J’ai découvert Grai à la sortie de leur précédent album Mlada et j’ai été instantanément séduit par leur musique résolument solaire au franc accent slave. Sortie en octobre 2014 cet album m’avait apporté un regain de vitalité estivale en ce triste début d’automne. Je ne m’étendrais pas plus, pour un avis détaillé je vous invite à lire la chronique de l’album susnommé ici !
Ce qui nous mène à décembre 2017, 3 années ont passées et quelques changements sont survenus. Ça a commencé discrètement par un renouvellement des photos promo, exit les robes de paysannes au milieu des champs par un bel après-midi ensoleillé, maintenant c’est jean, tee shirt noir et mur de pierre. Puis en décembre 2016 arrive un single, Tread Of Winter accompagné d’un artwork sombre et menaçant. Le titre donne la part belle au growl masculin accompagné d’une rythmique lourde et agressive. Le chant féminin prend le relais sur les refrains apportant sa touche de grandeur mais avec plus de distance que sur les précédents opus. Bref le ton est donné, Grai ne rigole plus.
Ashes débarque donc fin 2017, et l’on découvre l’artwork de l’album qui confirme la direction plus sombre qu’empreinte la formation, portait d’une « Mlada » (jeune fille en russe) chère au groupe, au milieu d’une forêt de conifère, les traits tirés, les yeux vide de compassion, les mains jointes retenant un tas de cendre (je suppose…) dans lequel est planté un genre de totem (je suppose…), le tout coloré exclusivement de rouge et de noir.
J’ai tout d’abord été assez hermétique à cet album pour la seule raison qu’il n’y avait pas ce que je voulais y trouver, un énième voyage champêtre ou chaque tournant te mène vers des contrées plus verdoyantes et chaleureuses les unes que les autres. Et je dis bien un « énième » car après About Native Land et Mlada, réitérer cette formule aussi douce qu’attendue aurait été une délicieuse erreur. Heureusement Grai, on en a maintenant la preuve, fait partie de ces formations qui savent faire évoluer leur style sans pour autant se renier. Une fois la déception digérée j’ai pu aborder Ashes avec un œil neuf et j’ai enfin pu apprécier ce nouveau Grai, bien moins frivole, plus viscéral sans manquer de subtilité.
Après une intro très cinématographique faite de profondes percussions, de quelques notes insidieuses de cornemuse et du chant lointain, comme effacé, d’Irina, arrive le premier morceau Song Of Dead Water. On entre dans cet album par des arpèges de guitare saturée survolées de l’éternelle flûte d’Aliia et lorsque l’esprit commence à dompter la mélodie, elle s’efface subitement au profit d’un sérieux riff typiquement black metal. Le tempo est rapide, l’atmosphère est tranchante mais vite adoucit par le retour de la flûte et de sa mélodie trainante quoiqu’un peu facile. On retrouve Irina au chant, mais dans une gamme mélancolique, sa voix donnant presque dans la lamentation, peignant un tableau plus désespéré qu’auparavant. Le growl est aussi au rendez-vous prenant ici tout son essor il ajoute de la lourdeur à l’ensemble. On y est, j’avais dit que Grai ne rigolait plus, ce titre en est la parfaite illustration.
Tout l’album vibre de cette nouvelle teinte, la guitare acoustique a quasiment désertée, un équilibre a été atteint entre le chant clair féminin et le growl beaucoup plus présent, la flûte intervient de manière plus mesurée apportant une touche de mélodie de ci de là, mais ne prenant jamais le pas sur le reste des instruments. C’est vraiment une atmosphère plus pesante qui est instaurée, j’en veux pour preuve l’excellent Darkness With Me, et sa cavalcade musicale tout en constance et cette basse si caractéristique en arrière-plan. Ce titre me donne des frissons de par l’inéluctable accablement qu’il diffuse, on est promené du début à la fin sur cette même ligne mélodique, on espère un changement qui ne vient jamais et l’on glisse peu à peu dans les affres de la résignation. Douce folie !
Et pourtant, l’âme de Grai est bien toujours présente au sein de cette noirceur. Outre le réenregistrement d’un de leur ancien titre instrumental Fortress qui se voit augmenter d’un chant clair masculin plein de douceur, on retrouve par endroits des sonorités propres à leur style, comme Donya qui ne dépareillerait pas dans les albums précédent, on y verrait presque quelques rayons de soleil percés les nuages avec ce slap de basse toujours plus groovy, pour finir en un lent solo de guitare claire à la réverb’ so 80’s ! Et le titre éponyme de l’album Ashes, une douce ballade qui offre un repos bienvenu, même si la voix d’Irina est toujours empreinte de tristesse. D’ailleurs le ton de l’album a une répercussion un poil navrante sur le chant féminin, il perd indéniablement de sa force, force qui jadis le rendait vibrant de réalité, quasiment palpable, pleine de sursaut d’émotions variées, il se fait maintenant plus mesuré, parfois distant, il me paraît moins vivant, j’ai l’impression qu’il a perdu de sa force matriarcale.
Cela dit, Grai a fait évoluer sa musique et c’est pour le mieux, ce nouvel opus demande plus d’investissement, il ne nous prend pas gentiment par la main avec de joyeuses et franches mélodies comme a pu le faire les opus précédents, il faut se laisser bousculer, appréhender le tumulte pour apprécier toutes les subtilités dont Ashes est truffées. Et une fois de plus donner du temps à Grai c’est assurément ne pas en perdre !
Grymauch
NOTE : 8/10
Tracklist :
- Haze
- Song Of Dead Water
- A Water Well
- Darkness With Me
- Donya
- Tread Of Winter
- Shade
- Ashes
- Fortress
- Farewell
- Pir Threontai (Rotting Christ cover)
Sortie : 1 decembre 2017
Lien du groupe : Facebook, Bandcamp.