Angellore – Rien Ne Devait Mourir

Ma « rencontre » avec Angellore remonte déjà à 2015, au moment de la sortie de son deuxième album La Litanie des Cendres, pour lequel j’avais eu un énorme coup de cœur. C’est donc avec une grande impatience que j’attendais son successeur. C’est désormais chose faite, pour mon plus grand bonheur, puisque le groupe a annoncé la sortie de Rien Ne Devait Mourir pour le 14 février 2020 (hasard ou non, vu qu’on peut trouver chez Angellore un certain côté romantique) chez Finisterian Dead End.

Angellore est né en 2007 de la rencontre totalement hasardeuse entre Walran (chant clair et extrême, claviers, piano à queue) et Rosarius (guitares électriques et acoustiques, chant clair et extrême, piano à queue, orgue) au Festival d’Avignon. Au fil des années, Lucia (chant féminin), Celin (basse, chant extrême) et Ronnie (batterie, percussions, chœurs) ont complété et finalisé le line-up. Le nom du groupe fait référence au premier album de Tristania s’intitulant Widow’s Weeds. Les premiers albums de la formation norvégienne font effectivement partie des influences majeures d’Angellore.

D’après le presskit fourni par le groupe, les maîtres du doom metal romantique français ont travaillé avec acharnement durant trois ans sur Rien Ne Devait Mourir, dont la pochette a été réalisée par Celin. Composé de six titres épiques et variés, ce troisième album d’une heure de musique enchanteresse s’impose comme le plus sombre, le plus symphonique et le plus ambitieux du groupe à ce jour. On peut y retrouver une chorale ainsi que de nombreux musiciens guests jouant divers instruments traditionnels (flûtes, harpe celtique, violoncelle, violon, orgue, piano à queue…), dont le fameux claviériste et hautboïste Gunnar Ben (Skálmöld), contribuant à une certaine variété sur l’album. Profondément émouvant, Angellore tisse des paysages oniriques qui non seulement ravivent la flamme du dark metal des années 90, mais qui renouvelle également le genre.

L’album s’ouvre sur « A Romance of Thorns », qui est à ce jour le plus long morceau de la discographie du groupe, avec ses vingt minutes au compteur, et qui représente ainsi un pari très osé. Le morceau commence a cappella par une chorale entonnant le In Paradisum. En plus de ces chœurs funèbres, la harpe celtique et la flûte, respectivement assurées par les musiciens guests Delfine R. MacKinnon et Thierry Plet (également choristes), ont été enregistrées dans l’église Saint-Michel et Saint-Barthélémy de Puyméras dans le Vaucluse. Suite à cette introduction a cappella s’ajoutent la guitare électrique, puis le piano et le hautbois (enregistré par Gunnar Ben à Reykjavik, capitale islandaise), formant un ensemble très mélancolique dans la veine de « A Shrine of Clouds ». On peut par la suite noter une très belle envolée symphonique, puis un solo épique. Le bridge mené par le hautbois et la harpe vire sur une nouvelle envolée épique et majestueuse à la guitare. Une accélération black atmo nous sort soudainement de notre torpeur, et fait contraste avec une rupture de ton sinistre menée par un chant clair masculin plaintif, pour ne pas dire larmoyant. Le morceau finit en beauté sur un air symphonique, puis au hautbois et au chant clair.

On enchaîne avec « Dreams (Along the Trail) », premier extrait dévoilé par Angellore pour présenter l’album. Et je me demande s’il ne s’agirait pas de mon morceau préféré, tout d’abord pour ses sonorités folk essentiellement véhiculées par la guitare acoustique et la flûte, cette dernière étant assurée par Ségolène Perraud et enregistrée dans les sous-sols de Rock Hard à Paris, mais aussi pour son ambiance atmosphérique et majestueuse. Le dernier accord de guitare est le même que celui qui ouvre le morceau suivant, « Drowned Divine », ce qui contribue à asseoir la progression logique de l’album.

« Drowned Divine » s’inspire de l’opéra Lucia Di Lammermoor de Gaetano Donizetti, lui-même basé sur le roman La Fiancée de Lammermoor de Walter Scott. Le morceau prend la forme d’un dialogue entre quatre personnages, à savoir l’esprit du marais, le vagabond, la jeune fille égarée et la chorale funèbre, et débute de manière très austère sur un death doom lorgnant sur le funeral doom. Le violon et le violoncelle, respectivement assurés par Catherine Arquez, dite « Cathy », et Mathieu Vigouroux, contribuent à cette ambiance mélancolique et saturnienne. S’ensuit un bridge atmosphérique aux claviers et au piano, renforcés par les riffs de guitare. L’orgue a été enregistré dans l’église Sainte-Anne à Saint-Romain en Viennois dans le Vaucluse. Outre la diversité des instruments, on peut également noter une variété dans les types de voix, avec cette alternance entre un chant plaintif, le chant aérien et enchanteur de Lucia, ainsi que les chœurs masculins sinistres. Les phases sombres font également contraste avec des passages plus lumineux, comme le solo épique évoluant dans une ambiance symphonique, là encore grandiose.

L’album prenant une direction de plus en plus austère à chaque nouvelle composition, Walran demande à Rosarius d’écrire un « tube de metal gothique », afin d’alléger quelque peu l’ambiance. C’est ainsi qu’est né le titre « Blood for Lavinia », dont le nom renvoie au personnage principal du premier roman de Rosarius, Apostasie. Lavinia est aussi dans la mythologie romaine la fille de Latinus (roi des Latins) et d’Amata, et la fiancée de Turnus avant l’arrivée des Troyens, dirigés par Énée sur les côtes du Latium. Dans ce morceau, mené par un chant masculin profondément grave, s’entremêlent des sonorités épiques, gothiques et symphoniques.

« Sur les Sentiers de Lune » fait office d’interlude, où se mêlent influences symphoniques et metal. Cette pièce, très belle, intense et intégralement instrumentale, donne un ton mélancolique, de par la présence des claviers et du piano, mais aussi épique à travers la batterie, et atmosphérique grâce à la flûte, assurée par Céline Vernet et enregistrée dans la demeure de Rosarius à Chambéry.

Le dernier morceau, « Que les Lueurs se Dispersent », est le seul titre d’Angellore à être entièrement chanté en français, à l’exception de la bonus track « Rassembler les Cendres ». Cet ultime hymne doom atmosphérique et mélancolique est mené par le violon et le violoncelle, et les sonorités symphoniques et épiques s’associent une fois de plus à la perfection.

Bien que l’aspect plus sombre et doomesque comparé aux albums précédents puisse décontenancer de prime abord, l’attente entre La Litanie des Cendres et Rien Ne Devait Mourir en valait définitivement la peine. Angellore nous offre un album beau, intense, varié et empli d’émotion, qui devrait ravir les fans de groupes comme Saturnus, Draconian, Empyrium, etc.

Fée Verte

8/10

Tracklist :

  1. A Romance of Thorns
  2. Dreams (Along the Trail)
  3. Drowned Divine
  4. Blood for Lavinia
  5. Sur les Sentiers de Lune
  6. Que les Lueurs se Dispersent
  7. Rassembler les Cendres (Bonus track)
  8. Twilight’s Embrace (feat. Thomas Helm, Empyrium) (Bonus track)

Sortie le 14 février 2020

Liens du groupe :

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.