Pour la troisième année consécutive, nous étions invités au concert de Noël de Corvus Corax à Berlin : le fameux groupe médiéval se produit comme toujours dans une église à cette occasion.
Contrairement à l’année précédente, j’arrive en avance devant l’église, bien avant l’ouverture. Le public se masse depuis longtemps devant les portes closes. Se geler les pieds dans le froid berlinois a un avantage : je me place idéalement au quatrième rang, pile au milieu, au bord de l’allée centrale. Calée sur mon banc, j’admire de nouveau les décorations de la Passionskirche, le bric à brac de Corvus Corax déjà disposé sur scène, et j’observe la faune hétéroclite s’installer dans l’église.
Mes voisines de rangée sont deux mamies vêtues de robes médiévales et sirotant un Glühwein (vin chaud épicé). Devant moi, un gosse d’une dizaine d’années se prend en photo devant les percussions massives. Un peu partout, des métalleux, des médiéveux, des punks. Les fans du célèbre groupe de musique néo-médiévale berlinois sont une fois de plus rassemblés en ce soir de Yule, célébration qui précède Noël dans les traditions d’Europe du Nord.
Cette année, c’est le groupe allemand Fairytale qui assure la première partie. Une formation plutôt récente (2012) aux sonorités acoustiques (guitare classique, violon, violoncelle, batterie, et plusieurs voix). Ils chantent en anglais sur le thème des contes de fées (sans blague), d’ailleurs leur intro commence par « es war einmal…« , il était une fois. (Notez que depuis l’an dernier, je me suis carrément améliorée en allemand.) Les chansons s’enchaînent et racontent une histoire à base de fées et de dragons.
Que dire de plus ? C’était mignon, mais je n’ai pas été convaincue. Il y a quelque chose qui sonne très amateur dans leur performance, je ne saurais dire exactement quoi. Peut-être un défaut de qualité de leurs micros, la gestuelle maladroite des chanteuses. Leur musique est un mélange un peu brouillon de folk, de pop et de… country américaine. Le doute n’est plus permis lorsque la chanteuse esquisse des pas de line dance pendant un morceau. Elle a beau nous faire une démonstration de sa voix de soprano lyrique et tenter de réveiller le public, cela n’est pas assez pour me réchauffer et me mettre dans l’ambiance.
Après l’entracte, Corvus Corax fait une entrée impressionnante, avec un bon gros son de cornemuse qui me vrille les tympans bien comme il faut. Ils sont sept, quatre cornemuses, deux percussionnistes, et une superbe contrebasse électrique affublée de cornes de bouc au bout du manche. Ils entamment Hymnus Appollon.
Soudain, la foule envahit les travées de l’église. Ils sortent de tous côtés, ils sont partout, y compris sur les balcons au dessus de la scène, les fans sont réunis en communion avec le groupe et sont déjà en train de danser. Alors qu’un huitième larron les rejoint sur scène, groupe enchaîne plusieurs morceaux aux influences irlandaises, tels que Fiach Dubh. Ils feront également référence à leur projet lancé en 2017, Der Fluch Des Drachen (la malédiction du dragon), sorte de comédie musicale fantastique, que je n’ai pas encore eu la chance de voir en live.
Corvus Corax, c’est bien sûr une permanente explosion de cornemuses, c’est la voix de stentor du frontman Castus qui se pose parfois par dessus, mais ce que je préfère, je crois, ce sont les percussions. Les deux musiciens sont disposés en miroir au fond de la scène, et ont à leur disposition bon nombre d’instruments impressionnants, comme ces immenses tambours suspendus qui confèrent un son inimitable et très chamanique à l’ensemble. Bien entendu, pas de concert de Corvus Corax sans apparition d’autres instruments surprenants. Pour Mille Anni Passi Sunt, voilà que débarquent des percussions gigantesques, des trompettes aux formes farfelues, et une sorte de protoviolon fait de métal. Plus tard, pour Herr Wirt, surgira une vielle à roue géante, qui doit être manipulée par deux musiciens en même temps.
Entre deux morceaux, Castus fait des annonces ou Stefanus lit des extraits d’histoires qui font beaucoup rire le public (souvent à base de blagues de fesses ou d’alcool). Soudain, ils révèlent que Berlinskibeat, la formation parallèle du groupe, plutôt axée folk des Balkans un chouilla électro, fera de nouvelles apparitions en 2018. Je sautille frénétiquement sur mon banc, car j’adore BerlinskiBeat en live, encore plus même que Corvus Corax. Mais aucune date ou lieu n’est annoncé. Il me faudra patienter encore un peu. Sur la célèbre mélodie de Das Pack, chaque musicien est présenté et à droit à son petit solo.
Sur le dernier tiers du set, une chanteuse se joint au groupe. Je n’ai malheureusement pas saisi son nom, mais elle a une impressionnante voix de soprano lyrique. [Edit: on m’informe dans l’oreillette qu’il s’agit d’Arndis Halla, chanteuse islandaise qui a collaboré avec Corvus sur leur album Gimlie en 2013.] En tout cas, sa voix superposée à celle de Castus donne un bel intervalle de trois octaves. Au même moment, les trompettes géantes, un des accessoires emblématiques du groupe, font une brève apparition.
Comme l’an dernier, le groupe reprend plusieurs morceaux qu’ils interprètent également avec BerlinskiBeat, comme Heidutzki Tanez, ce qui n’est pas pour me déplaire. Enfin, alors que le set s’achève et que le public supplie pour un rappel, ils ressortent leur reprise du générique de Game of Thrones.
Ce rituel du concert de Corvus Corax à la Passionskirche est décidément une très bonne façon de finir l’année et de lutter contre le froid berlinois ! Je me réjouis déjà d’y retourner l’an prochain.