L’Islande semble en pleine ébullition ces derniers temps : un deuxième album pour Svartidauði en fin d’année dernière, de nouvelles formations comme Kaleikr… Et le retour de Sinmara, avec leur second opus, Hvísl Stjarnanna (qui peut se traduire par « Whispering Stars », merci google). Un premier album Aphotic Womb déjà de très bonne facture est paru en 2014, puis deux splits et un EP en 2017, ce dernier proposant une meilleure production ainsi qu’une approche plus mélodique, tout en conservant un Black Metal contrasté entre passages sombres et envolées lumineuses.
Sinmara s’inscrit, dans la lignée de Svartidauði et Misþyrming, parmi ces groupes de Black Metal de la dernière décénnie signés en particulier chez Ván Records et Terratur Possessions dont la réputation ne cesse d’augmenter. Et elle semble toute méritée, tant ce nouvel album regorge de qualités.
Hvísl Stjarnana sonne dans la continuité de l’EP de 2017, Within the Waves of Infinity. Sauf qu’au lieu de 3 morceaux pour un total de 20 minutes, Sinmara déploie ici son art mystérieux, ésotérique et tortueux sur une quarantaine de minutes découpées en 6 pistes. Des compositions denses, complexes, organiques autant au niveau de l’écriture que de la production, sont encadrées par des introductions et conclusions ambiantes ou atmosphériques qui vont jusqu’à prendre des tournures cosmiques, comme sur le début du cinquième titre, « Úr Kaleik Matraða ».
Ce voyage est en vérité une ascension, une escalade sinueuse vers un firmament noir, où brillent cependant des étoiles hypnoptisantes. Car oui, Sinmara est en partie lumineux, il conserve ce contraste entre le ténébreux et le solaire qui le caractérisait déjà sur ses sorties précédentes, mais ici particulièrement mises en avant. Les compositions font se côtoyer des parties lourdes et chaotiques, des masses opaques rampantes de négativité, et des mélodies froides et envoûtantes, parfois célestes, allant piocher sans honte dans des tonalités en mode majeur pour quelques montées épiques bien senties, rares mais toujours placées avec soin. Celles-ci sont de plus en plus présentes au fil de l’album, donnant une réelle évolution au tout.
« Seeking solace in abyssal sanctuaries »
Cette ligne des paroles de « The arteries of withered earth » synthétise bien mon ressenti. Une impression qui ressort de chacunes de mes écoutes, mais l’album est loin d’en être devenu lassant ; au contraire, son emprise semble grossir à force de se le passer. Chaque morceau révèle ses particularités, sa personnalité. « Apparitions » vous avale avec son atmospère grave, hachée de quelques notes mélodiques glaciales, tandis que la signature rythmique en ternaire et les riffs qui l’accompagnent deviennent vite hypnoptisants. « Mephitic Haze », globalement plus planant, se révèle à la fois insidieux et stellaire. Le contraste est assez prégnant avec « The arteries of withered earth », qui vient juste après et représente sûrement le passage le plus direct de l’album, sans en perdre en complexité. On y décèle même quelques influences à la Mgla, ce qui démarque un peu plus Sinmara de ses confrères Svartidauði et Misþyrming et offrant quelque chose de plus « propre ». Les passages les plus atmosphériques, voire planants, de l’album, rappellent eux sans peine l’autre groupe du batteur et du guitariste – Almyrkvi (qui embarque d’ailleurs la totalité de Sinmara lorsqu’il se produit en live). Sinmara ne se contente donc pas d’un Black Metal pur et dur, mais sait varier le ton assez subtilement pour ne pas nous lasser tout en restant fidèle à lui même.
La voix d’Ólafur Guðjónsonn, toujours dans des registres graves et froids, est de plus en plus mise en avant, à partir de ce moment dans « Crimson Stars » où il fait résonner le titre du morceau. Et la consécration se fait sur les deux dernières pistes de l’album, toutes deux dans la langue du groupe. « Úr Kaleik Matraða » et « Hvísl Stjarnanna » semblent aller chercher encore plus loin dans la noirceur, monter plus haut vers les cieux, entre la violence et l’atmosphérique, pour dégager un sentiment d’accomplissement victorieux.
Sinmara apparaît donc comme toujours plus inspiré et intéressant à suivre. Majestueux, Hvísl Stjarnanna joue avec habileté entre la froideur, la noirceur, le cauchemardesque et le lumineux. La formation se hisse vers des sommets mystérieux et envoûtants d’ésotérisme. Bref, encore un beau diamant noir pour l’Islande.
Herja
9/10
Sortie le 8 mars 2019
Tracklist :
- Apparitions
- Mephitic Haze
- The Arteries of Withered Earth
- Crimson Stars
- Úr kaleik martraða
- Hvísl stjarnanna
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