Ne vous carapatez pas car les Transylvains originaires de Timisoara reviennent en force ! Profitez de ce jeu de mot, ce sera la seule touche d’humour tant que je vous parlerai de Tau, premier volet d’une ambitieuse trilogie bien de chez eux ! Depuis 1995, le groupe a su produire une discographie conséquente, et ce malgré de fortes perturbations au sein de son line-up. Mais qu’importe, Negru, l’âme instigatrice de Negură Bunget, reste fidèle au poste. Vraisemblablement, à nouveau projet, nouveau label et nouveaux membres ! Pour la première fois, les Roumains sortent leur épisode via le sous-label de Prophecy Productions, Lupus Lounge. Je l’avais déjà évoqué dans ma chronique de Beware the Sword You Cannot See de A Forest of Stars, je vous renverrai donc à cette dernière s’il vous plait de connaître les autres petits protégés de Lupus Lounge. Nouvelle formation également ai-je dit, que l’on retrouvait néanmoins il y a plus d’un an sur Gînd a-prins, vinyle annonciateur de Tau avec le prometteur « Curgerea Muntelui ». Ainsi, Tibor Kati, Adrian Neagoe, Petrică Ionutescu et Ovidiu Corodan ont répondu présent pour épauler le membre fondateur dans cette nouvelle aventure.
A première vue, le premier opus de la série sent bon la sève de pin sylvestre, comme en témoigne sa pochette. Negură Bunget ne semble donc pas renoncer au thème qui lui est cher, à savoir la spiritualité qui émane de ses terres, à travers une musique symbolique et insaisissable en phase avec la nature. Tau apparaît comme un de ces albums qui nous emmène en terre inconnue et qui se prête presque à la méditation et au calme. Pendant près d’une heure (51mn pour être exacte), l’auditeur se permet une pause au milieu des sapins s’étendant à perte de vue, et reçoit une bonne dose d’air pur venant des eaux glaciales.
Je vais être honnête avec vous, le black metal transylvain n’est pas ce que je préfère en matière de folk metal. Je l’avais découvert avec Stapi Peste Stapini de Syn Ze Sase Tri (décidément les Roumains affectionnent particulièrement les trilogies), et cela ne m’avait pas emballée plus que ça. Je suis plus du genre musique entrainante et festive, mais cela n’engage que moi. Néanmoins, ne pas reconnaître le talent de Negură Bunget relèverait vraiment de la mauvaise foi. De toute manière, le groupe a fait ses preuves depuis belle lurette, et ce n’est certainement pas une seule chroniqueuse qui viendra tout remettre en question. Pourtant, qu’on se le dise, pour quelqu’un qui préfère le folk metal aux sonorités plus joyeuses, Tau m’a plutôt séduite !
Le verdict est sans appel, le premier constat qui est ressorti à l’issue de ma première écoute, c’est le caractère unique de chacun des huit morceaux qui composent cet album. Negură Bunget applique à merveille le fabuleux précepte : « une chanson, une identité ». Chacune d’elles nous fait voyager à chaque fois vers une terre nouvelle, mais en gardant toujours sérieux, authenticité et intensité. Le temps défile à une vitesse folle, mais semble tout à la fois suspendu.
Ce sont en premier lieu la quantité non négligeable de divers instruments traditionnels qui donnent à Tau toute sa personnalité. Des flutes et des claviers, mais aussi des instruments moins communs sur un album de folk metal, comme la trompette, le cor de chasse, le xylophone et le dulcimer, tels sont les invités qui font l’unicité des différentes pistes.
Les moult instrumentations ne sont pas le seul point qui contribue à la variété de Tau. À maintes reprises, Negură Bunget révèle au grand jour ses multiples facettes et développe des ambiances, toutes plus mystérieuses et sombres les unes que les autres, renforcées par le chant caverneux très prononcé de Tibor. Cette atmosphère impalpable se doit également à la présence des chœurs, mais surtout aux paroles chantées en vieux roumain. La foret brumeuse est bien là.
Tandis que le long morceau d’ouverture « Nametenie » aura une dominante progressive ponctuée d’un bridge typé doom, « Tarim Valhovnicesc » sera son direct opposé en étant plus rentre-dedans et agressif, secondé par le chant de Sakis Tolis (Rotting Christ). « Curgerea Muntelui » se voudra plus pesant, et contrastera avec les deux derniers morceaux, « Picur Viu Foc » et « Schiminiceste », plus ambiants et atmosphériques, dans lesquels les mélodies des instruments à vent nous feront virevolter dans les airs. Enfin, si « La Hotaru Cu Cinci Culmi » est plus acoustique, avec son introduction qui m’a rappelé celle de « Shine on You Crazy Diamond » (de Pink Floyd, je précise au cas où), « Impodobeala Timpului » est tout son contraire. Cet étonnant morceau est selon moi celui qui se démarquera le plus des autres, de par une introduction gaie et entrainante des plus inattendues de la part de Negură Bunget. Mais attention, l’heure n’est pas à la rigolade pour autant, cette ambiance bucolique sera vite contrée par un growl sinistre venu des profondeurs et une guitare menaçante incarnée par Rune Eriksen (Mayhem). Cependant, comme je vous l’ai dit au début de cette chronique, j’ai fortement apprécié ce côté décalé, en grande foldingue que je suis !
En somme, Negură Bunget accomplit avec succès son projet sans nul doute le plus ambitieux à ce jour, avec un premier épisode d’une trilogie misant sur une Transylvanie brute de décoffrage et des plus champêtres.
Fée Verte
8/10
Tracklist
1. Nametenie
2. Izbucu Galbenei
3. La Hotaru Cu Cinci Culmi
4. Curgerea Muntelui
5. Tarim Valhovnicesc
6. Impodobeala Timpului
7. Picur Viu Foc
8. Schiminiceste
Sortie : 27 février 2015
Liens du groupe :
https://www.facebook.com/negurabunget?fref=ts