Triste Terre – Grand Oeuvre

Les Acteurs de l’Ombre Productions ont annoncé au début de l’année la signature d’une entité lyonnaise répondant au nom de Triste Terre et évoluant dans l’univers du black atmosphérique occulte. Après la sortie de deux EP en indépendant, c’est donc sous la houlette du label nantais que se fait celle du premier long-format. Celui-ci se présente comme l’aboutissement du chemin débuté par les sorties précédentes, ayant permis au one-man band mené par Naâl de définir son identité.

Triste Terre, Grand Oeuvre. Le nom du projet comme celui de l’album annoncent et résument au final assez bien la couleur qu’il arbore. Elle est grisâtre mais majesteuse ; une certaine prétention peut-être, mais surtout une volonté d’absolu dans la désolation.

Les six titres tournent chacun autour des dix minutes et s’enchaînent pour ne former qu’un tout. Le découpage n’est au final là que pour marquer la délimitation, les grands mouvements d’une symphonie ésotérique, construisant sa cathédrale pierre par pierre, des premières notes de « Oeuvre Au Noir » jusqu’à la fin fière et triomphante de « Tribut Solennel ». Même si j’y trouve une ou deux longueurs, sur une heure de musique-fleuve, Triste Terre vous prend aux tripes avec une plongée au cœur d’un BM atmosphérique et opaque dans la veine d’un The Great Old Ones.

Les émotions sont sur le fil, portées par les passages les plus rapides avec blasts puis accrues par les breaks mid-tempo qui suivent généralement. Ceux-ci servent aussi à marquer des passages dans l’œuvre globale, offrant un peu de répit. Au milieu de morceaux parfois à la limite de la dissonnance et de la destructuration, quelques notes mélodiques émergent des abîmes dépeintes. Elles ajoutent ainsi dans certains cas une certaine mélancolie ou au contraire un caractère étrangement apaisant. L’album n’en perd cependant pas son aspect noir et viscéral, ni sa brutalité lorsque la batterie vous submerge de blasts et que les guitares suivent le mouvement avec allégresse. Les deux aspects se mêlent pour contribuer au caractère atmosphérique de l’album et posent avec succès un décor apocalyptique où se mêlent folie et assurance, douleur et salvation.

Mais tous ces éléments s’additionnent pour créer quelque chose de supérieur. Une messe sombre et hallucinée, où Naâl semble illuminé par la foi. En pleine transcendence spirituelle, tantôt il nous crache ses dogmes et préceptes à la figure, tantôt il les incante d’une voix solennelle, tantôt il part dans des envolées lyriques où ses vocaux chancellent et virent aux cris perçants. C’est cela qui nous ancre définitivement dans cette ambiance occulte et cérémoniale, en plus des quelques notes d’orgue qui percent notamment pendant « Lueur Emerite » et « Oeuvre au noir ». Chœurs graves, hurlements aïgus, voix claire et même chant diphonique, cette richesse est particulièrement bien représentée sur « Lueur émérite », d’ailleurs le premier titre de l’album dévoilé. Le texte alterne principalement entre français et anglais. La langue de Molière en dérangera sûrement certains mais contribue définitivement à l’impact sur l’auditeur, que ce soit sur les parties parlées comme sur la fin de « Corps Glorieux » ou sur le reste, quand quelques mots surgissent de la masse pour vous sauter aux oreilles.

Quant à la production, elle est parfaitement adaptée à l’album : homogène avec une réverb bien dosée, elle rend tous les éléments distincts et donne à l’atmosphère une véritable profondeur abyssale.

Triste Terre nous plonge dans des ténèbres au fond desquelles on rêve finalement de se noyer, car on y voit quelque chose d’autre. Un hommage à l’occulte qui se construit sous nos yeux au cœur d’une symphonie tempêteuse de douleur et de folie salvatrices. Un album pompeux ? Cela se décidera sûrement à la sensibilité de chacun. Triste Terre maîtrise en tout cas les codes de son genre. Même si les 1h05 comportent une ou deux longueurs, la démarche demeure immersive, jusqu’au boutiste, et tape plutôt juste. Un premier album solide et encore une belle signature des Acteurs de l’Ombre !

Herja

8,5/10

Sortie le 15 mars 2019

Tracklist:
1 – Oeuvre Au Noir
2 – Corps Glorieux
3 – Nobles Luminaires
4 – Grand Architecte
5 – Lueur Emerite
6 – Tribut Solennel

Liens :
Bandcamp
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LADLO (label)

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