Après deux premiers jours fort sympathiques, sans être non plus exceptionnels au niveau musical, le moment est venu d’attaquer cette troisième journée avec espoir, et le sourire. En effet, ce troisième jour s’annonce plus prometteur que les deux premiers, car il y a bon nombre de groupes que je n’ai jamais vus, ou que je souhaite revoir avec enthousiasme. Une fois le petit-déjeuner avalé, il est temps de se diriger vers l’entrée du festival et de commencer la journée. Aussitôt arrivé, je peux d’ores et déjà constater les dégâts de la veille causés par la pluie, et, à la vue du ciel une fois encore très couvert, je me dis que la saucée que l’on s’est prise sur la tronche hier n’était que le début. Mais bon, retenons avant tout le point positif de cette journée, à savoir (re)voir des groupes qui me tiennent particulièrement à cœur.
Ma journée commence donc avec les Sibériens de NYTT LAND, que j’avais déjà vus au Cernunnos Pagan Fest en février. J’avais alors trouvé leur performance très immersive et envoûtante, bien qu’un certain côté répétitif s’était peu à peu fait sentir. Transposez tout ce que je viens de dire pour ce concert du Cernunnos à la prestation du Motocultor, et vous obtenez mon avis sur ce qu’a proposé le couple ce samedi. Si le duo réussit à nous transporter dans son univers à la fois ritualiste et chamanique, en grand partie grâce à la maîtrise parfaite des techniques de chant de gorge de ses membres, le set commence à devenir un peu redondant sur la fin, peut-être la faute à cette comparaison instinctive que beaucoup d’auditeurs peuvent faire avec les autres groupes chefs de file du mouvement Nordic Folk, Heilung et surtout Wardruna. L’impression de déjà-vu, et en mieux, se manifeste donc involontairement à nos oreilles. Mais qu’importe au final, car si l’on doit retenir le positif, Nytt Land nous aura offert une preuve plus qu’évidente de toute la sincérité mise au service de son art.
Changement complet de registre maintenant, car c’est UNDEAD PROPHECIES qui débarque sur la Supositor Stage pour nous asséner à grands coups de Boss HM-2 son Death Metal old school sans fioritures et sans compromis. Combo composé de membres anonymes (des rumeurs parlent de membres de Loudblast ou d’Asphyx), tous vêtus de toges noires, encapuchonnés et de masques de têtes de mort, les cinq gaillards nous livrent pendant près de trois-quarts d’heure des morceaux qui s’inscrivent dans la plus pure tradition du Death des années 90, c’est rentre-dedans, direct, efficace et groovy, bref tout ce que l’on attend d’un groupe de Death old school. Et bien que la musique ne respire pas vraiment l’originalité (par moments, j’avais l’impression d’entendre un patchwork de morceaux de Death, Asphyx ou Obituary), je passe tout de même un bon moment grâce à l’énergie et à l’efficacité des compos. Et c’est tout ce qui compte au final !
Après une petite pause bien méritée, direction la Massey Ferguscène pour voir l’un des groupes que j’attends le plus ce samedi, les Belges de WOLVENNEST. Et autant dire que je les attends de pied ferme, car malgré un concert plus que satisfaisant et honorable au Glazart, lors de la tournée avec Chapel of Disease et The Ruins of Beverast, on se souviendra du son pas toujours optimal pour être complètement immergé dans leur univers si particulier. Vu ce que l’on entend durant les balances, le petit couac de la date parisienne semble être rectifié, ce qui sera effectivement le cas. Et franchement, quel plaisir, car on peut enfin se laisser porter par l’atmosphère occulte et psychédélique de la bande de Marc DeBacker, la rythmique lourde et mid tempo nous emporte vers les territoires du Doom, tandis que les mélodies aériennes et lancinantes nous font voyager dans les méandres du Rock psychédélique, le tout baignant dans cette ambiance occulte et ésotérique propre à certains groupes de BM. Bien que très atmosphériques et doomy à la base, les chansons sont loin d’être dénuées d’accroche, bien au contraire, et cela grâce aux mélodies de guitares assez hypnotiques mais surtout au ton très rassurant et maternel de la chanteuse, en particulier sur le morceau ”Ritual Lover”. J’en attendais beaucoup, et mes attentes ont été comblées. Une prestation de haute volée, figurant pour le moment parmi les meilleures du festival.
Et il en sera de même pour le prochain groupe que je vais voir, puisque c’est HARAKIRI FOR THE SKY qui monte sur la même scène que Wolvennest. Là aussi, je les attends avec impatience, tant ce groupe compte à mes yeux, surtout que la première (et dernière fois) que je les ai vus, j’en avais été profondément ému, tant leurs mélodies sont poignantes et leurs arrangements sophistiqués. Dégageant une fois de plus un grand calme et une grande sérénité sur scène, Jimbo, M.S et les autres musiciens nous livrent une fois encore une prestation très émotive et à fleur de peau, où les mélodies touchantes au possible nous transmettent toute la mélancolie et la fatalité présente dans les paroles, ces dernières étant vociférées par Jimbo avec une hargne des plus habitées. Parmi les quatre morceaux joués (ce qui est bien trop peu), deux sont issus de III: Trauma, les deux autres provenant du petit dernier Arson. Et si tous les morceaux étaient vraiment prenants (je suis à chaque fois subjugué par leurs arrangements, tant les mélodies s’enchaînent de manière fluide et très naturelle), j’ai surtout été marqué par “You are The Scars”, dont le refrain mémorable m’a une fois de plus fait verser ma petite larme (car je suis une madeleine, que voulez-vous). En bref, un show tout en émotions et en grâce, dont seul Harakiri For The Sky a le secret. Vivement le prochain concert du groupe.
Setlist: Heroin Waltz // Funeral Dreams // You are The Scars // Calling The Rain
Je choisis de m’octroyer une petite pause, afin de me remettre de mes émotions… Enfin surtout pour me remettre de la fatigue causée par toute la boue et l’humidité. En effet, vu le champ de bataille que le site commence à être, je préfère me préserver un minimum, afin d’être en mesure de tenir jusqu’aux derniers groupes. Je reviens vers le site sur les coups de 19h00 pour voir un autre groupe qui m’est cher, SOLSTAFIR. Ou qui plutôt m’était cher. Non pas que j’ai entre temps renier les Islandais, pas du tout, mais j’avoue ne m’être que peu intéressé à l’après Otta, cet opus m’ayant tellement bouleversé que dans mon inconscient, je me suis laissé dire « Solstafir ne pourrait plus jamais me toucher autant à l’avenir ». Leur concert du jour était donc l’occasion de me rattraper, d’autant que cela fait trois ans que je ne les avais pas vus en live. Alors, quel verdict ? Et bien, la bande à Adi en a encore sous le pied, car malgré le temps qui a passé, je reste toujours transporté par leurs atmosphères célestes et leurs mélodies planantes, comme avec le morceau titre de l’album Otta, dont les paroles sont déclamées par un Adi toujours aussi versatile dans sa manière de chanter. Arrive enfin le moment tant attendu, “Fjara” s’apprête à être jouée, c’est le moment de la transcendance, du voyage, de l’extase, de… sauf que non. Bordel, ils m’ont vendu du rêve au début du set, mais l’interprétation de “Fjara” est pour le coup complètement foirée, le chant n’avait pas la même profondeur que sur la version studio, bref c’est la douche froide. Bon après, je pense que le fait d’avoir entendu cette chanson dans sa version plus arrangée, avec un piano, un quatuor à cordes et des chœurs ne m’a pas aidé à apprécier cette version plus classique. Tant pis, cela arrive parfois. Ce ne fut au final pas trop préjudiciable, car la suite du concert repartit de plus belle dans la sensibilité et l’émotion, le tout conclu par un “Goddess of The Ages” des plus marquants, où toute l’assistance entre en véritable communion avec le groupe, Adi allant comme à son habitude à la rencontre des premiers rangs. Même si cela ne m’a pas autant ému que leur fabuleux concert au Divan du Monde il y a trois ans et surtout avec le gros couac de “Fjara”, Solstafir a prouvé qu’il était toujours capable de procurer de belles émotions, et avec la pluie battante en arrière-plan, le rendu sonore en était d’autant plus immersif.
Setlist: Otta // Köld // Fjara // Blafjall // Goddess of The Ages
On approche donc de la fin de la journée et il pleut toujours autant. Alors qu’il me reste encore deux ou trois groupes à voir, je me demande vraiment comment je vais tenir jusqu’à At The Gates. Un bon repos, un peu de nourriture, et me voilà reparti vers la Supositor, pour aller voir MGLA. Après la tuerie qu’a été la date parisienne, j’en attends encore une fois beaucoup de la part des Polonais, dont le nouvel album ne devrait plus tarder. Comme pour Watain la veille, les techniciens s’affairent pour enlever toute l’eau de la scène, le groupe mettant quant à lui un certain temps à faire ses balances, en raison de la pluie, il faut en effet vérifier que tout le matériel n’est pas endommagé. Alors que le concert peut enfin commencer, un imprévu de taille se passe lorsque l’un des techniciens casse malencontreusement la guitare de M en la laissant tomber involontairement. Le temps de calmer la situation et de résoudre le problème, le show est retardé d’environ un quart d’heure supplémentaire. L’attente est alors insoutenable, mais enfin, les quatre silhouettes cagoulées et encapuchonnées font leur apparition pour nous balancer leur Black Metal froid, nihiliste et aux mélodies imparables. Je ne vais pas trop détailler la prestation de Mgla, car mon avis ressemble en tout point à celui du report de la date parisienne avec ma collègue Herja. Et avec la pluie en fond, cela rendait les arpèges dissonantes et les mélodies glaciales du combo encore plus évocatrices que d’habitude. Si il faut chipoter, je dirais que plus de nouveautés dans la setlist seraient les bienvenues, voilà pourquoi il me tarde de les revoir pour la tournée du nouvel album. En attendant, Mgla nous aura encore fourni une date mémorable, en espérant que les prochaines le soient tout autant.
L’heure est maintenant venue de me placer pour une de mes plus grosses attentes du festival, ANATHEMA. Ceux qui me connaissent savent que certains albums des Britanniques ont une place de choix dans mon cœur, tant bon nombre des morceaux de Weather Systems ou Distant Satellites me procurent toujours une sensation de flottement inexpliquée et un sentiment de vivre un rêve particulièrement intense. Bon, voilà c’était le moment hippie du report, mais qu’en est-il de la performance réelle des Liverpuldiens ? Honnêtement, tout est passé comme une lettre à la poste, il n’y a rien eu à jeter durant ce concert. Qu’il s’agisse des morceaux du dernier album, que j’ai pourtant trouvé moins évocateur et beau que les précédents, ou bien les sempiternels classiques “Thin Air”, la très électro “Closer”, “Untouchable, Part I” et surtout “Fragile Dreams », dont le refrain entêtant fut repris en chœur par la foule, Anathema nous aura encore fait voyager ce soir, grâce à ces ambiance douces et intimistes portée par la voix de Lee Douglas, puis ces montées mélodiques en crescendo, jusqu’à finir en apothéose, où claviers, trémolos de guitares et voix s’entremêlent pour un final des plus touchants. Il me tarde donc au plus vite de revoir Anathema, surtout que Vincent Cavanagh a annoncé qu’ils devraient revenir très bientôt en France pour la tournée du nouvel album, ou pour une toute autre raison. Que demander de plus, dans ce cas-là ?
Setlist: Can’t Let Go // Thian Air // Springfield // Closer // A Natural Desaster // Fragile Dreams // Distant Satellites // Untouchable, Part I
Sortant de ce magnifique moment de Rock Atmosphérique, je constate que je suis complètement cramé, et qu’il va me falloir beaucoup de volonté pour assister à la violence mélodique de AT THE GATES. Je suis donc les Suédois d’un air plus que passif, étant complètement mort, je n’arrive même plus à lever les jambes. Le peu que je parviens à suivre en étant éveillé m’a malgré tout confirmé que les morceaux du dernier album To Drink From The Night Itself étaient encore plus pêchus en live, et que les classiques de Slaughter of The Soul étaient encore plus une boucherie une fois joués sur scène. Qu’il s’agisse de “Blinded by Fear”, “Slaughter of The Soul”, “Cold” ou bien “Suicide Nation”, c’est frontal, direct, ultra énervé et pourtant bourré de mélodies accrocheuses au possible. Il faut vraiment que je les revois en étant cette fois plus en forme et réceptif qu’en cette fin de soirée pluvieuse et humide.
Car oui, la pluie continue de plus belle au moment de rentrer au camping. Mais malgré tous ces désagréments, la journée fut fort productive, avec bon nombre de concerts excellents, comme ceux de Wolvennest, Harakiri For The Sky, Mgla et Anathema. Pour dimanche, la journée s’annonce bien moins chargée, mais elle réserve tout de même son lot de surprises. Mais ça, nous le verrons la prochaine fois…