Il y a des soirs comme ça, où tu ne sais pas vraiment pas quoi écouter. Du coup, tu décides d’errer dans les méandres d’un de tes meilleurs alliés de découvertes musicales (un p’tit indice, ça commence par un Y …). Et là, tu tombes sur un album, et une envie irrépressible de le chroniquer te prend.
Cet album, c’est O turniach, jeziorach i nocnych szlakach (ne me demandez pas comment on est censé le prononcer), deuxième album du duo polonais Wędrujący Wiatr, dont le nom pourrait se traduire en français par « vent vagabond » (plutôt poétique !). Ledit duo a été formé en 2011 à Olsztyn en Pologne et se compose de Razor (batterie, chant et claviers) et de W. (guitare, basse et instruments traditionnels). Suite au premier full-length Tam, Gdzie Miesiąc Opłakuje Świt sorti en 2013 via Werewolf Promotions, la formation sort son nouvel album via ce même label polonais.
O turniach, jeziorach i nocnych szlakach s’ouvre sur « Ze Szczytów I Z Toni », court morceau instrumental qui nous pose d’emblée une ambiance … plutôt « ambient » justement : tout d’abord, en référence directe au nom du groupe, le souffle du vent, que l’on entendra d’ailleurs à plusieurs reprises tout au long de l’album. Puis au loin, le hululement de la chouette et des aboiements, avant que les percussions ne fassent discrètement leur entrée. Ces bruitages reviendront eux aussi dans les morceaux suivants, et incarnent des influences chères au groupe, à savoir la nuit et la nature, en plus du folklore polonais et autres fables et légendes slaves. Mais l’introduction ne s’arrête pas sur ces bruitages. La musique commence, et la magie aussi : des accords de guitare acoustique d’une mélancolie sans nom, sur fond de claviers, dont chaque note nous élève un peu plus dans les airs, le tout transmis avec une magnifique limpidité.
Le contraste avec le morceau suivant « Wołanie Z Granitowych Twierdz » peut paraître de prime abord assez déconcertant, car la production se fait tout à coup plus « brouillon ». Néanmoins, on comprend très rapidement que cet effet de voile a été recherché, autant sur la musique que sur la voix, à la manière de Saor. A première vue, Wędrujący Wiatr semble officier dans un black atmo véloce, lorgnant fortement sur le post-black, mais on s’aperçoit assez vite que la musique du groupe est enrichie d’autres influences. En alternance avec ces passages post-black, des phases beaucoup plus atmosphériques, où les chœurs et les claviers sont davantage mis en avant, mais également quelques touches néo-folk à l’instar d’Agalloch, véhiculées par la guitare acoustique. En tous les cas, que le rythme soit soutenu ou non, l’heure est à la mélancolie et à la tristesse. On croirait presque entendre les guitares pleurer. Certes, dit comme ça, ça n’a pas l’air réjouissant au premier abord, mais c’est justement cette ambiance mélancolique qui apporte en grande partie toute la beauté à la musique.
Tout le reste de l’album reste ainsi dans cette même veine, bien que chaque morceau possède sa petite touche qui le différencie des autres. Par exemple, « Gdzie Wiatr Tka Makatki Nocy », faisant office d’interlude, sonnera sur les premiers temps plus « ambient », avec le bruit des insectes et de clochettes, puis limite médiéval, de par une guitare acoustique et un synthé imitant les sonorités du clavecin. Il y a aussi « Na Łańskam Jyziorze », sublimé sur la fin par un passage acoustique néo-folk sur fond de flûte à bec.
O turniach […] s’achève sur le morceau qui sera à mon sens le plus intense et le plus riche de tout l’album, « U Stóp Śniącego Króla Tatr ». Le chant de Razor se révèle plus hargneux et pêchu que dans les morceaux précédents, et nous aurons une dernière occasion d’entendre les autres types de voix, claires avec les chœurs, et déclamatives. En milieu de piste, l’ambiance devient tout à coup plus calme et mystique, avec le son de la trombita (variante polonaise de la corne des Alpes) et l’éternel souffle du vent. Après une nouvelle accélération, la guitare acoustique refait une apparition, en association avec la guitare électrique, et le ruissellement de l’eau en arrière-plan. Puis c’est le final, le tempo s’accélère une dernière fois progressivement, les chœurs font une ultime apparition, et c’est une apothéose de riffs et de blasts qui déferle sur nos oreilles, avant que des accords de guitare acoustique, des notes de synthé et le vent ne nous apaisent. Ne pas pleurer, surtout ne pas pleurer …
Vous l’aurez compris, pour ma part, O turniach […] fut un véritable coup de cœur. Bien plus qu’un simple groupe de black atmo, Wędrujący Wiatr nous transporte dans son univers si singulier, en incorporant entre autres des sonorités originales créées par des instruments traditionnels atypiques, tel que le kantele (instrument finlandais à cordes pincées de la famille du dulcimer). Si comme moi vous êtes sensible aux ambiances mélancoliques, faîtes-moi confiance, cet album est un véritable petit bijou dans son genre !
Fée Verte
9.5/10
Tracklist :
- Ze Szczytów I Z Toni
- Wołanie Z Granitowych Twierdz
- Ja, Wiatr
- Gdzie Wiatr Tka Makatki Nocy
- Na Łańskam Jyziorze
- U Stóp Śniącego Króla Tatr
Sortie le 31/10/2016
Liens du groupe :
https://www.facebook.com/wedrujacywiatr/?fref=ts
http://wedrujacywiatr.bandcamp.com/
https://www.youtube.com/watch?v=a0QjkSW69Vk