Le death mélodique a ceci de merveilleux qu’où que l’on regarde (écoute, en l’occurrence), les Suédois et les Finlandais sont indéniablement les meilleurs dans l’exercice du style. Il n’y a qu’à écouter Dark Tranquillity, Insomnium ou Soilwork pour s’en convaincre. Le groupe du jour, lui, est une véritable perle dans le genre, et nous vient des lointaines contrées enneigées et sauvages de… Toulouse. Vous ne rêvez pas, la claque de 2014 en death mélodique nous vient du premier EP des fougueux Toulousains d’Aephanemer, qui nous offrent là une première création diablement alléchante, et terriblement prometteuse. A moins de trois mois de la sortie de leur attendu premier album, penchons-nous sur cette petite pépite qui a la particularité d’être exclusivement instrumentale, et surtout, joliment envoûtante. Préparez les violons, les claviers et la grosse disto’, ça va secouer.
Autant le dire de suite, quand on ne s’y attend pas, un EP entier sans une seule parole, ça décontenance un petit peu, mais une fois la surprise passée et le fait accepté, on se laisse facilement emporter par la musique complexe et imaginative de Martin « Nif » Hamiche (qui a tout fait tout seul, le bougre). Know Thyself est une invitation à un voyage tumultueux mais onirique, alternant entre des passages énergiques et d’autres beaucoup plus atmosphériques. Un maître mot domine cependant : la mélodie, qui est au cœur du propos. Les six morceaux sont longs (la moitié dépassant allègrement les six minutes), sinueux, complexes, et la composition est d’une richesse remarquable, superposant des nappes de guitares et de claviers qui, loin de saturer le son et de donner à l’ensemble un aspect brouillon, arrivent au contraire à créer une aura épique qui accompagnera l’auditeur tout au long de son écoute. Bien que répétés plusieurs fois au cours des morceaux, les riffs savent être renouvelés en permanence en étant déclinés à l’infini. Les soli sont grandioses sans pour autant tomber dans des démonstrations techniques gratuites et hors de propos (alors que vu la précision et l’inventivité de l’ensemble, l’ami Nif semble avoir largement le niveau nécessaire pour se le permettre) et obéissent à la même loi que le reste de l’EP : la mélodie avant tout.
L’ensemble de l’EP est traversé tout le long d’un souffle résolument épique symptomatique du power metal que l’on sent dès les premières secondes du puissant Resilience. Ce premier morceau de l’EP pose les bases du style Aephanemer, en introduisant des claviers qui ne quitteront à aucun moment le spectre musical, mais seront exploités différemment à chaque nouvelle piste. Utilisés en soutien des guitares sur Resilience, Who You Really Are et Inner Storm, ils sont mis à l’honneur sur Alive en portant l’essentiel de la mélodie, et donnent même au morceau des sonorités orientales à un morceau parsemé de gimmicks beaucoup plus rock. L’influence la plus tangible sur tout l’EP est celle de Dark Tranquillity, comme en témoignent les guitares lourdes et puissantes de Who You Really Are et Inner Storm, ainsi que les passages atmosphériques au piano parsemant l’album, sans oublier la pochette, réalisée par ni plus ni moins que Niklas Sundin, illustre illustrateur du groupe scandinave. L’ambiance générale est néanmoins plus lumineuse que celle de l’univers mélancolique et pessimiste des Suédois, grâce à des harmonisations de guitares versatiles et denses sublimées par des nappes harmoniques omniprésentes.
Trois morceaux arrivent en plus, malgré cette unité stylistique, à se démarquer. Alive introduit des claviers plus modernes et une ambiance orientale. Path Of The Wolf, qui s’inscrit dans une veine plus folk metal, amène également une dose bienvenue de lenteur et de mélancolie avant le tumulte d’Inner Storm, qui porte bien son titre puisqu’étant un véritable ouragan d’énergie implacable portant une mélodie épique, continuant sur un crescendo dramatique. Enfin, Dreams est vraiment la conclusion que l’on n’a pas vue venir. Après un tel déferlement de guitares et d’orchestrations épiques, entrecoupé d’une douceur porté par le piano et les arrangements orchestraux, à quoi pouvait-on s’attendre ? Un dernier feu d’artifice d’orchestrations sur un implacable rouleau compresseur de guitares saturées et de double grosse caisse ? Un joli morceau acoustique sublimé par une ligne aux cordes et au piano ? Que nenni ! Dreams nous offre un piano énergique et enjoué sur une batterie sous-mixée au groove irrésistible.
La grande force de cette première galette de nos consommateurs de chocolatines est d’arriver, malgré un carcan très classique, celui du power / death, à surprendre son auditeur à chaque détour d’harmonie, à ne pas tomber dans des soli rapides, clichés et inutilement impressionnants, à ne quasiment jamais utiliser le traditionnel vrombissement de double grosse caisse pourtant si cher aux deux genres, et à offrir en trente (trop courtes) minutes un voyage poétique à travers un imaginaire épique traversant tour à tour le monde des rêves, l’orient, et les légendes du nord, pour finir sur une touche enjouée et rafraichissante. On ne peut, après un tel tour de force, qu’attendre avec impatience leur premier longue durée, qui apportera une inventivité encore plus grande dans la composition, et encore plus que ça, une voix. Votre serviteur, en tout cas, se ruera sur l’album sitôt qu’il sortira.
Wolpertinger
9/10
Tracklist :
- Resilience
- Alive
- Who You Really Are
- Path Of The Wolf
- Inner Storm
- Dreams
Sortie : 24 Janvier 2014
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