Le 23 novembre à Toulon se déroulera une conférence de William Spok pour vous introduire au Metal chinois.
Détails :
William Spok est actuellement doctorant en anthropologie à l’Université de Nice Sophia Antipolis (UNS) dans le laboratoire d’Anthropologie Sociale et Cognitive (LAPCOS). Il a auparavant suivi un double cursus en Histoire et Ethnologie. Durant ses premières années d’études supérieures, il a également créé un webzine spécialisé dans les musiques undergrounds, Scholomance, qui regroupe des passionnés de toute la France. Il a soutenu son mémoire en 2015 et travaille désormais en Chine où il s’intéresse à l’expression de la culture chinoise au sein de la scène metal pékinoise.
Il est l’auteur du livre L’Atmosphère dans le Black Metal. Ethnographie d’une scène locale sorti chez Anesthetize. Cet ouvrage met en perceptive les enjeux et les mécanismes qui construisent l’atmosphère singulière de chaque groupe. La scène niçoise y est décrite minutieusement, un moyen de saisir tous les éléments du quotidien des musiciens qui la font vivre.
Une esquisse de la scène Metal chinoise :
Il n’existe pas une histoire du Metal avec un grand H. Chaque pays, chaque scène locale a plus ou moins son histoire, ses groupes fétiches. La scène chinoise s’est construite dans un chaos stylistique et politique. 1978, en occident le Heavy Metal est bien installé – Black Sabbath a déjà huit albums à son actif – mais en Chine, cette année est marquée par l’arrivé de Deng Xiaoping au pouvoir, et par le début des « quatre modernisations » et de « l’ouverture vers l’extérieur ». Il faudra attendre 1985 pour que résonne sur les ondes de la radio chinoise un titre Rock, intitulé « 一无所有 » (Yīwúsuǒyǒu / Rien en mon nom) qui marquera l’histoire du Rock chinois. Ce morceau est signé Cui Jian (崔健), futur parrain du Rock chinois. Il deviendra une figure importante de la lutte pékinoise lors des événements de Tian’anmen, et son morceau l’un des slogans de la lutte. La fin des années 1980 verra la répression sanglante des aspirations étudiantes et ouvrières, et c’est dans ce contexte social que naît le premier groupe de Heavy Metal chinois, Tang Dynasty (唐朝).
Cette présentation du Metal chinois se fera en deux temps. Le premier, consacré à l’histoire et l’évolution du Metal en Chine, nous permettra d’esquisser les débuts d’un Metal chinois. Nous aborderons les groupes et les albums qui ont marqué sa création, son évolution. Il ne s’agira pas d’une histoire exhaustive ; les groupes et les albums que nous allons aborder ont marqué l’histoire du Metal chinois et sont aujourd’hui considérés comme les premières pierres d’un Metal chinois par les acteurs de cette scène. Ces débuts ont été tourmentés, les fondations ont été consolidées, puis détruites, certains faisaient hier du Thrash Metal, aujourd’hui de la pop… Mais une chose a continué, les auditeurs sont devenus musiciens et le Metal chinois ne s’est pas arrêté, de nouvelle figures et groupes ont émergé et ont continué à écrire, créer. Li Chao est un de ces nouveaux acteurs, créateur du projet Enmity (怨) et frontman d’un des premiers groupes de Black Metal chinois, Evilthorn (恶刺). Il influencera de nombreux groupes de la Chine à la France. Sa démarche de « vider » les symboles religieux le place comme un des premiers à ré-actualiser la symbolique religieuse chinoise dans la musique extrême. Par ailleurs son rejet de la scène Metal chinoise le placera comme un « outsider » au sein de celle-ci, permettant d’interroger les nombreuses conventions et constructions sociales qui habitent les acteurs de la scène Metal chinoise. Sa démarche s’oppose notamment à celle de Bliss-Illusion (虚极), qui inscrit son Post-Black Metal dans les pratiques de la religion Bouddhiste. Enmity (怨) et Bliss-Illusion (虚极) sont révélateur de conceptions antagonistes mais participent tous deux à la construction de l’identité du Metal chinois, ils constituent deux facettes d’une même scène. L’expression religieuse dans la musique devient un enjeu identitaire, entre « blasphème » et « psaume ».