Ivar Bjørnson & Einar Selvik – Hugsjá

Histoire un peu particulière que celle de ce projet/duo. En 2014, c’est par une commande institutionnelle à l’occasion des 200 ans de la constitution Norvégienne que nait la collaboration entre Ivar Bjørnson, guitariste et co-fondateur d’Enslaved et Einar Selvik, tête pensante de Wardruna. Après plusieurs performances lives, Skuggsjá – A piece for mind and mirrors sort en 2016, proposant un mélange entre le Black Metal d’Enslaved et le Folk de Wardruna en narrant la fondation du pays.

Deux ans plus tard, en avril dernier, les deux hommes reviennent avec un nouvel opus, intitulé Hugsjá. Celui-ci nous parle toujours des origines de la Norvège, de ses valeurs, de sa spiritualité, de sa fondation, par un voyage intérieur auquel fait référence le titre de l’album (Hugsjá est traduit par « Mind-View »).

Musicalement, si le duo annonce toujours la même ambition d’allier l’ancien et le moderne, on abandonne ici les éléments Black Metal pour un album globalement plus lumineux, ou en tout cas aux allures moins mystérieuses que le précédent. Ce choix a bien sûr de quoi décevoir, car Skuggsjá avait un aspect un peu nouvateur. Mais je trouve au contraire ce nouvel opus plus harmonieux, homogène et abouti. Ils m’ont aussi prouvé être clairement au dessus de la mêlée dans la mouvance Nordic Folk. Bref, autant le dire clairement : j’ai été charmée par cet album.

Du début à la fin Hugsjá est empli d’une ambiance maritime, des parties rythmiques aux mélodiques en passant par les lignes de chant. Tout semble être disposé de manière à ce que, si vous fermez les yeux, vous vous retrouviez sur une embarcation fendant les eaux. On y rencontre d’ailleurs directement des glouglous d’eau sur tout la durée de « Ni døtre av hav », ou encore de vagues sur « Utsyn ». L’écoute est donc extrêmement évocatrice, avec même quelques répétitions donnant un effet hypnoptiue, comme sur « Nattselgar » ou « Oska ».

« Dès le morceau-titre qui ouvre l’album, on y voit déjà apparaître la plupart des éléments qui le caractériseront tout du long : un mid-tempo « de croisière », des mélodies aux instruments traditionnels ou à la guitare, quelques samples électroniques, le chant d’Einar Selvik sur lequel s’ajoutent parfois des effets ou un choeur. Quelques vagues apparaissent cepenant dès le 2e morceau, « WulthuR », avec sa corne de brume et son tempo un peu plus entraînant. On est parti, on navigue. Le rythme restera globalement le même tout au long de l’album, un périple en apparance tranquille mais loin d’être monotone ou soporifique.

Ce périple se découpe en trois parties : « Regin », très calme et progressif, « Fundinn Noregr » un peu plus rythmé et « Dáinn », un peu plus mélancholique voire mystérieux sur certains passages. D’un point de vue purement musical, il n’y a pas cependant de changement flagrant – ce qui aurait pourtant pu être intéressant. Ces trois parties délimitent en revanche des étapes dans le récit : le divin (« Regin » étant traduit par « The reigning powers »), le terrestre (« Fundinn Noregr » : « Finding Norway ») et l’après (« Dáinn » : « The dead »)

« Les structures des morceaux sont en revanche souvent assez similaires. Un instrument débute seul en entamant ce qui va être le motif principal du morceau avant d’être rejoint par le reste du groupe. Ensuite vient un refrain (si on peut appeler cela comme ça), en tout cas une partie qui explose, montant soudainement en intensité avec un choeur qui double Einar. Il y a tout de même des exceptions à ce schéma comme « Nordvegen » et « Oska » qui débutent de manière beaucoup plus frontales, presque dansante pour l’une et limite rock pour l’autre. Au delà, nos deux norvégiens s’en sortent bien car chaque morceau arrive à garder sa personnalité, chacune avec ses mélodies qu’on se surprend rapidement à fredonner.

« La tentative d’allier sonorités modernes et anciennes est peut être moins flagrante sur cet opus que sur le précédent, mais elle est tout de même bien présente. Un grand nombre de titres sont parcourus de quelques bidouillages électroniques comme d’instruments traditionnels, on alterne ou on superpose batterie et tambours. Les guitares, elles, sont acoustiques comme électriques, ce qui donne du relief à certains morceaux (« Nytt Land », « Oska »…).

Au niveau du chant, celui-ci se centre sur Einar, régulièrement doublé ou modifié avec divers effets. Un choeur le rejoint parfois pour apporter un peu plus de profondeur et d’intensité. Ce petit monopole vocal est tout de même un peu dommage, car on peut avoir l’impression que c’est clairement lui qui domine le projet. Il démontre en revanche une fois de plus la richesse de sa voix, avec des lignes de chant très évocatrices, entre l’émotion et le solennel. Il oscille entre passages doux et graves, envolées lyriques, et même murmures écorchés sur « Oska » rappellant un peu certains passages plus sombre du précédent opus ou de Wardruna.

Enfin, le dernier morceau, « Um Heilage fjell » se clôt avec guitare acoustiue sur laquelle se déploie un choeur extrêmement mélancolique et juste. Et c’est ce que je retiendrais de l’album et du voyage nordique qu’il propose : une beauté immense et impalpable, parfois joyeuse, souvent un peu triste, mais sans jamais tomber dans l’excès.

Hugsjá se présente donc comme un album facilement abordable mais loin d’être lassant au bout de plusieurs écoutes. Au contraire, on est rapidement absorbé par ces aambiances maritimes à l’image de l’artwork, et ce côté à la fois fort, chargé d’émotion et intime pour un résultat très immersif.

Herja

9/10

Tracklist :

Regin (The Reignin Powers)

  1. Hugsjá (Mind-view)
  2. WulthuR (Radiance)
  3. Ni Døtre av Hav (Nine Daughters of the Sea)
  4. Ni Mørdre av Sol (Nine Mothers of the Sun)

Fundinn Noregr (Finding Norway)

5. Fornjot (Fornjot)
6. Nattselgar (Night Saller)
7. Nytt Land (New Land)
8. Nordvegen (The North Way)

Dáinn (The Dead)

9. Utsyn (Vista
10. Oska (Ashes)
11. Um Heilage Fjell (Holy Mountains)

Sortie le 20 avril 2018

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