Un Samedi 12 mars comme il a déjà dû y en avoir, banal. L’après-midi est ensoleillée, c’est pas encore le printemps mais il fait agréablement chaud dans l’dehors et c’est sur les coups des 15 h que j’atterris avec des potes dans l’habitacle étouffant de ma caisse. Je mets mes lunettes de soleil, je démarre, un temps d’arrêt pour la sélection musicale, réflexion, je regarde dehors et le grand ciel bleu me fait un clin d’œil. Message reçu, ce sera le best of des Creedence. Vu de l’extérieur absolument rien n’indique qu’à l’issue de ces quelques heures de route, on va se retrouver dans un magnifique théâtre pour une soirée où la violence flirtera avec l’impiété et où la bonne humeur naîtra du mal-être. Car ce soir, après les Métallurgicales, Nord Forge nous a concocté une soirée Post Black pas piquées des hannetons et presque entièrement au couleur de la France avec au programme D E L U G E, Regarde les Hommes Tomber, Celeste et Meleshech ! Ça en a fait baver beaucoup et a raison !
Trêve d’introduction, il est 18h l’heure d’entrer dans cette merveille d’architecture et d’aller se dégourdir les oreilles !
D E L U G E
Un petit retard sur le running order nous laisse le temps d’apprécier les balcons, les ornements et surtout la grande fresque au plafond avec en fond sonore de légers sons de bruine qui pose une ambiance à mi-chemin entre la sérénité et la crainte du déchaînement à venir. Et contrairement à ce que j’aurais pensé, D E L U G E entre en scène et démarre son set de manière progressive faisant monter doucement la tension par de lourds riffs habillés de spot bleu nuit qui termine d’asseoir leur atmosphère diluvienne. Puis comme il fallait s’y attendre, les cieux se déchirent, la mer se soulève et (le) Deluge prend vie au rythme d’une percussion fracassante, des hurlements du chanteur et des riffs sans concessions des instruments à cordes. La jeune formation va défendre durant presque 40 minutes leur premier album « Aether », sortit en octobre 2015, avec une vigueur hallucinante. Les titres s’enchaînent ne nous laissant du répit qu’au détour de quelques ponts et outros souvent accompagnés d’un sample d’orage plus que menaçant nous rappelant que la tourmente n’est pas loin. Si j’avais quelque chose à redire à ce show, mise à part les deux trois débiles qui s’esclaffent et jouent à pierre-feuilles-ciseaux durant les accalmies, ce serait l’usage plutôt excessif du stroboscope. Nan parce que là c’était un coup à faire de l’épilepsie pour tout une vie… Que ça agrémente le show avec parcimonie ok, mais en balancer sur chaque phase de double pédale, quand on connaît la musique du quintette ba on se retrouve souvent les yeux fermés ! M’enfin ça n’aura pas empêché Deluge d’annoncer la couleur de la soirée avec brio, on en ressort éprouvé mais on en redemande vite.
Pouce en l’air pour l’exécution du titre Naufrage qui reste mon favori en termes d’équilibre. La colère sourde d’une longue minute d’intro qui laisse place à un déchaînement de fureur animé par des musiciens totalement possédés pour finir sur des arpèges éthérés marquant aussi bien le repos que l’exténuation. De l’or a mes oreilles.
Regarde Les Hommes Tomber
A mon grand regret cette, pourtant longue, demi-heure de pause ne m’aura pas suffi pour vidanger la tuyauterie et faire la queue pour me restaurer. C’est donc en payant ma bière et mon jambon beurre que j’entends les lointaines notes de l’Exil qui retentissent dans la salle. Je me ru sur la porte pour faire face à une feuille sur laquelle figure un vulgaire pictogramme m’annonçant l’interdiction d’entrer avec du miam et du à boire dans la salle. Enfer et damnation, j’engloutis tant bien que mal mon ‘dwich et ma bière durement gagné (20 minutes de queue quand même !) en essayant de m’imprégner de cette intro forte en désespoir. J’entre enfin après les premières notes de A Sheep Among The Wolves, quand un fait me frappe brusquement. Je suis dans un théâtre. Si cette évidence ne m’avait pas forcément marqué durant Deluge, ici devant Regarde les Hommes Tomber c’est quelque chose que l’on ne peut ignorer. C’est la première fois que je les vois en live, mais je pense sincèrement avoir les conditions optimales pour apprécier leur show. Un éclairage rouge se répercute sur les rangés de siège et sur le rideau relevé, deux pauvre bougies trônent sur des amplis à droite et à gauche de la scène et le temps que mon cerveau se fasse une image globale de mes impressions on arrive sur la fin du titre suscité et sa courte envolée grandiloquente pleine d’espoir. A ce moment-là, le décor, l’éclairage, la musique et les deux pauvres bougies peignent un tableau dans ma tête qui sied à merveille à une formation comme RLHT, lui conférant une authenticité et une force que l’on retrouve rarement ailleurs, ainsi qu’un léger parfum de Divine Comédie joué à domicile.
Les Nantais vont donc littéralement habiter l’espace qui leur est offert et l’on regrette carrément de ne pas avoir accès aux balcons pour profiter de leur jeu de scène unique grandement mis en valeur par le chanteur insufflant une rage froide dans ses paroles et vivant la musique jusque dans ses tripes, se recroquevillant souvent par terre, personnification du misérabilisme humain. Si D E L U G E a fait taire la bonhommie ensoleillée du début de soirée par son post black sombre et humide, RLHT enfonce le clou et nous plonge plus avant dans une ambiance impie et même par moment lourde et étouffante. Le concert se finit sous une ovation totale, et me confirme clairement le pourquoi du comment de la renommée grandissante de cette formation talentueuse.
Celeste
Le second entracte est l’occasion de s’avachir pleinement dans les sièges du Théâtre et de laisser planer l’atmosphère installée par les précédentes formations, tandis que sur scène ça s’active à changer de matos. Si RLHT avait instauré une petite ambiance vaporeuse avec un soupçon de fumée, Celeste met en place pour leur show un brouillard total qui réduit la visibilité à presque rien ! Puis les musiciens entrent en scène et on comprend vite ou ils veulent en venir avec toute leur fumée. Les Lyonnais ont cette particularité de jouer dans le noir complet éclairés uniquement à la lampe frontale rouge créant un show des plus saisissants ! Durant moins d’une heure ils vont donc nous asséner un black froid et acéré sous le regard inquisiteur des faisceaux de lumière rouge qui scrutent l’assemblée sondant tour à tour l’âme de chaque auditeur. L’ambiance lourde et impie de RLHT laisse peu à peu sa place à celle, froide, inquiétante et malsaine de Celeste. Leur show est une plongée directe en plein univers de SF nihiliste. Je n’avais encore jamais ressenti autant de détresse que lorsqu’une des guitares a plaquée des arpèges à la fois doux et méphitique, toujours sondés que nous sommes par les rayons rouges qui dodelinent puis se lancent dans un headbang machinal lorsque le rythme s’affole et que le chant torturé vient nous décharger ses vérités morbides. Des spots s’allument parfois venant recouvrir d’un halo bleuté des silhouettes mystérieuses, les stroboscopes se joignent à la fête à la faveur de la double pédale qui soulignent des riffs tranchants. Le public reste globalement fasciné durant tout le set, happé dans la profondeur des loupiottes rouges, et ce concert se finit, une fois n’est pas coutume sous l’ovation générale.
Celeste ce n’est pas un show qui se décortique, le son était propre (oui, d’ailleurs faut-il préciser que l’acoustique de la salle était juste optimum pour chaque groupe ? Inutile, c’était parfait.), les artistes totalement dévoués au show, bla bla bla, en fait rien de ce que je pourrais rajouter ne remplacerait ni n’exprimerait mieux ces émotions uniques qui surgissent de l’esprit lors de leur concert. Alors allez les voir, c’est une expérience à ne pas rater !
Melechesh
LA tête d’affiche de la soirée, Melechesh. Je ne m’étais jamais penché sur la formation d’oriental black thrash et ça mériterait sûrement un coup d’œil, mais j’aurais tellement voulu les découvrir à un autre moment… Le groupe qui arrive sur scène sous les éclairages violets et verts pétant, un grand smile sur la tête et un bonjour les z’amis ! plein d’entrain. Y’a-t-il meilleur moyen pour casser une dynamique de soirée qui avait tendance à nous plonger de plus en plus dans la noirceur ? Alors pour le coup, perso, j’ai été un peu désappointé par cette débauche de joyeuse fureur mais après m’être fait une raison ça n’a pas été difficile de prendre son pied. Et que dire du public qui s’est littéralement déchainé dès les premières notes ! Si pour les concerts précédents la disposition de la salle n’était pas trop gênante, on a bien senti que pour Melechesh la minuscule fosse s’est vite retrouvée bondée et remuée de toute part entre les pogos et les quelques slams.
Malheureusement un incident soudain me force à quitter le concert avant l’heure (la vie tout ça…) et c’est après un The Sorcerer ultra puissant aux petits riffs groovy du désert que je m’en vais, jetant un dernier coup d’œil à cette salle atypique, plusieurs personnes assises sur les sièges battant du pied ou appréciant simplement la musique, une fosse survoltée et en sueur devant une scène encadrée de lourd rideau rouge, des photographes perchés sur des balcons finement ouvragés dans un style que je serais incapable de définir, puis je lève la tête une dernière fois sur la fresque au plafond et me voilà barré !
En définitive une soirée de grande qualité dans un lieu de toute beauté à l’acoustique parfaite, une programmation au top qui aura fait l’unanimité (bon léger bémol perso pour Melechesh…) et puis voilà ! Quoi de mieux ? Sûrement remporter autre chose que des autocollants à la tombola, mais bon c’est l’jeu ma pauvre Lucette !
Sans oublier un grand bravo à l’orga, Nord Forge, qui a définitivement tout déchiré.