Sami Hinkka d’ Ensiferum
par Morrigan
2014
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Pour commencer, je voulais te demander ce que tu pensais du Motocultor Festival pour l’instant, même si vous venez tout juste d’arriver ! (le groupe est arrivé environ une heure auparavant, est immédiatement parti en signing session, puis à cette interview)
(rires) Parfait pour l’instant ! Je ne sais pas, on ne va pas avoir l’occasion d’en profiter beaucoup, quand on est arrivés, il y avait un gars qui jouait de la guitare acoustique sur scène [Mononc’ Serge], les gens chantaient beaucoup en cœur, donc il semble que malgré la pluie les gens sont vraiment bien motivés, et puis c’est le premier jour, donc je crois que tout le monde a encore plein d’énergie, pas de gueule de bois pour l’instant, donc très gros show en perspective aujourd’hui !
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Et beaucoup de gens vous attendent de pied ferme… il n’y a même pas besoin d’essayer de convaincre les gens de venir vous voir. Aujourd’hui vous êtes un peu le groupe « modèle » dans le pagan metal, je veux dire, beaucoup de groupes disent que leur principale influence est Ensiferum. Ca fait quel effet ?
Hmmm ça nous fait nous sentir vieux ! (rires) Non, ça nous rend humbles, ça nous a pris du temps vraiment de comprendre que quelqu’un s’inspirait vraiment de notre musique afin de lancer son propre groupe, parce que d’une certaine manière, j’ai toujours le sentiment d’être , peut-être pas un ado d’une quinzaine d’années, mais ce jeune homme de ans qui enregistrait encore des démos avec ses premiers groupes et tout ça, donc c’est étrange comme sentiment… du côté positif du terme ! Et c’est très sympa de revenir en France, nous n’avons joué ici que trop rarement…
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Oui… et est-ce que tu penses que vous avez une « relation spéciale » avec la France, parce qu’en début d’année vous avez fait une mini-tournée uniquement française, ça a une signification particulière ou… ?
Bien sûr ! France est sans doute l’un des meilleurs endroits où jouer pour être honnête, c’est bizarre car quand j’ai rejoint le groupe il y a une dizaine d’années, la formation commençait tout juste à tourner, je crois qu’ils n’avaient fait qu’un seul tour quand je suis arrivé, et quand on a regardé les dates à venir, il n’y avait pas de France, et on se demandait toujours « c’est quoi votre France ? ». Les gens nous avaient dit qu’il n’existait pas de scène metal en France, que personne là bas n’y aimait le metal, et on acquiesçait parce qu’on ne savait pas ! Quelques années après ça, on a commencé à recevoir de plus en plus de demandes par mails de fans français « venez en France, venez en France ! », donc ok c’était évident qu’il y avait quelque chose qui se passait là bas, donc cette année nous avons eu ces shows géniaux ici tout en pensant « qu’est ce qui est en train de se passer ici ? Qu’est-ce qu’on a manqué ? ». Il y a quelque chose d’unique chez les fans français, ils donnent beaucoup, chantent en cœur… C’est pour ça qu’on voulait faire une tournée uniquement française pour rencontrer les gens aussi, car d’un côté nous avions déjà joué dans ce pays de nombreuses fois, dans les tournées figuraient habituellement Paris, Lyon mais c’était tout, donc on voulait faire une véritable tournée puisque c’est un très grand pays, avec beaucoup de gens, des personnes sympa à rencontrer… On voulait faire une tournée très spéciale en France et ça valait totalement le coup !
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C’était une super tournée !
Oui, on a adoré la faire !
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Et vous avez fait le Heidenfest aussi, c’était quelque chose !
Oui, tu y étais ?
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Oui ! J’étais à Paris, et le jour suivant en Allemagne, et j’ai vraiment eu le sentiment qu’il y avait une énergie toute particulière à Paris, c’était juste incroyable !
Je suis entièrement d’accord !
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Et donc comment cette tournée française s’est déroulée ? Vous tourniez avec Frosttide, une jeune formation finlandaise qui s’inspire en partie de vous…
C’était vraiment un tour sans accroc et facile à gérer, les gars de Frosttide sont très jeunes, on avait un peu peur parce que tu sais, on aime bien faire la fête de temps en temps, mais il y a une énorme différence si la moyenne d’âge du groupe se situe vers 20 ou bien 30 ans… Il y a cette petite différence au niveau de comment se déroulent les petites fêtes d’après show. Mais Frosttide se sont comportés de manière exemplaire, ce sont de jeunes gens très polis, donc on a passé un super moment ! Tout a bien fonctionné, on avait une équipe géniale, c’était un plaisir, tout le monde a donné le meilleur de lui-même et tout a marché !
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Tout était parfait !
Oui, et c’est très important aussi ! Il faut savoir apprécier ces moments… C’est primordial d’affirmer sa gratitude aux gens.
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Et merci pour ça, certains groupes ne se soucient pas de ça, je veux dire en tant que fan c’est vraiment mieux de voir un groupe, comme Ensiferum, qui se donne à fond sur scène, qui dégage cette énergie, rien ne peux me rendre plus heureuse que ça, et c’est triste que certains groupes ne s’en rendent pas compte…
Oui ! Pour nous c’est de l’interaction avec les fans. Ou du moins personnellement, jouer en live est l’une des meilleures choses de la vie. Regarde aujourd’hui on a voyagé quelque chose comme 10 heures déjà, et après le show on va encore voyager 5 heures pour arriver à Paris où l’on va jouer 15 minutes, mais ça vaut le coup ! C’est pour ça que j’aime nos fans, ils ont tant d’énergie, ils nous la transmettent et vice versa, ça va et ça vient, j’adore ça !
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C’est là que vos shows sont intéressants aussi ! Quand on vous voit en signing session par exemple, etc, vous avez l’air tellement calmes, et sur scène vous êtes… des monstres ! Vous avez une double personnalité ? Comment vous faites ça, vous avez des rituels avant de monter sur scène ? Ou peut-être que vous êtes dans la peau d’un personnage le temps du show ?
En fait, non. On a tous différentes facettes ! Peu importe ce que tu fais, tu as toujours un rôle à jouer que ce soit avec les amis, la famille, au travail… Tu agis différemment ! Je ne sais pas, pour moi jouer en live est tellement fort émotionnellement… je sais que la musique me donne, mais ça vient aussi du public, il n’y a pas besoin de prétendre quoi que ce soit… Tu sais, chaque membre du groupe a des petits rituels avant de monter sur scène pour se mettre dans l’ambiance, mais en général c’est quand la première chanson démarre, à la première seconde [tape dans ses mains] ça arrive, tu essaies de te motiver autant que possible avant le show, mais tu ne peux jamais atteindre le pic tant que tu n’es pas sur scène face au public.
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Vous avez des projets de revenir bientôt alors ?
Oui. Comme tu le sais probablement on est en train de travailler sur le nouvel album, donc évidemment on a des projets de tournées à venir. Je n’ai pas encore vu le planning, mais je serais assez mécontent si la France en était absente, elle doit y figurer !
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A ton avis, c’est quoi la clé du succès d’Ensiferum ? Comme je l’ai déjà dit vous êtes l’un des groupes de pagan les plus populaires, vous êtes l’exemple à suivre et ce succès ne se dément jamais…
Je ne sais vraiment pas… Je crois une chose, je ne sais pas comment les autres groupes procèdent, mais pour nous, on fait très attention à nous mêmes quand on compose de la musique, ça doit venir du cœur. Il ne faut jamais regarder en arrière genre « tiens, les gens aiment cette chanson », si tu commences à aller dans cette direction, je crois que ce n’est pas la bonne à prendre. Du moins pour nous. Et en tant que musicien, ça serait très étrange de faire de la musique de manière à satisfaire quelqu’un d’autre plus que soi-même. En fait c’est égoïste. Quand tu écris une chanson, tu as des émotions qui doivent s’en dégager, et dans ce sens c’est égoïste. Le plus grand cadeau qu’on puisse nous faire c’est que quelqu’un d’autre soit touché par notre musique. Ca me donne la chair de poule.
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Comment vous composez au sein d’Ensiferum ?
En général, c’est Markus qui approte la plupart des idées, et puis après on commence à travailler dessus tous ensemble. J’amène pas mal d’idées aussi, c’est la beauté de nos couples metal, on fait tout en tant que groupe, et je crois que ça c’est très important, car on vieillit, on a des familles, on habite dans des régions différentes aujourd’hui. Faire des choses ensembles permet de conserver l’unité au sein du groupe, et de ne pas se contenter de quelqu’un qui ramène les idées puis on les joue.
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Je voulais parler d’ Unsung Heroes aussi… L’album n’a pas été très bien accueilli par la critique et les fans, car beaucoup de gens ont considéré qu’il était différent, comment tu as vécu ça ? Il y a même des personnes qui ont dit qu’en gros c’était de la merde… on retombe ici sur l’idée de faire ce que l’on veut et non pas ce que les gens attendent de nous.
Se répéter encore et encore est inutile, je ne sais pas, il n’y a pas de vrai ou faux quand on pratique un art en général, si tu peins, fais de la sculpture, ou ce que tu veux. Le groupe a presque 20 ans, et on veut évoluer, car tu deviens plus vieux, tu deviens… enfin du moins tu veux être plus sage, mais tu as vécu plus de choses, donc tu as des choses différentes que tu veux évacuer de ton système. Mais pour en revenir à Unsung Heroes, on s’y attendait : quand on a eu toutes les chansons prêtes, on s’est dit « ok, c’est totalement différent des albums précédents, mais c’est comme ça. ». Le prochain album sera totalement différent de Unsung Heroes aussi.
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Encore quelque chose de nouveau, ou qui revient plus aux sources des premiers albums ?
Les éléments typiques d’Ensiferum sont toujours présents bien sûr, mais je dirais que certains fans seront vraiment surpris ! [rires] Ca sera… plus agressif d’une certaine façon.
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Vous êtes en train de l’enregistrer en ce moment même ?
Dans quelques semaines. Ce weekend on a trois festivals, il y en aura deux autres à venir, et puis après on ira directement des festivals au studio. Donc ça sera au début de Septembre.
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Donc il sortira l’an prochain.
Oui. En… Février/Mars je dirais, ou quelque chose comme ça, car tous les labels veulent trois mois pour assurer la promo.
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Est-ce qu’il y a un album d’Ensiferum qui a une signification particulière pour toi, ou que tu aimes particulièrement ? Ou une chanson ?
Tous les vieux albums sont très importants je crois bien sûr, chaque chanson est important d’une certaine manière, mais Victory Song est quelque chose de vraiment unique : je venais tout juste d’arriver dans le groupe, et je me revois assis chez Markus et j’étais « yeah, j’ai celle-là, celle-là !!! une mélodie ! », c’est venu comme ça. Je lui ai préparé une démo où les fondements de Victory Song étaient, et il a fait OUI, on était assis chez lui « écoutons celle-ci. Non c’est nul, mais cette partie là… », et la chanson est apparue. C’était très particulier, et je vais te dire un secret : je suis prof de maternelle, ça ce n’est pas un secret, l’idée de Victory Song m’est venue alors que j’étais en dehors de la classe. J’étais en train de surveiller les enfants, ils jouaient, et [chantonne l’air de Victory Song], j’ai fait « oh ! Ça ! », et je me suis rué à l’intérieur, j’ai attrapé ma guitare et… il faut que je me souvienne ici, c’était il y a très longtemps, la mélodie est apparue dans ma tête.
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Oh, c’est une belle histoire !
Oui, une belle histoire ! Sans doute pas aussi héroïque que ce que les gens aimeraient entendre mais… Quand j’ai composé celle-ci j’ai commencé à en écrire plus.
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C’est exactement ma prochaine question en fait, tu lis dans mes pensées ! Qu’en est-il de vos influences quand vous écrivez la musique et surtout les paroles ?
[rires] Je sais que Markus, quand il arrive avec les idées principales, il s’assoit sur son lit et regarde la TV. Et je comprend ça d’un certain point de vue, car il ne l’analyse pas. Il laisse juste tout « couler ». Il vaut mieux laisser les choses venir naturellement . Mais l’inspiration… et bien j’ai écrit les paroles pour le prochain album, une fois encore l’inspiration m’est venue de la vie réelle : de ma propre vie ou de quelque chose que j’ai vu. J’aime beaucoup le challenge quand tu as ce thème héroïque d’Ensiferum. Sur le nouvel album il y a trois chansons à propos de différents types de guerriers. Bien sûr ils sont inspirés de différents types de personnes, mais je trouve ça très amusant de trouver les métaphores et de recentrer ce que j’ai vu. Et bien entendu sur l’album il y a de nombreuses références venant de la littérature, et un peu l’histoire. Certaines idées viennent de à quoi ressemblera l’espèce humaine dans le futur, ce genre de choses me fascine.
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J’ai une dernière question : tu peux nous parler de tes side projects ?
Il y a ce groupe de… indie rock atmosphérique, avec l’ex bassiste d’Ensiferum [Jukka-Pekka Miettinen] : Atmosphere Enterprise, on a enregistré un second album, mais les membres de ce groupe sont encore plus occupés qu’Ensiferum donc je ne sais pas pour cet album, on verra ! C’est un peu triste, quand j’étais plus jeune, je jouais dans quelque chose comme 7 groupes différents, mais à cet âge c’était drôle ! Je me souviens quand j’avais 17 ans, il y avait un concours pour les groupes dans une maison pour les jeunes, il devait y avoir 7 groupes, et je jouais dans 5 d’entre eux car il n’y avait pas de bassistes… Cet après-midi là j’ai joué de la pop, du funk, du metal, un peu de tout : c’est bon de garder l’esprit ouvert car la musique n’est qu’une forme d’art parmi d’autres/
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On a fini ! Merci encore pour cette interview, et bon concert ce soir ! Un petit message pour les fans français ?