Nous arrivons donc à dimanche, la quatrième et dernière journée de cette édition 2019 du Motocultor. Et autant dire que je n’ai que peu dormi. Car en effet, en plus de la pluie incessante, la nuit dernière fut également le théâtre d’une violente tempête, si bien que l’on entendait les tentes du camping qui volaient un peu partout. Autant vous dire que j’étais plus occupé à surveiller ma tente qu’à trouver le sommeil. Qu’à cela ne tienne, après avoir vérifié que toutes mes affaires étaient présentes, je quitte le camping pour me diriger vers le site, tandis que l’équipe des bénévoles s’empresse de mettre de la paille un peu partout afin d’éviter que l’on se casse la gueule à cause de la boue. Heureusement que la journée promet d’être ensoleillée, car je ne supporterai pas une nouvelle averse après avoir passé deux jours entiers sous la flotte. Une fois rentré, j’en profite pour faire mes dernières emplettes, avant de me diriger prudemment vers la Supositor pour le premier groupe qui m’intéresse.
Et ce premier groupe n’est autre que BEHEADED, des Maltais qui officient dans le doux monde du Brutal Death, et qui accessoirement, ont sorti cette année leur nouvel album Only Death Can Save You via Agonia Records. Si le Brutal Death ultra bourrin n’est pas forcément mon style de Death Metal favori, ce que j’avais écouté du dernier album m’avait plutôt emballé, et il faut dire que je m’attendais à prendre une petite claque dans la tronche… Ce fut malheureusement une (grosse) déception. Non pas que le groupe était mauvais, pas du tout, mais après que le premier morceau m’ait accroché l’oreille, j’avais l’impression d’entendre le même morceau rejouer en boucle pendant un quart d’heure, ce qui a grandement affecté mon enthousiasme de départ. C’est donc très logiquement que je pars du concert pour aller faire un petit tour. Dommage.
Je reviens quelques instants plus tard sur la même scène, pour voir un autre groupe de Death, les Polonais de HATE. Leur dernier album Auric Gates of Veles m’a en effet pas mal plu, pour son aspect plus épique et mélodique qu’à l’accoutumée, alors que le groupe avait pour habitude d’être souvent comparé à Behemoth sur ses précédents efforts. Car j’avoue que c’est un peu cette comparaison avec la bande à Nergal que je suis venu chercher, car vu la dernière prestation que j’ai vue d’eux, je préfère encore me farcir une bonne “imitation” plutôt que les originaux. Pour le coup, ça ne changera pas grand-chose, je ressors du concert un peu sur ma faim, j’ai trouvé que « l’aspect Behemoth » de leur musique n’était pas assez présent, bien que les moments du set qui mettaient ce côté-là en avant furent clairement les meilleurs. Un concert de qualité, mais qui n’a pas su donner toute l’intensité que j’en attendais.
Heureusement, j’aurai droit à une bonne dose d’intensité et de folie avec le prochain groupe. En effet, les cinq barges de PENSÉES NOCTURNES investissent la Dave Mustage pour trois-quarts d’heure de BM avant-garde aux touches jazzy, freak show et burlesques. Le groupe était clairement ma plus grosse attente de la journée, tant certains de mes collègues chez Valkyries m’ont rabattu les oreilles avec ce groupe pendant des mois. Bon, étant également amateur (bien que novice certes) de toute la scène Avant-garde Metal & cie, j’étais aussi très enthousiaste à l’idée de voir le groupe se produire en conditions live, surtout que son univers à la fois décadent et décalé m’a vraiment tapé dans l’œil. Sur scène, c’est un véritable festival dérangé que nous offrent Vaerohn et sa bande, un spectacle dont les différents actes baignent dans une atmosphère de cirque de l’étrange, voire de l’horreur, où le Mr Loyal Vaerohn nous déclame d’un ton théâtral la mise en musique à la fois cacophonique et redoutablement structurée jouée par son orchestre de clowns timbrés au possible. Ajoutez à cela l’énergie et le jeu de scène absolument dantesque de toute la troupe, et le résultat fait obligatoirement mouche. Même si je n’étais pas aussi enthousiaste qu’un fan averti du groupe l’aurait sûrement été, j’ai pris une bonne tarte (à la crème) dans la tronche, si bien que je suis reparti avec la quasi totalité de la discographie du groupe en poche. Il ne me reste donc plus qu’à assimiler les albums et à revoir le groupe en live, cette fois-ci dans la peau d’un fan averti. Et le plus tôt possible sera le mieux !
Après ce moment d’avant-gardisme bienvenu, retour à quelque chose de beaucoup plus old school, avec les Américains de MIDNIGHT. N’étant pas un inconditionnel de Black/Thrash ni de la plupart des groupes issus de la vague proto-Metal Extrême, je suis en revanche tout à fait disposé à apprécier ce genre de formations en live, tant énergie et efficacité sont les maîtres-mots de ce type de concert. Autant dire que c’était littéralement le cas, chaque morceau du combo étant un concentré d’agressivité, de refrains accrocheurs au possible (le refrain de “Evil Like A Knife” qui vous reste en tête) et de riffs thrashy puant la spontanéité et l’efficacité punk dignes des premiers albums de Bathory ou Slayer. Sur beaucoup de points, cela m’a fait penser au concert de Nifelheim que j’ai vu au regretté Fall of Summer en 2016, cette même énergie, ce côté ultra énervé mais pourtant très carré et propre, tous les ingrédients étaient réunis pour faire de cette date une réussite, sur scène mais aussi et surtout dans le pit.
Je choisis de rester en retrait pour voir Incantation, ayant déjà vu John McEntee et ses sbires deux fois cette année (dont une fois au Gibus pour l’un des concerts de l’année), je sais parfaitement à quoi m’attendre. Quoi qu’il en soit, cela reste toujours impressionnant de voir que malgré les années, le Death Metal des New-Yorkais suinte toujours autant le soufre et la mort, les passages plus doom et pachydermiques nous enterrent vivant encore plus (mention spéciale au morceau “Carrion Prophecy”, une vraie boucherie) et la voix de John McEntee demeure toujours aussi glaireuse et profonde. C’est à la limite de l’humainement possible tant sa voix paraît sortir tout droit d’un caveau. Les Américains nous prouvent donc que même après 30 ans de carrière, ils demeurent encore aujourd’hui l’une des valeurs sûres du genre sur le plan scénique. Bien plus que certains groupes de ”jeunes” en tout cas. Après cette nouvelle leçon de Death Metal old school prise sous la Supositor, je m’éloigne volontairement du site afin de reprendre des forces. Le soleil a beau être revenu parmi nous, les dégâts causés par la pluie des deux jours précédents sont encore bien palpables sous nos pieds. Une petite sieste, un peu de nourriture dans le ventre, et l’on repart sous les tentes afin de profiter des derniers groupes du festival.
Si on m’avait dit qu’un jour, la prestation de l’une de mes idoles me paraîtrait bien mais sans plus, je lui aurais gentiment dit d’aller se faire voir. C’est pourtant ce qui est arrivé en cette fin d’après-midi sur la Massey, alors qu’IHSAHN investit la place. Ceux qui me connaissent savent toute l’admiration et l’amour que j’ai pour la musique d’Ihsahn, autant avec Emperor qu’avec son projet solo, qui voit notre homme retourner les codes du Black Metal sophistiqué qu’il a jadis créé dans tous les sens, afin d’y ajouter des éléments Jazz, Rock Prog et Metal Expérimental, un mélange d’influences assez hétérogènes qui forment malgré tout un ensemble très uniforme, et qui garde une certaine accroche mélodique, surtout sur l’avant-dernier album Arktis, que j’avais particulièrement apprécié. J’exagère tout de même un tantinet lorsque je dis que le concert m’a laissé de marbre, mais quand je repense à la claque monumentale qu’avait été la date de la Machine à Paris, c’est comme comparer l’effet d’un incendie avec celui d’une simple bougie. Bon, malgré tout, c’est toujours plaisant d’entendre certains morceaux catchy d’Arktis, comme la très épique “Mass Darkness”, “Until I Too Dissolve” et son feeling très Heavy Metal 80’s, ou bien “Frozen Lakes on Mars”, qui possède une ambiance très progressive. Je ne suis certes pas resté de marbre, mais j’ai juste trouvé cela bien, sans plus. Et lorsque l’on parle d’un artiste aussi fabuleux qu’Ihsahn, le mot “bien” est loin d’être suffisant.
Setlist : Lending Me The Eyes of Millenia // Arcana Imperii // Samr // My Heart Is of The North // Mass Darkness // Frozen Lakes on Mars // A Grave Inversed // Until I Too Dissolve // Wake
J’espère donc rattraper le coup avec un autre de mes groupes de cœur, à savoir PRIMORDIAL. Et autant dire que j’ai une légère crainte avant l’entrée en scène des Irlandais. Car si Primordial est un groupe que je tiens en très haute estime, je n’ai jamais vraiment réussi à retrouver en live toute cette rage guerrière, cette nostalgie et cette passion ardente qui embrassent chaque album du groupe, malgré le fait que ce dernier livre toujours une performance habitée. Les musiciens font leur entrée au son de la chanson folk irlandaise “Dark Horse on The Wind” dans une ambiance solennelle, avant que Nemtheanga, qui harangue la foule avec le « Are you with us ??? » de rigueur, n’annonce le début de “Where Greater Men Have Fallen”. Aux premières notes, toutes mes craintes sont dissipées. Le son, excellent au demeurant, nous permet de vivre pleinement les compositions du quintet, où la mélancolie, le spleen et le chant passionné de Nemtheanga nous transmettent tantôt un hymne de bataille, tantôt un cri de vengeance, un chant de ralliement, voire une complainte. Mon seul regret aura été l’absence de “The Coffin Ships”, qui aurait à coup sûr rendu cette soirée encore plus mémorable sur le plan émotionnel. Mais qu’importe, les autres classiques, tels que “Empire Falls” ou les nouveaux morceaux, comme “To Hell or The Hangman” nous ont largement suffi à nous faire hurler les heures sombres de l’histoire irlandaise à pleins poumons. Autant sur un plan musical qu’émotionnel ou affectif, mon quatrième concert de Primordial fut sans nul doute le plus mémorable d’entre tous. Et l’un des meilleurs de l’année, assurément.
Setlist : Where Greater Men Have Fallen // Lain With The Wolf // Nail Their Tongues // No Grave Deep Enough // To Hell or The Hangman // Empire Falls
Je ne tiens à présent plus debout, les quatre jours se ressentent à présent dans tout mon corps, tant et si bien que je sacrifie les sets de Carpenter Brut, que j’étais pourtant très curieux de voir, et surtout de Bloodbath pour aller me coucher directement au camping. Complètement mort, je m’endors en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, car je tiens à partir tôt demain matin, et en forme si possible. C’est donc aux alentours de 8h30-9h00 que je fais mes affaires, afin d’emprunter la navette qui me déposera à la gare de Vannes, afin de repartir tranquillement vers Paris.
BILAN
L’heure du bilan de cette édition 2019 est maintenant venue, et pour résumer, je dirais que cette édition fut assez contrastée en ce qui me concerne. En effet, contrairement à l’édition 2017, j’ai assisté à beaucoup moins de concerts d’exception, j’ai vu pas mal de groupes très sympas, mais très peu qui pourraient figurer dans mon top concert de l’année. Mais s’il me fallait choisir, je dirais que les prestations de Wolvennest, Harakiri For The Sky, Anathema, Mgla, Magma, Primordial, Hypocrisy et Pensées Nocturnes furent parmi les plus abouties du festival à mon sens. Pour les mentions honorables, je rajouterais volontiers Tribulation, Solstafir, Incantation, Midnight, Stille Volk et Au-Dessus.
Pour ce qui est des autres points importants, le plus pénible fut bien évidemment la météo, car bien que la pluie fut assez supportable (pour avoir subi les averses du Fall of Summer en 2017, je sais de quoi je parle), passer son festival dans la boue, la pluie et l’humidité affecte comme on l’imagine l’ensemble de vos faits et gestes, et cela influe sur votre fatigue, votre humeur et tout ce qui va avec. Soulignons à ce sujet le travail des équipes de bénévoles, qui se sont démenées durant trois jours afin de rendre le site plus praticable et moins dangereux, bien qu’au vu des prévisions météo pour la semaine, il aurait sûrement fallu prévoir un peu plus de paille. Mais dans l’ensemble, la situation fut tout à fait gérable, bien que provoquant une fatigue beaucoup plus rapide et importante qu’à l’accoutumée.
Enfin, l’élément le plus important à mes yeux : le site et l’affiche. Faire un festival sur un site à taille humaine est pour moi toujours un plus, et l’affiche assez éclectique en est un autre. Pourtant, comme je l’ai souligné en préambule de la première journée, je préfère aujourd’hui me tourner vers des événements ciblés sur un style précis, afin de garder une certaine “cohérence artistique” et de voir un plus grand nombre d’artistes susceptibles de me plaire. Pour avoir fait plusieurs fois l’expérience sur des festivals généralistes, le nombre d’artistes qui m’intéressent est souvent, voire toujours équivalent au nombre de groupes qui ne m’intéressent guère. C’est pour cette raison que je ne pense pas retourner un jour au Motocultor, bien que la volonté de diversité artistique du festival soit plus que louable. Heureusement, ces quelques points négatifs ne m’ont pas empêché de passer trois jours fort agréables, et de voir ou revoir des artistes formidables, dont certains faisant partie de mes groupes de cœur.
Pour tout cela, je remercie donc l’équipe du Motocultor Festival pour son travail et pour l’accréditation, ainsi que tous les bénévoles, artistes, techniciens et festivaliers qui ont participé d’une manière ou d’une autre à cette édition 2019.