A Forest of Stars – 2015 [FR]

Suite à la sortie du dernier album du groupe anglais A Forest of Stars, Beware the Sword You Cannot See il y a deux mois de cela, nous avons eu l’opportunité de poser quelques questions à son chanteur, Mr Curse, et son claviériste, The Gentleman.

Afos

  • Avant toute chose, merci infiniment de l’honneur que vous faites à Valkyries et à ses lecteurs de nous accorder un peu de votre temps pour cet interview.

The Gentleman : tout l’honneur est pour nous, merci beaucoup de prendre le temps de venir jusqu’à nous en premier lieu !

  • Vous vous présentez comme « the Gentlemen Club ». Qu’est-ce-qui vous attire donc tant dans l’époque victorienne ?

The Gentleman : oh mon amie, tout cela est de ma faute, j’endosserai donc la responsabilité de répondre à la question. Je ne saurais vraiment expliquer comment m’est venue la lubie d’être un Victorien déjanté, j’ai toujours eu cette fascination pour cette période révolue depuis longtemps, mais qui résonne néanmoins toujours. La meilleure façon de l’expliquer, c’est comment nous la laissons nous influencer je pense. Au départ, nous adorions l’idée de la période ultérieure, lorsque les spirites, les ordres occultes, les médiums et bien d’autres se sont associés à cet aspect de la vie, tout cela s’est fait remarquer, en réponse aux besoins des gens et au désir de satisfaire une soif spirituelle que les avancées scientifiques ont créé en ne parvenant pas à révéler la véritable identité de Dieu. C’est un enjeu important pour nous d’y intégrer notre propre version bâtarde du black metal. De plus, nous adorons l’idée de nous prendre pour des sociétés secrètes, de nous déguiser, de prendre des photos farfelues, et tout ce genre de choses.

  • Vous avez une fois de plus fait appel à Alex CF pour réaliser l’artwork. Celui-ci diffère complètement de ceux de vos deux premiers albums, pourquoi ?

Curse : en fait, c’est la première fois que Alex CF réalise un artwork pour nous. Ceux des deux premiers LPs ont été conçus par Lord Grum et The Gentleman, notre troisième album par Karolina Szymkiewicz (http://www.karolfulillustration.com/). Le but de la pochette est de faire écho au contenu de l’album dans son ensemble. Nous nous efforçons toujours de donner le meilleur aperçu du contenu de chaque album C’est pour cela qu’il est complètement différent à chaque fois. Nous tenons à ce que les albums aient leur propre identité.

  • L’artwork représente un Ouroboros, abordez-vous cette idée de cercle vicieux dans votre album, si oui comment ? Ou lui accordez-vous une autre signification ?

Curse : l’idée du cercle vicieux est très récurrente dans les paroles de nos albums, donc à cet égard, oui. Le serpent représente des cycles sans fin, mais aussi la mort, la renaissance et ce qu’il y a entre les deux. Mon idée de la vie lorsque j’ai écrit les paroles de Beware the Sword You Cannot See était essentiellement celle des voyages spirituels, des obstacles, des ronces, des épines, et enfin celle de ne croire en rien. Ne croire en aucun dieu, en aucun homme, en rien. En rampant dans la pénombre, les seules lumières que l’on peut voir appartiennent à un trafic venant en sens inverse.

  • Le morceau « Pawn on the Universal Chessboard » est découpé en six pistes différentes. Pourquoi ne pas avoir fait un seul et unique morceau si ces six parties ne peuvent pas s’écouter distinctement ?

Curse : au contraire, on peut l’écouter dans l’ordre que l’on veut. Nous avons divisé la version CD en sections de sorte à ce que l’on puisse différencier les chapitres. C’est la seule raison que je vois. La chanson est une chanson à part entière, comme peut l’être un livre. Nous avons choisi de la séparer simplement parce que l’idée nous plaisait. Après tout, si l’on écoutait le vinyle, on trouverait une longue piste avec des transitions.

The Gentleman : Quand j’ai écrit la chanson, nous voulions déjà que chaque partie ressorte telle une piste individuelle, ou au contraire, qu’elle soit considérée comme un tout. Les choses ne se passent évidemment jamais comme prévu, pour des questions aussi archaïques qu’artistiques. Mais c’est intéressant de voir comme les gens peuvent être partagés sur le sujet (pardonnez le jeu de mot). Comme cela est homogène, je dirais que les divisions ne sont pas importantes si vous voulez l’écouter du début à la fin, et que les deux mondes (partagé/entier) ne peuvent pas avoir le beurre et l’argent du beurre (ou autre chose ?).

  • Quelles ont été vos sources d’inspiration pour cet album ? Sont-elles différentes de vos albums précédents ?

Curse : il y a toujours des nouvelles choses qui me viennent à l’esprit, bien que les inspirations de toujours soient toujours là : la mort, la folie, la douleur spirituelle, la haine de la religion, la vile misanthropie. Les paroles de cet album ont été écrites à un moment où j’arrivais à bout de nombreux changements insupportables dans mon esprit. J’ai dû me reprogrammer afin de traiter cette situation dans laquelle je me trouve. Une grande partie des paroles s’inspirent de mes réflexions. J’ai aussi été dans de nombreux états de fugue, qu’ils soient causés par la médication, la paranoïa ou les rêves. Il m’est arrivé de rêver éveillé d’être enterré vivant, et cela m’a influencé. Cela a donné lieu à des obsessions avec des vers de terre, des asticots et de la terre humide. On fait une petite fixation sur des choses rampantes et des esprits en décomposition dans cet album.

  • Vous puisez dans de nombreux genres musicaux dans Beware the Sword You Cannot See, quelles sont vos plus grandes influences musicales, metal ou non ?

Curse : la seconde vague du black metal du début des années 90, surtout les premiers travaux de Darkthrone, Burzum et Emperor. Puis plus tard, les travaux plus avant-gardistes de Ved Buens Ende, Arcturus, Ulver, Dodheimsgard et les autres du genre. Les autres groupes seraient Devil Doll, Tom Waits, The Legendary Pink Dots, Current 93, Jethro Tull, Saint Vitus, Pentagram… la liste est quasiment sans fin pour ma part. J’essaye juste de classifier la musique comme bonne ou mauvaise. J’ai très peu de temps pour différencier les genres.

The Gentleman : à tout cela j’ajouterais personnellement Pink Floyd, Tangerine Dream, GSY!BE, Swans, John Carpenter, Nick Cave, Kate Bush et Peter Gabriel.

  • Quelles ont été vos méthodes de travail pour la composition et l’enregistrement des chansons de cet album ?

The Gentleman : nous avons commencé soit séparément soit en binôme, écrit les chansons aussi loin qu’elles puissent aller avec leurs idées de départ, et une fois ce stade atteint, elles étaient proposées au reste du groupe pour les terminer et les perfectionner. C’est une excellente façon de travailler avec sept membres, vu que l’on ne peut pas tous écrire dans la même pièce en même temps, sans ça ce serait le chaos. De cette manière, cela contribue à un projet commun de qualité permettant aux auteurs originaux de se faire entendre, mais on laisse toujours les autres ajouter leur empreinte, et dans notre cas, comme le total est meilleur que les parties, cela fait vraiment une différence et c’est essentiellement ce qui fait de nous A Forest of Stars.

  • J’ai ressenti un côté très théâtral dans votre album, notamment au niveau des voix qui pourraient rappeler celles que l’on entendrait dans un film d’épouvante. Le cinéma est-il également une source d’inspiration pour vous ?

Curse : personnellement non. Bien que tu ne sois pas la seule personne à avoir ressenti cette théâtralité dans les vocaux, je n’en avais honnêtement pas l’intention. Cela est juste venu comme je le sentais. J’essaye d’être aussi franc et honnête que possible dans mes épanchements. Je suppose que cela sonne juste comme tel. Je régurgite les mots presque comme si c’était une forme de conversation, ou peut-être de plainte, ou les deux. C’est comme une diatribe contre moi-même et mes idées à l’époque.

  • Et le paranormal, vous y croyez ?

Curse : sans réserve, oui. Cela serait impossible de ne pas y croire pour moi.

The Gentleman : juste pour dire le contraire, non !

  • La majorité des membres du groupe font ou ont fait partie d’autres groupes (The Water Witch, Electric Mud Generator, My Dying Bride). Retrouve-t-on des influences ou similitudes, ou cherchiez-vous au contraire à faire quelque chose de complètement différent ?

Curse : nous créons seulement ce que nous avons envie d’entendre à ce moment-là. Nous sommes toujours influencés par la musique que nous aimons. Personnellement, j’écris avec le cœur, et je suis vraiment influencé par différentes choses à différents moments, bien que je me plais à penser que ce que j’écris et que ce que je recrache éventuellement sur disque est aussi personnel et authentique que possible. C’est très important pour moi que mon interprétation soit aussi proche que possible de la réalité. Je n’ai pas le temps de prendre des poses, ça doit être réel.

  • Le black metal que vous proposez est très excentrique. Pensez-vous que cela soit compatible ?

Curse : je ne suis pas certain de comprendre la question, mais si tu veux dire compatible avec d’autres groupes de black metal, alors je ne sais pas. Nous faisons juste la musique que nous pensons devoir faire. Si les gens l’aiment et y trouvent quelque chose, et tant mieux, bien que nous n’ayons pas l’intention de plaire à qui que ce soit sauf à nous, en ce qui concerne le sens de la musique.

  • Après la sortie de l’album vient logiquement le live. Vos interprétations sont-elles différentes lors de vos prestations sur scène ?

The Gentleman : c’est toujours inévitablement le cas pour plusieurs raisons : nous écrivons en commençant par la fin (d’abord la démo et l’enregistrement, puis ensuite nous apprenons les chansons ensemble), et c’est ce qui nous conduit à ne jamais pouvoir tout recréer exactement comme sur disque sans remplir la scène avec encore plus de musiciens. Mais c’est ce que nous voulons. Cela serait ennuyeux si nous jouions la même chose d’un live à un autre, vous pourriez aussi bien mettre le disque et nous faire mimer. Ensuite, il y a le problème que nous aimons changer des choses, y ajouter des passages, allonger ceux que nous aimons, écouter ceux qui finalement nous plaisent moins, et ainsi de suite. Ce n’est jamais exactement pareil, bien que certaines chansons restent relativement les mêmes, d’autres changent énormément par endroits. L’idée est de s’amuser avec et de transformer le concert en quelque chose de différent du disque : une atmosphère plus tangible, et beaucoup de chaos et d’énergie à l’état brut. Ou un échec total, qui sait ?

  • Vos projets pour les mois à venir ?

Curse : j’ai l’intention d’essayer de surmonter la hantise de la page blanche qui me touche en ce moment, et à commencer à écrire pour le prochain album. J’ai aussi quelques autres projets en tête, bien que pas forcément musicaux. Ces phases de manque d’inspiration m’arrivent assez souvent et sont terriblement frustrantes !

The Gentleman : s’entrainer, répéter, et s’entrainer, apprendre tous les nouvelles chansons pour notre tournée en automne. Et comme nous sommes déphasés, nous reprendrons la phase d’écriture donc j’espère avoir quelques chansons de prêtes d’ici l’été.

  • Le mot de la fin ?

Curse : merci pour tes questions !

The Gentleman : merci de même !

Fée Verte

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