard). Tandis que le premier opus alternait entre chant BM et chant clair, on n’aura droit ici qu’à la seconde option. C’est un choix certes audacieux et qui en décevra sûrement beaucoup, comme c’est le cas à chaque fois qu’un groupe délaisse ses aspects metal extrême. Mais c’est aussi et surtout un pari réussi, quand on entend le travail qui a dû être fait sur cette voix, sur les textures et sur les intonations, parfois joyeuses et enlevées, parfois douces et progressives ou encore vaillantes et épiques qu’on a envie de chanter à notre tour. Ce passage en 100% chant clair ne veut donc pas dire uniformisation, loin de là. On a d’ailleurs même droit, sur « Where Daylight Dies », à des vocaux de Chloe Bray (Sojourner) pas trop mis en avant dans le mix, ce qui leur confère un côté fantastique collant parfaitement au Seigneur des Anneaux : c’est une elfe qui vous murmure mystérieusement à l’oreille.

Dwarrowdelf n’en oublie pas non plus ses inspirations Black : de l’atmosphère, à la batterie, double pédale, blast beats, guitares jouant des riffs en tremolo picking, etc, les éléments sont là. Seulement, le Britannique sait se les approprier pour leur faire rendre ce qu’il souhaite créer. Et j’ai de fait, énormément de mal à coller une simple étiquette « Black Metal atmo/épique/quelque chose », tant les seuls éléments s’y rapprochant sont utilisés différemment. Je retrouve beaucoup plus, par exemple, ce genre d’atmosphères douces et mélancoliques sur un Sojourner (la participation de Chloe Bray pour quelques vocaux et de Mike Lamb pour le mixing et le mastering n’y sont peut-être pas pour rien) qui serait parti chercher Tom Bombadil dans la forêt.

L’atmosphère semble certes beaucoup moins sombre que sur d’autres groupes affiliés, mais n’est pas pour autant dénuée de relief. On oscille entre passages mélancoliques, contemplatifs et envolées épiques comme sur « The Withering Woods », qui après une longue plage plutôt progressive et triste part dans une montée épique soutenue par des synthés et un léger effet choral en fond doublant la voix. Ou encore, « The Line of Thror » dont un passage rappelle presque une marche guerrière.

Pour ce qui est des synthés, ils sont là bien sûr et prendront diverses sonorités tout au long de l’album : tantôt juste pour créer une nappe atmosphérique en fond, tantôt pour soutenir la mélodie des guitares ou les lignes de chants… Mais ils sont peut-être moins mis en avant que sur l’album précédent ou que sur un Eldamar (ce qui a sûrement joué sur mon appréciation de l’album – j’atteins l’overdose avec le projet norvégien) ou un Summoning.

Bien que n’étant composé que de sept pistes, les 50 minutes sont facilement atteintes grâce à des compos assez longues. Dwarrowdelf s’offre même le luxe d’une petite piste instrumentale de trois minutes, « The Year of the Trees ». Des synthés ambiant auxquels se mêle une mélodie au piano : le tout est simple, pas forcément très original, mais fonctionne à merveille.

Et cette dernière piste alors ? Comme mentionné plus haut, elle est un peu spécifique, puisque Tom O’Dell s’attaque ici à l’exercice de la reprise croisée. « Home of the Dead » mélange en effet les paroles de « Land of the Dead » de Summoning et « Homeward » de Sojourner. On y retrouve les seuls vocaux BM de l’album (par Jack Reynolds du groupe Asira). Le morceau évite de tomber dans le simple patchwork et le tout est assez harmonieux et réussi : on y retrouve parfaitement l’ambiance des deux morceaux d’origine sans qu’on soit non plus complètement capable de les dissocier. Ce n’est pas pour moi la piste la plus mémorable de l’album, mais elle a le mérite de clore celui-ci en beauté avec une touche un peu plus sombre.

Cet album est une bonne surprise en somme, qui vous fera voyager pendant un peu moins d’une heure en Terre du Milieu, entre paysages verdoyants et batailles épiques ! Dwarrowdelf perd en Black atmo ce qu’il gagne en originalité et a pour moi vraiment su développer quelque chose de personnel. Sans non plus révolutionner le genre, Of Dying Lights vaut le détour et fait du one-man band un projet clairement plus intéressant que beaucoup de groupes tentant de marcher dans les pas de Summoning.

9/10

Herja

Tracklist :
1 – Arien
2 – The Withering Woods
3 – Where Daylight Dies
4 – The Year Of The Trees
5 – The Line Of Thror
6 – Minas Anor
7 – Home Of The Dead (Summoning / Sojourner cover)

Sortie : 30 mars 2019

Liens :
Bandcamp
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Folkvangr Records (label)

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