Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices (…)*
* A. de Lamartine – Le Lac
C’est sans doute ce que les 10000 festivaliers de cette 8e édition du Sylak Open Air avaient en tête en ce week-end du 3 au 5 août 2018, à Saint-Maurice-de-Gourdans (01).
La canicule qui sévissait et ma petite santé m’ont amenée à restreindre ma présence à seulement deux soirées, mais cela aura amplement suffi à me laisser emporter par l’ambiance exceptionnelle qui régnait en ces lieux.
SAMEDI 4 AOUT : tu veux mon doigt ?
Engourdie par la chaleur et la fatigue, mon arrivée se déroula sous des auspices mitigés : mon amusement après avoir vu un charmant automobiliste derrière moi dégustant le contenu de sa narine préalablement explorée de son doigt, fut altérée par la surprise de mauvais goût que me réservaient mes sandales made in China : alors que je me dirigeais vers l’entrée du festival, celles-ci ont décidé de se délester de leurs semelles sans mon consentement.
Qu’à cela ne tienne, l’Elfe Noire est prévoyante : n’écoutant que mon courage, je fis demi-tour, une semelle à la main, afin de chausser les bottines de secours.
L’incident fut vite oublié.
Dès mon arrivée tardive, pendant le set de Kadavar, je constate que la thématique de cette édition est axée sur la licorne, en témoignent les coiffes élégamment arborées par la team des crash barrières.
La sécheresse a sévi, beaucoup de sable en suspension dans l’air étouffant… Mais où diantre est donc le brumisateur annoncé sur Facebook ?
J’ai trop chaud, j’ai mal au crâne. L’Elfe Noire n’est pas dans le mood…
En attendant Bloodbath, j’observe les gens : j’y retrouve les habituels seniors tout droit sortis de la maison de retraite, un bébé qui sait à peine marcher, des pré-ados téméraires… J’aime ce côté intergénérationnel qui unit l’univers metal !
Le tour de Bloodbath va arriver. Je traverse la zone du public afin de trouver une place au premier rang. Tiens, le sol est tout mouillé… Curieux…
Je vais vite en connaître la raison : lors du troisième set, So You Die, je sens soudain de l’eau arroser mon épaule. Je vois alors un bénévole brandir une lance à incendie vers le public, soulageant celui-ci des effets anesthésiants de la canicule. Cette intention particulièrement salutaire fut renouvelée à chaque concert. Que l’orga du Sylak en soit ici chaleureusement congratulée !!
Pendant Breeding Death, l’eau laisse place aux projectiles : parmi eux, des ballons de plage multicolores et un enfant.
On enchaîne sur Cancer of the soul, l’énergie est à son comble, le soleil commence à décliner. La nuit tombera doucement sur Bathe in blood, le public s’excite, je crois apercevoir une chaussette voler au milieu des ballons dont l’un finit sa course sur la scène, et confisqué illico par la crew dont je crois percevoir, sans doute à tort, une pointe d’agacement.
Je vois ensuite une gigantesque bite gonflable brandie lors d’un set final envoûtant : c’est sur Eaten que se terminera ce premier concert auquel j’aurai assisté dans son entièreté, et fort apprécié !
La prestation scénique du groupe suédois, menée par un Nick Holmes vêtu d’une tunique de curé poussiéreuse et sertie d’une croix inversée, fut correcte quoiqu’un tantinet mollassonne. Le chanteur tentera d’animer un public manifestement trop impatient de passer au groupe suivant…
Setlist :
1. Let the stillborn come to me
2. Iesous
3. So you die
4. Breeding death
5. Anne
6. Cancer of the soul
7. Like fire
8. Outnumbering the day
9. Beyond cremation
10. Bathe in blood
11. Eaten
N’étant pas très friande de metalcore, et la torpeur ne m’épargnant pas, je parviens difficilement à me concentrer sur la prestation de Hatebreed. Je dois toutefois reconnaître, en toute objectivité, une ardeur indéniable de la part du groupe américain, qui contre toute attente me retiendra tout près de la scène jusqu’à la fin de ce long set, qui comptera pas moins de 19 titres.
C’est ensuite At The Gates qui prend place, sobrement acclamé par un public un peu clairsemé. Mais dès les premières notes, qui me font dresser d’un bond tel un suricate à l’affût, celui-ci va très vite s’étoffer. L’énergie dégagée par la prestation du groupe suédois est indéniablement contagieuse !
Les projectiles ne tardent pas à virevolter : une chaussure, une perruque d’éléphant rose, un animal ailé empaillé brandi par une créature mi-ours mi-bigfoot, s’agitant aux côtés de deux bites…
La fatigue contrariant quelque peu le kiffe, et frustrée de ne parvenir à apprécier ce set à sa juste valeur, l’Elfe Noire entama quelques pas vers la sortie afin de regagner prématurément ses pénates. Mais les notes et les riffs puissants qui s’enchaînèrent l’attirèrent à nouveau vers la scène tels des électro-aimants.
Setlist :
1. To drink from the night itself
2. Slaughter of the soul
3. At war with reality
4. A stare bound in stone
5. Cold
6. The circular ruins
7. Death and the labyrinth
8. Under a serpent sun
9. The chasm
10. Heroes and tombs
11. Nausea
12. Suicide nation
13. The book of sand
14. Blinded by fear
15. Kingdom gone
16. The night eternal
C’est sur cette énergie communicante que se termine cette deuxième soirée du festival. Je n’ai certes assisté qu’à trois concerts, mais l’ambiance bien établie m’a immédiatement conquise, et lors de mon départ je n’ai qu’une seule envie : être au lendemain pour m’en délecter à nouveau.
Je quitte les lieux le sourire aux lèvres et l’ampoule au pied, Mars m’observant de son écarlate lueur et deux vers luisants m’éclairant au bord du chemin.
DIMANCHE 5 AOUT : le retour de la bite
Arrivée un peu moins tardivement que la veille, c’est postée à proximité du point d’eau et du brumisateur, enfin trouvé tel le Saint Graal, que j’écoute Terror qui se produit sur scène. L’ambiance est bon enfant, j’observe à nouveau les festivaliers hilares, tout en hésitant à me précipiter vers le point de baignade que l’on m’a vanté la veille. Le calme avant la tempête…
Municipal Waste nous offrira en effet une prestation tout en puissance, introduite par le leader à coups de « fuck rich people » et autres « I want to kill the president ». Ça, on l’avait deviné, à en croire le visuel au fond de la scène, représentant Donald Trump se tirant une balle dans la tête.
Seuls quelques ballons de plage survoleront le public… mais, nom d’un moule à cake, quel public !!! C’est dans ambiance véritablement survoltée que se déroule ce concert. Malgré une température avoisinant les 40°C, les slams et autres circle pits ne cesseront de s’enchaîner et de s’attiser, jusqu’à écrabouiller l’équipe des crash barrières… qui en sortira plus ravie que jamais !
Cette atmosphère incroyablement vigoureuse profitera aux Dead Kennedys qui feront ensuite leur entrée. Tandis que je découvre avec horreur un poil pubien collé sous l’étiquette de ma boîte de carottes râpées, j’apprécie les rythmes festifs et un brin country du groupe de punk californien. La bonne humeur et l’enthousiasme des musiciens se prolongeront à l’issue du set, ceux-ci descendant de la scène afin de remercier copieusement et serrer la pogne des festivaliers des premiers rangs. Et ça, c’est classe.
Pendant ce temps, un soleil de sang se couche à l’ouest, tandis qu’à l’opposé un orage s’approche. Je me souviens de l’édition 2015 où l’on avait fini trempé jusqu’aux os à l’issue du concert final d’Epica, le discours de clôture s’était déroulé sous une pluie battante, ne décourageant pas le moins du monde l’équipe du festival ni les derniers festivaliers présents.
Trêve d’anecdote, un rêve de gosse va bientôt se réaliser pour moi (à cela près que c’était la lointaine époque des frères Cavalera), après le rendez-vous manqué lors de son passage à Bourg-en-Bresse en 2013… Sepultura, enfin !!
Aussi survoltée que le reste du public, je frissonne lors de l’entrée des photographes dans le pit, marquant le compte à rebours de l’entrée en scène du mythique groupe brésilien.
Lors de l’intro entraînante du second set, Phantom self, je ne peux m’empêcher d’effectuer maladroitement quelques pas de samba, que je renouvellerai plus tard lors de Ratamahatta. Tout au long du concert, j’agiterai souvent en rythme mon éventail salvateur.
Parmi les projectiles : un palmier gonflable, des boobs, le retour de la bite, un sosie de notre comparse Deathslid, deux dames d’un âge un peu plus avancé que le mien, dont je salue le courage et l’enthousiasme !
Bref, que dire… Une énergie à son comble, une puissance crescendo, jamais l’Elfe Noire n’aura crié aussi fort pour exprimer son engouement ! Passés les trois premiers titres que je ne connais pas (honte à moi), le groupe entame une série de ses meilleurs titres, parmi lesquels les indispensables Territory (ho putain!!), Machine Messiah (où le chanteur me déçoit quelque peu par un chant clair un peu mitigé, mais qu’importe : il lâchera par la suite un hurlement déchirant absolument parfait) ; Desperate Cry (où je déploierai moi-même ledit cri avec toutes mes tripes, accompagnant à la seconde près le chanteur au moment fatidique), Refuse Resist, Arise (woooh putain d’sa mère, quel kiffe !!!).
Puis Derrick se place au tambour pour interpréter Ratamahatta, suivi, pour achever ce concert orgasmique, d’un Bloody Roots enrichi de quelques variations permettant au public de l’accompagner à l’unisson.
Mais, pour beaucoup de festivaliers, le meilleur reste à venir…
Setlist :
1. I am the enemy
2. Phantom self
3. Kairos
4. Territory
5. Sworn oath
6. Against
7. Choke
8. Machine messiah
9. Desperate cry
10. Refuse resist
11. Arise
12. Ratamahatta
13. Roots bloody roots
En effet, il semble que Sepultura ne soit pas, aussi incroyable soit-il, le groupe le plus attendu de cette édition. A en voir la surexcitation du public, Alestorm est manifestement le meilleur choix pour achever en beauté ce festival de malade. Je pensais avec a priori que placer Sepultura avant Alestorm était un pari risqué, mais force était de constater que l’orga avait vu juste…
N’ayant jusqu’à présent jamais assisté à un concert du groupe britannique, c’est donc avec amusement que je découvre le gigantesque canard jaune placé sur la scène, non sans penser immédiatement à la célèbre collection d’Ultra Vomit.
En attendant l’entrée en scène des musiciens, on entend Enter Sandman, que le public et moi-même chantons en chœur. L’ambiance est à son comble !
Dès son entrée, le groupe, acclamé avec extrême exaltation, dégage immédiatement une énergie du feu de dieu. Du folklore et de la bonne humeur, la popularité d’Alestorm, en témoignent les très nombreux t-shirts à son effigie portés par les festivaliers, explique clairement le choix du running order. Le public chantait par cœur la plupart des titres joués par le groupe (dont le chanteur portait un boxer sous le kilt). Quant à moi, m’étant vidée de mon énergie durant le set de Sepultura, j’ai toutefois fort apprécié les premiers titres, aux rythmes entraînants et festifs à souhait, notamment Mexico ou The sunk’n norwegian.
De nombreux projectiles (une bite slammeuse, un préservatif gonflé à bloc, un matelas de piscine, puis finalement …une piscine) ont précédé l’envolée fatale du canard géant, dont Christopher Bowes ordonnera la mise à mort : « tonight, the duck must die !». La pauvre créature sera donc impitoyablement exécutée par le public pendant le set final, parfaitement de circonstance pour clore avec panache cette huitième édition du Sylak : FUCK YOU ALL !!
Setlist :
1. Keelhauled
2. Alestorm
3. Mexico
4. The sunk’n norwegian
5. No grave but the sea
6. Nancy the tavern wench
7. Rumperlkombo
8. Hangover
9. Bar ünd imbiss
10. Captain Morgan’s revenge
11. Shipwrecked
12. Drink
13. Wenches and mead
14. Fucked with an anchor
Et voilà, c’est la fin… Déjà…
Lors du discours de clôture dégoulinant d’amour, de sueur et de bière, on se félicite d’avoir fait sold out et on remercie les bénévoles de leur vaillance à l’égard d’un public assoiffé, affamé, increvable.
Mon avis général est sans équivoque :
– une orga au top, qui face aux conditions météo extrêmes, a pensé avant tout au bien-être de ses festivaliers : installation d’un brumisateur, autorisation de se munir de sprays pour pouvoir se rafraîchir la truffe (gros kiss d’amour aux deux adorables âmes qui m’ont humectée <3 ), utilisation de la lance d’incendie pour soulager le public…
– tri sélectif et nombreux cendriers à disposition, équipe de nettoyage réactive et efficace,
– merci aux festivalières qui ont respecté la propreté des lattrines,
– un climat inégalé de fraternité, d’amitié, de connerie et de grand n’importe quoi, et c’est ça qui est bon !!
Je tiens tout particulièrement à attribuer une mention spéciale « Best Crew Ever » !! Une équipe au maximum de sa forme, prévenante, efficace, complètement barrée, mais qui gardera son sérieux et sa concentration, notamment lors des assauts aux crash barrières.
« On a kiffé ce qu’on a fait, on l’a fait avec le cœur ! », m’a confié l’un d’eux. « Si il faut, je remets ça demain ! » ajoute-t-il, « trop d’émotion cette année ! ». Un kiffe palpable et si communicatif que l’équipe se verra probablement enrichie l’année prochaine de nouveaux membres.
Pour ce qui est du contenu, l’affiche était globalement sous le signe du metalcore, assaisonnée de quelques touches de punk festif pas déplaisantes du tout, et une toute petite pincée de death.
Les temps forts de ces trois jours endiablés furent indéniablement Municipal Waste et Alestorm, qui firent de cette huitième édition un cru exceptionnel.
Oserais-je suggérer un peu de black pour l’édition 2019, histoire de secouer encore un peu le cocotier ?… Attendons, les premières annonces ne devraient guère tarder !
Le départ d’une grande partie des festivaliers se fera sous un croissant de lune rougeoyant, énorme et patatoïde. Le lendemain, mes pieds seront encore enflés et endoloris, mon corps entier n’est que douleur, mais toujours la banane, et ce sera le cas pendant encore plusieurs jours.
Maintenant, je vais me mettre en stase jusqu’à août 2019.
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Mais au fait, connaissez-vous l’origine du nom Sylak ?
Voici, rien que pour toi cher lecteur, la réponse d’un membre de l’équipe que j’ai interrogé :
« C’est le nom d’un album de l’ancien groupe du président de l’asso. Au départ pour lui c’était «Support Your Local Alcoolic Komando». On l’a transformé en support tout local artist krew, pour le fest.
– Et quid de la prononciation ? Silak ou Saïlak ?
– Ahahah ça…. On s’en fout complètement !! »
Merci à lui (ou elle ?) pour ces réponses, et à l’année prochaine !!
Merci pour ce beau résumé ! je pense faire partie des habituels retraités sortis de leur maison de retraite (grrrrrrrrr!!!!!) car bénévole depuis le début et maman d’un organisateur je ne raterai pour rien au monde cette belle manifestation pleine de folie, je pense aussi faire partie des « projectiles » pendant Sepultura car j’ai osé slamer pour la 1ère fois !!! et oui tout arrive au Sylak !!!!
Allez, sans rancunes !!! et à l’année prochaine !
Je peux vous assurer que c’est avec émerveillement et surtout une grande tendresse que j’évoque les seniors présents lors de chaque édition. J’espère, d’ici quelques (dizaines d’) années, en faire moi-même partie ! 🙂
Respect pour votre courage !! 😉
On vous embrasse tous, de la nurserie de la maternité à la maison de retraite !! <3