Il y a des dates comme ça, qu’on ne peut pas décemment manquer. Après une petite année de pause live et bientôt 5 ans après le dernier album A Umbra Omega, Dødheimsgard est de retour sur scène (pour l’annonce d’un nouvel album, il semble qu’il faudra encore prendre notre mal en patience…). Et avant d’embarquer en tournée européenne avec Bölzer, Blaze of perdition et Matterhorn, les Norvégiens jouent ce soir à domicile accompagnés d’Eternity. Une mise en jambe qui aura été particulièrement efficace devant une salle assez bien remplie.
Celle-ci est comme d’habitude vide lorsque j’arrive à Blå, alors que la partie bar grouille de monde. Le public bouge rapidement lorsqu’Eternity commence à jouer une dizaine de minutes plus tard, aux alentours de 20h05. J’avais découvert le one-man band d’Eivghet en septembre, avec la sortie du dernier album To become the great beast, avant de me rendre compte que c’était eux qui allaient ouvrir pour DHG aujourd’hui. Une bonne nouvelle, car l’album est un revival d’un Black Metal deuxième vague à la pure sauce norvégienne de ce qu’il y a de plus classique, mais très bien réalisé. Ça s’écoute du début à la fin sans longueur, et ça ravira sûrement un certain élan nostalgique à la manière d’un Djevel, pour rester dans le même registre et pays. L’album en question est apparemment le deuxième, et la première sortie depuis 13 ans.
Sur scène, Evighet s’occupe des guitares et du chant et s’accompagne entre autres de V. Fineideath et Thomas Ødegaard, respectivement bassiste et batteur de Nocturnal Breed (pour la basse, elle est cependant tenue sur album par Blasphemer d’Aura Noir, ex-Mayhem, etc). Le groupe propose ce soir un set carré et sans compromis, direct et sans artifices, baigné dans une simple lumière rouge. Encore une fois, je trouve le son impeccable. Juste assez crasseux pour avoir la gueule correspondant au style et pile assez propre pour que les riffs soient clairement reconnaissables. Comme dit précédemment, ceux-ci sont tout ce qu’on peut attendre d’un groupe estampillé « true norwegian black metal » : froids, sinueux tout en gardant une certaine efficacité imparable, voire un côté thrashy/punk. C’est bien fait, pas de longueur, on se laisse emporter tout naturellement pour une ôde à la gloire du Malin. C’est d’ailleurs après un « Hail Satan ! » que le frontman annonce le titre éponyme du dernier album, avant de continuer avec – poussons l’hommage jusqu’au bout – « Under a funeral moon » de Darkthrone. Ma surprise s’est tout de suite transformée en joie : le son n’a certes rien à voir avec le lo-fi absolu de l’album, mais qui ne rêve pas d’entendre un titre comme ça en live ? Surtout lorsque la reprise est exécutée avec force et passion – on en redemande. Et puis les minutes passent, le morceau défile… Le moment se termine. On arrive déjà juste après au dernier morceau pour Eternity, « Te Nostro Deum Sathanas », qui avait été proposé comme single de To become the great beast. Sûrement le titre qui m’a le plus marquée sur l’album d’ailleurs, avec son riff aussi porteur que vénéneux et son titre, répété comme un commandement suprême, un mantra obsédant et hypnoptique. Eternity clôt ainsi ses plus ou moins 45 minutes de jeu ; une très bonne fin de concert donc pour un très bon début de soirée.
Un rideau noir est très rapidement étendu devant la scène tandis que la salle se (re) vide. Elle ne se remplira à nouveau (et encore plus) pour les rois de la soirée, les seuls et uniques Dødheimsgard. Aldrahn, chanteur historique du groupe, ayant quitté le navire depuis 2016, c’est Vicotnik, principal compositeur, qui prend à partir d’aujourd’hui tous les vocaux en charge en plus des guitares et de tout ce qui touche aux claviers / bidouillages électroniques. Beaucoup à gérer pour un seul homme donc, mais c’est avec une classe magistrale qu’il dirigera la cérémonie ce soir.
Le groupe restera au final assez sobre dans sa mise en scène – et surtout dans le jeu de Vicotnik. Des genres de voiles décorent étrangement les micros et le clavier, tandis que les mêmes spots rouges que ceux du set d’Eternity éclairent la scène. Mais la musique fait très bien tout le travail et elle a vite fait de nous emporter dans l’univers apocalyptique et dissonnant de DHG. Des débuts Black Metal classiques (mais diablement efficaces) aux singulières plages alambiquées, prog et jazzy du dernier album en passant par l’enfer déshumanisé d’International 666 et Supervillain Outcast, tous les éléments formant la marque unique du groupe sont présents. Seul souci : on a du mal à entendre les éléments électroniques (du moins vers les premiers rangs), en particulier sur le morceau de Supervillain Outcast, « Ghostforce soul restrictor » où ils sont pourtant légions. A part cela, tout semblait parfait, réglé au millimètre près pour créer ce chaos musical qui m’a tant ennivrée. Les vocaux hallucinés de « Shiva Interfere », le riff assassin qui entamme « Aphelion Void » sur une batterie sans merci (Øyvind Myrvoll débarqué derrière les futs de chez – entre autres – Nidingr semble plutôt en forme), et ces interludes au piano, curieux moments de grâce… Et si les derniers albums sont tout autant difficiles d’accès dans leur version studio qu’en live, quelques morceaux de Kronet Til Konge, Monumental Possession et de l’EP Satanic Art traverseront le set pour des moments beaucoup plus directs mais tout aussi intenses, en particulier vers la fin du set. Bref, DHG est de retour en pleine forme avec certes une voix différente, mais qui annonce de beaux jours pour les futurs lives du groupe. Et on l’espère, un prochain album.
(NB : Ne les ratez donc pas pour leur passage dans l’Hexagone et aux alentours – notamment le 09.12 à Paris et le 11.12 à Antwerp pour nos amis belges)