Nydvind – Seas of Oblivion

Dire que j’attendais ce nouvel album de Nydvind avec impatience est un doux euphémisme. En même temps, les Franciliens auront su se faire désirer en faisant languir leurs fans les plus fidèles, fans dont je fais bien évidemment partie depuis 2013, période à laquelle je découvrais le groupe au milieu des autres perles de la scène pagan française (Bran Barr, Belenos, Himinbjorg, Aes Dana et consorts) .

La sortie de ce troisième opus ayant été repoussée de nombreuses fois pour diverses raisons (emploi du temps des membres, disponibilité du studio, recherche d’un label), c’est finalement huit longues années après l’excellent Sworn To The Elders que sort Seas of Oblivion, sous la bannière de Malpermesita Records, un jeune label émergent ayant également en son sein des groupes tels que Azziard, l’autre formation du guitariste Nesh, ou encore Nirnaeth.

Nouvel album donc, mais également nouvelle étape dans la carrière du groupe, tant musicalement que textuellement, puisqu’après deux albums à l’atmosphère froide et nordique (d’où l’appellation « Nordic Heathen Metal »), le trio composé de Richard Loudin (Chant/Guitare), Nesh (Guitare/Basse/Bouzouki) et Eric Tabourier (Batterie) tente le pari de sortir une tétralogie d’albums basée sur les éléments, chaque album possédant une couleur musicale différente du précédent. Seas of Oblivion fait donc office de premier volet de cette tétralogie, un album qui, comme son nom l’indique, se base sur la thématique de l’eau et de la mer, et plus particulièrement celle du voyage et de l’exploration maritime.

C’est d’ailleurs la volonté du groupe de raconter, à travers les huit compositions qui jalonnent le disque, l’épopée maritime d’un peuple quittant sa terre natale pour partir à la recherche d’un nouveau monde, une trame fictive que l’on peut facilement assimiler à diverses aventures maritimes qui se sont déroulées au cours de l’Histoire, des raids vikings aux Conquistadors espagnols du XVIème siècle, en passant par les expéditions européennes vers le Nouveau Monde.

Cette nouvelle épopée musicale débute donc par “Plying The Oars”, courte intro de deux minutes où se mêlent bruits des vagues, chant de rameurs et tapis de guitares mélodiques. Le ton de l’album est donné, un voyage initiatique à travers l’immensité de l’océan nous attend, la quête vers une nouvelle terre qui ne pourra aboutir qu’en naviguant à travers l’inconnu.

Ainsi, le morceau d’ouverture, “Sailing Towards The Unknown” constitue une entrée en matière parfaite dans l’univers de l’album, avec sa composition fleuve de plus de 11 minutes où se côtoient alors rythmique entrainante, arpèges de guitare mélancoliques et riffs black metal tranchants. Une entrée en matière renforcée si l’on se plonge dans les paroles et l’artwork, qui nous dépeignent les aventures d’une troupe de navigateurs voguant sur un océan tantôt calme et apaisant, tantôt violent et périlleux, mais qui nous promet au travers de la musique un voyage des plus palpitants et épiques.

Epique. C’est le premier mot qui vient à l’esprit pour décrire les morceaux de Seas of Oblivion. En effet, sur cet album, le groupe abandonne son côté froid réminiscent de Kampfar et ses ambiances hivernales, pourtant omniprésentes sur Eternal Winter Domain et Sworn To The Elders pour voguer vers des contrées beaucoup plus mid tempo, contemplatives et oniriques, rappelant alors la période viking de Bathory ou encore les Irlandais de Primordial, comme le prouvent les morceaux “Sailing Towards The Unknown”, “Sea Of Thalardh”,  “Til The Moon Drowns” ou encore “Through Primeval Waters”.

Si ces éléments étaient déjà présents sur EWD et STTE, notamment sur les morceaux “Sworn To The Elders” et “The Godless”, ils sont ici prépondérants et magnifiés par la longueur des compositions (entre 9 et 10 minutes en moyenne), ce qui rend l’ensemble encore plus prenant et immersif qu’à l’accoutumée, et qui, par la trame narrative qui s’en dégage, nous rappelle le côté alambiqué et progressif d’un certain Moonsorrow.

Un côté narratif qui s’exprime également à travers le chant de Richard, très versatile tout au long du disque. Alternant voix black/death caverneuses, chants clairs, chœurs virils et passages narratifs parlés, voire déclamés, le sieur nous transmet à travers sa voix diverses émotions. De la rage guerrière à la mélancolie en passant par l’empathie et une certaine théâtralité, le chant contribue à apposer une certaine patte Nydvind, ce qui permet au trio d’affirmer toujours plus son style et son originalité.

Malgré le fait que le groupe privilégie ici les atmosphères épiques, il ne délaisse pas pour autant son côté brut, sombre et guerrier, comme le montrent les passages plus typés black présents ça et là sur l’album, en particulier sur les morceaux “Skywrath et “The Dweller Of The Deep”. En effet, si l’ambiance déployée dans la plupart des morceaux nous laisse imaginer voguant avec ardeur sur un océan relativement “paisible”, “Skywrath” et “The Dweller Of The Deep” nous ramènent à la dure réalité : l’océan ne se laisse pas dompter si facilement, il demeure un lieu imprévisible, dangereux et terriblement attirant, les blast beats et autres tremolos pickings rageurs, faisant écho aux morceaux les plus guerriers de leurs compatriotes Belenos et Himinbjorg, nous montrent bien l’autre visage du royaume des mers: celui « d’une bête, d’un Cerbère abyssal prêt alors à dévorer nos âmes » (The Dweller Of The Deep).

Si le côté épique et “va t’en guerre” du pagan black demeure un élément central de sa musique, le combo francilien nous distille également de nombreux passages d’accalmies, entre arpèges acoustiques à la guitare ou au bouzouki et leads mélodiques, donnant à l’ensemble un aspect tantôt mélancolique comme sur “Sailing Towards The Unknown” ou “Unveiling A New Earth”, tantôt contemplatif et tragique (Til The Moon Drowns, Sea Of Thalardh), tantôt folk et entraînants (Through Primeval Waters), nous laissant ainsi perdus et émerveillés devant l’immensité océanique qui se dresse devant nous, face à nos propres pensées et questionnements sur la pertinence d’entreprendre un tel voyage, quittant nos êtres les plus chers pour aller embrasser le rêve, l’illusion de trouver une nouvelle terre d’accueil, un nouveau havre de paix.

Ce havre de paix existe finalement et se nomme “Unveiling A New Earth”, qui tout au long de ses 12 minutes, se présente comme un résumé de toutes les ambiances présentes dans l’album: épique, guerrier, mélancolique et contemplatif, ce morceau annonce la fin du voyage pour nos aventuriers des mers, le final presque “doomesque” symbolisant l’arrivée de nos compagnons sur une terre qui ne demande plus qu’à être explorée. Elle devrait d’ailleurs l’être sur le prochain volet de la saga, censé s’intituler Telluria et qui devrait, d’après les dires du groupe, revenir à un pagan metal encore plus doom et mélodique, à l’image de ce que l’on pouvait entendre sur Eternal Winter Domain.

Nydvind clôt, avec Seas of Oblivion, le premier volet de la saga Tetramental, et réussi le pari de faire évoluer sa musique, grâce notamment à des compositions plus fleuves et des atmosphères variées, tout en conservant cette identité épique, mélodique et guerrière qu’il a su développer tout au long de ses 19 années d’existence. Une identité qui, dans un futur proche, devrait gagner les rivages musicaux du doom (Telluria), du dark folk (l’air) et du black metal le plus brut (le feu). Espérons donc que le groupe arrive à concrétiser son ambitieux projet et ce, afin qu’un vent nouveau puisse enfin souffler sur une scène pagan française devenue déclinante, mais dont Nydvind demeure incontestablement l’un des plus fiers, originaux et sous-estimés représentants. Sublime, tout simplement.

Varulven


8,5/10

Tracklist:

  1. Plying The Oars
  2. Sailing Towards The Unkown
  3. Skywrath
  4. Til The Moon Drowns
  5. Sea Of Thalardh
  6. The Dweller Of The Deep
  7. Through Primeval Waters
  8. Unveilling A New Earth

Liens du groupe:
https://fr-fr.facebook.com/Nydvind/

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