C’était un rêve de petite fille. Depuis mon plus jeune âge, je regardais tous les ans sur France 3 la retransmission en direct de la Grande Parade des Nations Celtes et de la Nuit Interceltique au Festival Interceltique de Lorient. Pour la cinquante-et-unième édition mettant à l’honneur la province espagnole des Asturies, ce rêve est enfin devenu réalité.
Je quitte ma région francilienne le vendredi 5 août en fin de matinée, soit le jour d’ouverture des festivités qui dureront jusqu’à ce dimanche 14 août. Après une heure de retard, j’arrive enfin à Lorient, en début d’après-midi. Je rejoins le centre-ville à pied, l’occasion de me rendre compte que Lorient n’est pas une ville très jolie. Il n’y a que le port de plaisance que j’ai trouvé sympa. Cela tombait plutôt bien puisque mon hébergement pour le week-end se situait sur une charmante péniche hollandaise !
Après avoir décompressé et discuté avec mon hôte, je me remets en route pour profiter des premières animations du festival. Une fois mon bracelet récupéré, je vais faire un tour du côté du Pavillon Gaélique sur la Place des Pays Celtes. Je n’ai pas mis bien longtemps à avoir le sourire jusqu’aux oreilles, le groupe qui se produisait sur scène a joué la gigue irlandaise que l’on entend dans Titanic (un de mes films préférés, je l’avoue).
Un peu plus tard, je me dirige vers les Jardins pour une animation « Danses et costumes bretons » proposée par la troupe Danseriion An Avel. L’animation commence avec un peu de retard à cause d’un problème de réglages. Un duo, composé de l’accordéoniste Roland, qui se fait appeler « le colporteur », et du guitariste Régis, anime une série d’An-Dro. Sur la fin, le public s’est joint à la troupe pour danser.
En début de soirée, le vent a commencé à se lever. Je suis retournée en vitesse au bateau chercher mon hoodie. Je reviens aux Jardins pour un concert découverte. J’arrive au moment où une chorale reprenait « L’Oranger ». Les choristes étaient accompagnés d’un duo composé d’un accordéoniste, troquant parfois son instrument contre un harmonica, et d’un joueur de whistle. La troupe interprétait essentiellement des sadorns, c’est-à-dire des chants de marins.
Ma soirée s’achève sur le concert de la chanteuse Elinor Morel. Accompagnée de sa guitare acoustique, la demoiselle a tout d’abord interprété des reprises de chansons irlandaises, puis ses propres compositions chantées en français. Le répertoire est plutôt varié, de la chanson légère « Dans mon bain » au morceau plus énervé aux airs de flamenco, en passant par un émouvant poème espagnol mis en musique.
Après une nuit de sommeil bien méritée et un bon petit-déjeuner breton (crêpes au menu!), je me rends sur l’esplanade du théâtre pour assister au Championnat National des Bagadoù : 4eB catégorie, événement incontournable du festival depuis 1971. Il s’agit en effet de la deuxième et dernière étape de ce concours qui élit chaque année le champion de Bretagne. Neuf bagadoù se sont retrouvés en finale : par ordre de passage, Bagadig Dazont An Oriant (Lorient), Bagad An Eor Du (Ploudalmézeau), Bagadig Kerlenn Pondi (Pontivy), Bagad Bro Foen (Fouesnant), Bagad Salicornes (Saint-Cast-Le-Guildo), Bagadig Plougastell (Plougastel Daoulas), Bagadig Sonerien Bro Dreger (Perros-Guirec), Bagadig Ar Meilhoù Glaz (Quimper) et Bagad Osismi Speied (Spézet). Je suis partie du côté des Halles de Merville à l’entracte mais c’est le bagad de Fouesnant qui a remporté le championnat avec un résultat de 16,65 !
Pour patienter avant le défilé de la Banda de Gaïtas El Llacín qui partait devant les Halles de Merville, j’écoute une jeune fille qui jouait de la harpe sur la place du marché. La Banda originaire des Asturies, plus précisément de la ville de Llanes, a défilé dans le centre-ville. Le public a suivi la troupe dans les rues, sur la place Jules Ferry renommée le temps du festival « Allée Interceltique », jusqu’à la Colline.
La compétition continue ensuite au stade du Moustoir en début d’après-midi pour l’épreuve ultime du concours des Bagadoù : 1ère catégorie. En raison de la situation sanitaire critique, la première manche qui devait se tenir l’hiver dernier avait dû être annulée. L’enjeu était donc de taille en ce samedi 6 août puisque les différents bagadoù ont dû se battre pour le titre prestigieux en une seule manche au lieu de deux. Pas moins de quinze bagadoù se sont affrontés face à un jury impitoyable. Par ordre de passage : Bagad Melinerion (Vannes), Bagad Beuzeg (Beuzeg), Bagad Boulvriag (Bourbriac), Bagad Cap Caval (Plomeur), Bagad Bro Kemperle (Quimperlé), Bagad Sonerion An Oriant (Lorient), Bagad Sonerien Bro Dreger (Perros-Guirec), Bagad Roñsed Mor (Locoal-Mendon), Bagad Ar Meilhoù Glaz (Moulin vert), Bagad Brieg (Briec), Bagad Bro Konk Kerne (Concarneau), Bagad Saozon Sevigneg (Cesson-Sevigné), Bagad Plougastell (Plougastel), Kerlenn Pondi (Pontivy) et Bagad Kemper (Quimper). Au bout de presque trois heures, j’ai préféré retourner dans le centre-ville car je commençais à trouver le temps assez long. Ce qui était dommage, c’est que je n’entendais pas très bien les interviews données par Loeiza Beauvir et Clément Soubigou, ce qui permettait de rendre l’événement plus attrayant et plus intéressant, puisque cela donnait l’occasion de nous expliquer le thème de chaque morceau présenté par les différents participants. C’est le bagad Kemper, dernier à passer, qui a décroché haut la main le maout.
Retour en centre-ville sur la Place des Pays Celtes. Après être restée assise pendant trois heures, j’avais grand besoin de me défouler. Rien de mieux pour cela qu’une animation « Danse et claquette irlandaise » avec l’association Air d’Eire sous le Pavillon Gaélique ! Afin de faire participer tout le monde, c’étaient surtout des danses collectives comme le ceili qui étaient proposées. L’animation était en accès libre, le Pavillon était donc bien blindé, ce qui pouvait rendre difficile l’exécution correcte des pas de danse. J’ai participé à deux danses, j’en ai laissé passer une pour récupérer entre les deux, car mine de rien, quand on n’en a pas l’habitude, on fatigue vite ! J’étais loin d’avoir dansé à la perfection, mais au moins, je me suis bien amusée !
Direction le Village Celte à proximité du stade pour une animation musicale donnée par Celtic Brass. La fanfare du Brass Band de Lorient ouvre le bal et est rejointe au bout de trois morceaux par les sonneurs du Piping Orchestra. Une chanteuse se joint ensuite à l’ensemble, notamment pour une reprise de « Dirty Old Town ».
Je retourne sur la Place des Pays Celtes à côté du Pavillon Gaélique où un groupe proposait une session acoustique. Les musiciens jouaient assis, dans une ambiance de pub intimiste.
Une fois rassasiée, je me rends pour la dernière fois de la journée au Moustoir pour un des événements incontournables du festival. Le spectacle « Horizons Celtiques », anciennement appelé « Nuit Interceltique », faisait l’objet de cinq représentations sur tout le festival. J’ai donc assisté à la première représentation, accompagnée d’une amie et collègue du webzine. Cette soirée magique a réuni plus de cinq-cents artistes venant de toutes les nations celtes et qui ont fait résonner dans tout le stade leurs cornemuses, percussions, autres instruments traditionnels, et même les claquettes des danseurs et danseuses qui foulaient la scène. Le spectacle était sublimé par des superbes jeux de lumières, ainsi que des projections sur écrans géants pour une immersion totale dans le monde celte. Objectivité ou pas, j’ai particulièrement aimé la prestation des différentes troupes irlandaises, à savoir New Ross and District Pipe Band, Celtic Pipes and Drums et Planxty O’Rourke. Sans beaucoup plus d’objectivité, j’ai également apprécié la prestation des ensembles écossais des Dunbar Highland Dancers et du Reading Scottish Pipe Band. Les jeunes chanteurs gallois de l’ensemble Only Boys Aloud ont eux aussi fait sensation. Comme évoqué plus haut, les autres territoires celtes étaient représentés : l’Île de Man avec Ny Manninnee, les Asturies à l’honneur avec el Grupo de baile Trebeyu et la Banda de Gaïtas El Llacín, leurs confrères galiciens de l’asociación cultural Donaire et l’Escola de Gaïtas de Ortigueira, les Cornouailles avec Barrett’s Privateers. J’étais étonnée de voir que même les Etats-Unis étaient représentés, avec Prince Charles Pipe Band qui nous venait tout droit de San Francisco ! Pour cette représentation, nous avons eu la chance de profiter de la venue exceptionnelle du bagad champion de la première catégorie, pour rappel le bagad de Quimper, ainsi que du bagad Elven accompagné du cercle de danse Festerion Ar Brug originaire de Pluneret. Au bout de deux heures et demie sans interruption, la soirée prend fin sur l’incontournable « Amazing Grace » joué à la cornemuse. Les frissons me parcourent l’échine, l’émotion fait couler les larmes, je repense à mes jeunes années, quand je regardais la retransmission de la Nuit Interceltique à la télévision et je me disais chaque année : « Un jour, j’irai ». Suite à un arrêté préfectoral qui est tombé dans l’après-midi, le traditionnel feu d’artifice qui devait clôturer la soirée a été annulé, à notre plus grande déception. Je regagne toutefois le port, des étoiles pleins les yeux, et m’endors, bercée par les vagues et le son des cornemuses.
J’entame ma dernière journée pleine du festival dès 10h au stade pour un autre rendez-vous incontournable : la Grande Parade des Nations Celtes. Craignant de ne pas voir grand chose si j’y assistais dans les rues du centre-ville et préférant restée assise, j’ai patienté dans les gradins du Moustoir pour le final du défilé. Vu le nombre de groupes participants (une soixantaine, soit pas moins de trois-mille artistes au total), je m’attendais à ce que la parade dure un bon moment, mais finalement, le temps est passé vite ! Pour nous faire patienter, deux sonneurs ont surgi de nulle part dans les gradins et ont entamé « Amazing Grace », repris en chœur par le public. Quelques minutes plus tard, les premiers artistes arborant les drapeaux des nations celtes font leur entrée. Parmi la soixantaine de groupes qui ont défilé, certains m’ont particulièrement marquée. Je retiendrai entre autres le fameux bagad de Lann-Bihoué (qui fêtait ses soixante-dix ans!) qui a ouvert la marche, et a contrario, les anciens sonneurs de Lann-Bihoué qui ont clôturé la parade, précédés par le bagad des sapeurs-pompiers du Morbihan. J’ai également retenu le passage des pirates du bagad Brieg qui est arrivé en deuxième position du championnat 1ère catégorie, et les très remarqués musiciens du bagad Elven, arrivés en quatrième position au concours 2ème catégorie. Mon côté chauvin m’a fait soutenir le collectif Kenleur Île-de-France, composé d’artistes venant entre autres de villes voisines de la mienne (Poissy, Sartrouville…). Oui, qu’on le veuille ou non, Paris est considéré comme « le sixième département breton ». La taquinerie se poursuit avec le cercle celtique Olivier de Clisson et le bagad Naoned, car on ne le répétera jamais assez, mais d’un point de vue historique, Nantes est en Bretagne ! Les humains ne sont pas les seuls à défiler ce matin, un dogue du bagad et cercle Quic en Groigne (Saint-Malo) était lui aussi de la partie. Pour finir, je garderai en souvenir le passage des quelques groupes irlandais et britanniques pour lesquels j’ai beaucoup d’affection.
Après une pause déjeuner, je reviens au stade pour le spectacle « Kenleur : Musiques et danses de Bretagne ». Pas moins de vingt-deux collectifs vont nous présenter les danses, musiques et costumes de la région. Les enfants de la confédération Kenleur ont exécuté un an-dro ainsi qu’une polka. Le bagad Elven est encore une fois de la partie, ainsi que le collectif Kenleur Île-de-France qui a exécuté une suite de danses du pays de Rhuys.
J’ai voulu retourner en centre-ville pour assister au triomphe des sonneurs et des danseurs, mais il faut dire ce qui est, ce fut un fiasco total, la faute à un nouveau parcours qui a déstabilisé les habitués du festival. Une déception pour ma part. Pour oublier ce mauvais épisode, je suis allée me rassasier dans une taverne.
En attendant ma collègue Heron Maiden, je suis allée faire un tour sur le Quai de la Bretagne. Ce fut sans hésiter ma meilleure décision du week-end, car j’y ai fait la meilleure découverte du festival. Le groupe écossais Beinn Lee a mis une ambiance incroyable grâce à ses morceaux entraînants et sa bonne humeur communicative. A tel point que j’ai fini par danser avec un petit groupe de parfaits inconnus, et c’est ça que j’aime avec ce style de musique.
Nous avons ensuite fait un tour à la salle Carnot pour le fest-noz « GénérationS Lann-Bihoué ». L’association organisait cette soirée pour fêter les soixante-dix ans du bagad. Finalement je ne me suis pas éternisée car je ne maîtrisais pas bien les pas de danse.
Mon escapade interceltique touche quasiment à sa fin. Avant de poursuivre mon périple pour Quimper lundi après-midi, j’ai profité des animations proposées en accès libre durant la matinée. Les Galiciens d’Escola de Gaïtas de Ortigueira défilaient en fin de matinée dans les rues du centre-ville. J’ai attendu la troupe devant le Palais des Congrès où se finissait le parcours, sur le quai Gustave Mansion.
La dernière animation à laquelle j’ai assisté s’est tenue sur la Place des Pays Celtes au Pavillon des Asturies avec le spectacle de rue proposé par La Garrapiella, Monteavaro, Muñalén y Rodrígues quartet. Je voulais aussi aller voir la « Learning Session » au Pavillon Gaélique, mais les réglages des instruments ont pris trop de temps et j’ai dû partir avant le début de l’animation pour m’assurer de ne pas louper mon train.
Si je devais dresser un bilan de mes premières Interceltiques, je dirais que malgré quelques problèmes d’organisation, j’ai passé un excellent festival. Je craignais qu’il n’y ait vraiment trop de monde, mais excepté pour les défilés, il était assez facile d’assister dans de bonnes conditions aux différentes animations puisque les festivaliers étaient dispatchés sur les nombreux espaces du festival. J’y reviendrai avec grand plaisir, le rendez-vous est déjà pris pour l’an prochain puisque mon pays de cœur qu’est l’Irlande sera la nation mise à l’honneur pour la 52ème édition ! Kenavo Festival Etrekeltiek An Oriant !