En 2015 sortait le premier album éponyme de l’entité lyonnaise Maïeutiste via Les Acteurs de l’Ombre Productions ; label qui était rapidement devenu symbole de qualité dans l’underground français Black Metal, Avant-garde et affiliés. Et ce premier album riche et exigeant ne faisait pas exception à la règle, mêlant un Black et un Doom plus traditionnels à des ambiances et une production résolument modernes pour un résultat assez personnel. 4 ans plus tard, le groupe remet le couvert avec Veritas, titre annonciateur d’un concept et de morceaux toujours aussi chiadés.
Ce caractère semble dans son essence préservé sur le nouveau long format du groupe. Mais Veritas apparaît aussi et surtout dès les premières écoutes comme plus éclectique que son prédécesseur. Chaque morceau semble porter sa patte et son lot d’influences propres, se démarquant immédiatement des autres, tout en ayant une construction savante qui fait que le tout fonctionne à merveille. Des morceaux comme « Veritas » mettent en avant l’aspect BM le plus classique, avec des trémolos froids et mélodiques et un chant BM assez classique. Mais s’y glissent régulièrement des riffs dissonants et déconstruits à la Deathspell Omega, ou dans un autre registre, des chœurs clairs noyés dans la reverb. Le résultat qui va jusqu’à prendre des allures Enslaved-iennes sur la première partie de « Vocat ».
« Infinitus » en prend le contre-pied avec un début frontal et un growl beaucoup plus grave, pour rapidement évoluer sur un passage acoustique de toute beauté. La guitare sèche se retrouve d’ailleurs très régulièrement, qu’elle occupe le premier plan (« Veritas », « Universum »…) ou entremêlée avec des sonorités plus électriques (« Vocat » en tête, « Universum »). L’auditeur se retrouve plongé dans des ambiances qui sentent bon les vieux albums d’Opeth (en particulier sur « Infinitus », donc). De là, on dérive sur des passages techniques et rythmiques résolument modernes, déconstruits mais étrangement groovy, parfois lourds (« Universum »), entre death et prog, chant clair et growl (Ihsahn es-tu là ?). Le jeu comme la production illustrent cette modernité tout en conservant un caractère fortement organique. Maïeutiste va même jusqu’à nous proposer un petit interlude baroque avec « Spiramus ». Faire de l’expérimentation avec de l’ancien. Et le morceau se glisse à merveille au milieu du reste, sorte d’interlude aérien pour laisser l’auditeur digérer ce qu’il vient d’entendre et se préparer à aborder la suite.
La batterie ne fait que souligner la richesse de composition, entre rythmiques lourdes, syncopées ou parfois encore presque groovy, blasts assez basiques mais efficaces et autres déchaînements chaotiques faisant écho par exemple aux passages les plus directs d’un Dødheimsgard. Le tempo varie donc constamment, et ne délaisse pas non plus les lenteurs Doom déjà présentes sur le premier album. Elles sont peut-être un peu plus rares ici mais placées judicieusement pour un effet imparable. La fin d’« Universum » se rapproche déjà un peu d’un doom mélodique avec un magnifique chant clair, mais c’est véritablement sur « Vocat » que Maïeutiste suinte les premiers Katatonia ou My Dying Bride. Quelques notes distendues dessinent des profondeurs abyssales, vite sublimées par une guitare acoustique. L’instante dure, s’y ajoutent des voix claires, avant de repartir après son apogée sur une lancée plus BM.
Chaque morceau s’impose en quelque sorte comme une étape supplémentaire dans la réflexion philosophique à laquelle invite le groupe, cette quête de la « vérité ». C’est justement grâce à ce concept que Veritas fonctionne au final comme un tout, qui doit s’écouter d’une traite, dans l’ordre, pour être apprécié à sa juste valeur. La construction logique saute aux yeux : outre le nom de la première et de la dernière piste (« Veritas I » et « Veritas II »), elles reprennent les mêmes éléments musicaux, en particulier ce même riff mélodique nous signifiant à la fois le début et la fin du voyage. Cependant, le concept s’explore majoritairement à travers les paroles principalement en anglais, permettant à ceux qui le veulent d’approfondir encore leur écoute (et dernier conseil : écoutez bien l’album jusqu’à la fin).
Maïeutiste signe encore une fois un album aux influences diverses parfaitement digérées et réappropriées. Veritas continue dans la lancée de son prédécesseur mais le surpasse, exigent mais pas inaccessible ni focalisé sur l’aspect technique. Toute la complexité de composition est mise au service d’un périple autant sonore que philosophique laissant place à l’émotion pour un résultat inattendu et bluffant.
-Herja
Sortie le 4 octobre 2019
Tracklist :
1. Veritas I
2. Infinitus
3. Universum
4. Spiramus
5. Vocat
6. Veritas II