Bienvenue à toi, lecteur fervent défenseur de la scène folk et pagan qui ne manque pas une seule chronique. Bienvenue à toi qui vient par hasard parce que le nom de l’artiste te dit vaguement quelque chose. Et même à toi, toi qui t’es perdu dans les tréfonds, dans les confins d’internet avant de tomber sur un site qui n’est pas dans ta langue et qui publie des articles sur de la musique hérétique et blasphématoire. Bienvenue.
Pour ma première chronique pour Valkyries, j’ai choisi un album d’un groupe qui illustre par sa musique beaucoup de choses qui me sont chères. L’Écosse, les Highlands, la nature, la culture Celte sont autant de choses qui me tiennent à coeur et me semblent défendues et arborées fièrement à travers les mélodies que nous allons analyser ci-après. Trêve de teasing, aujourd’hui en appuyant sur le bouton play, c’est le dernier album de Saor que nous allons écouter: Guardians.
Saor
Guardians
Je ne doute pas que nombre d’entre vous connaissent déjà Saor, ceci dit une petite présentation ne fait jamais de mal. Saor est un one-man band écossais d’Atmospheric Celtic Black Metal créé par Andy Marshall dont le premier album « Roots » est sortit en 2013 (sous un autre nom d’ailleurs à l’époque – Àrsaidh -, il le fera réimprimer avec le nouveau nom lorsqu’il a été décidé de garder Saor). Un projet assez récent donc, qui a su convaincre rapidement les fans du genre. Ayant plusieurs fois rappelé qu’il n’aimait pas la scène, les apparitions du groupe se faisaient plutôt rare (allant jusqu’à affirmer que leur concert au Warhorns Festival en 2016 serait leur dernier live – j’en ai encore un screenshot tellement j’étais triste -) jusqu’à ce qu’Andy ne décide de contenter ses fans en annonçant plusieurs concerts pour 2017/2018, dont deux confirmés en France pour cette année: une date en Février au Cernunnos Pagan Fest, et une autre en Juin au Hellfest Open Air Festival. Bonheur et volupté.
« Guardians » sort donc en 2016, la même année que son side-project Fuath, dans lequel il déverse un Black Metal plus cru et plus sombre, qu’il ne pouvait pas placer dans Saor. Mais concentrons-nous sur le sujet de cette chronique. Auto-produit par le biais de son propre label Fortriu Productions et distribué physiquement par Northern Silence Productions, cet album est selon ses propres dires l’album qu’il voulait faire, comme il voulait le faire. Malgré des débuts fulgurants, la production des deux précédents opus ne le satisfait pas entièrement et il pense même à potentiellement ré-enregistrer « Aura », son deuxième album avec Saor. Notons également le superbe artwork signé Sebastien Wagner, montrant par son pinceau un paysage tout droit sortit des Highlands avec un bleu envoutant omniprésent.
Composé de cinq titres d’une longueur moyenne de onze minutes, « Guardians » est avant-tout une expérience immersive. On met le casque sur les oreilles, on lance la lecture, on s’affale dans un canapé et on ferme les yeux. Un véritable aller-simple vers le nord du Royaume-Uni. Un cri de liberté emprunt de nature, la musique d’Andy Marshall est un appel spirituel à un retour aux sources, à une vie plus simple, loin des affres des grandes villes. Comme je l’avais dit dans une ancienne chronique que j’avais écrit sur Aura, le deuxième opus de Saor, et qui est encore bien valable ici: « Chaque musique est une déclaration d’amour à l’Écosse, inspirée comme le dit Andy lui même par la nature et les paysages de son pays, l’héritage de ses ancêtres et la poésie traditionnelle locale. Fervent défenseur de la lutte pour l’Écosse libre, tous les textes de Saor (« liberté » en Gaelic) respirent l’image d’un drapeau arborant une croix blanche sur fond bleu planté au milieu d’une plaine et flottant au gré du vent. » Même si nous n’avons pas ici affaire à un album concept et que les lyrics n’ont aucun lien direct, il y a une unité tellement présente dans « Guardians » qu’il est l’un des rares albums que j’adore écouter d’un bout à l’autre d’un coup. Essayez, un soir, à la place d’un épisode sur Netflix, prenez cinquante minutes pour tenter l’expérience. Vous verrez, vous ne le regretterez pas.
On sent une réelle progression au niveau de la production. C’était un point que j’ai entendu être soulevé plusieurs fois, le côté assez brouillon du mix général sur « Roots » et sur « Aura », qui n’est plus du tout d’actualité. Même si effectivement il n’y a toujours pas vraiment d’élément mis en valeur – aucun instrument, pas même la voix ne passe au dessus du mix -, on sent que c’est une volonté de la part du compositeur, c’est un choix délibéré, c’est un tout. Et c’est lors de l’écoute au casque que l’on s’en rend compte le mieux. Tous les instruments sont placés différemment dans l’espace, et ça devient un jeu de discerner toutes les différentes parties, qui fait quoi en dessous ou au dessus de telle ou telle vague. Rien ne ressort en « lead », mais il y a nombre d’éléments sous-mixées qui agissent tels des petits easter eggs pour qui veut bien prêter l’oreille. Un ensemble cohérent rendu possible aussi grâce au talent des musiciens qu’Andy a fait intervenir sur des instruments qu’il ne maitrisait peut-être pas assez pour le rendu qu’il voulait. Nommons Bryan Hamilton de Cnoc An Tursa à la batterie ou encore Meri Tadic (ex-Eluveitie) au fiddle. J’ai aussi noté des passages avec une bonne veine Post-Black. Notamment au début de « The Declaration », ou j’ai l’impression d’entendre « Appâts » de Deluge, le violon en plus.
Saor a une patte, un quelque chose d’unique, de mystique et d’envoutant. Sans doutes ce qui fait sa rapide ascension. Alors que d’autres groupes de Folk font le choix d’un vol pur et simple de mélodies traditionnelles en rajoutant juste une formation Metal par dessus, Saor fait dans l’atmosphère et les vagues planantes à la flute et au violon. Et ce n’est pas pour ça que les thèmes fédérateurs ne sont pas présents. J’ai tellement hâte d’headbanger les yeux fermés, d’entrer en communion avec les membres du groupe en live sur des passages comme la fin de « The Declaration », la deuxième partie de « Hearth », ou la folie globale de « Tears Of A Nation ». Blague à part, sur cette dernière, à partir de 6:14, j’en ai des frissons jusqu’à la fin. Cet album me rempli d’une nostalgie et d’une fierté qui ne sont pas encore miennes. Bientôt, Highlands, bientôt tu auras un nouvel habitant !
En conclusion,vous l’aurez compris, cette chronique est loin d’être objective. Et en même temps je me dis qu’il serait étrange pour moi d’en parler comme si c’était un album lambda, un énième cd de Metal celtisant. J’aime le groupe, et j’aime cet album. Encore une fois il y a quelque chose d’unique dans Saor. Ce n’est pas la première fois que je ressens ça, ça me l’avait fait aussi pour « Exile » de Regarde Les Hommes Tomber ou pour « Sleep at the Edge of the Earth » de Wilderun par exemple. L’impression que quelqu’un me parle a travers sa musique. Qu’il y a quelque chose de pas palpable, mais d’authentique. Si je devais noter « Guardians », cet album irait jusqu’à onze.
SAOR ALBA
Lailoken
Tracklist:
- Guardians
- The Declaration
- Autumn Rain
- Hearth
- Tears of a Nation
Liens:
https://www.youtube.com/watch?v=cLNt4rJTW-I