Le MPS ou Mittelalterlich Phantasie Spectaculum est un immense festival médiéval itinérant en Allemagne. Auregann a assisté à son 25e anniversaire lors de l’édition à Hambourg.
Le MPS, c’est une institution en Allemagne, un festival incontournable où tous les groupes de folk metal, pagan ou néo-médiéval rêvent de jouer. Une affiche conséquente, plus de vingt dates par an dans tout le pays, pour n’importe quel amateur du genre, c’est un évènement à visiter au moins une fois. J’y ai déjà assisté en 2017 à Berlin, mais cette année, c’est l’édition de Hambourg qui me faisait de l’œil. On me vantait un espace immense, des dizaines de milliers de visiteurs, une programmation de folie, le tout pour célébrer les vingt-cinq ans du concept. Sans hésitation, je me lance dans l’aventure.
Alors que je suis installée dans le car qui m’emmène dans le grand nord (de l’Allemagne), je décide de planifier un peu ma visite. En effet, le choix va être rude. Il y a six scènes dédiées à la musique amplifiée, sans compter les petites scènes pour la musique acoustique et les spectacles divers. La programmation se concentre essentiellement sur le samedi après-midi et soir. Certains groupes passent plusieurs fois, d’autres comme Fiddlers Green ou Faun, seulement une seule fois. Il va falloir faire des concessions. Je ne suis même pas arrivée sur place, que déjà mille questions me hantent : dois-je suivre mon instinct et décider de retourner voir des groupes de je connais déjà et que je brûle d’envie de revoir, ou dois-je privilégier la découverte de groupes dont le nom ne me dit rien ? Aurai-je du temps pour faire un peu de shopping parmi les centaines d’exposants présents ? Va-t-on me laisser rentrer avec ma bouteille d’eau ? Tant de questions existentielles !
Après moult péripéties, j’arrive sur le lieu du festival en début d’après-midi le samedi. En effet, on ne m’avait pas menti, l’endroit est gigantesque. C’est un champ de plusieurs hectares situé en périphérie de Hambourg, près d’un lac. Durant le week-end et même en marchant beaucoup, je n’aurai pas le temps de faire le tour de tous les espaces. Il y a bien sûr les scènes, mais aussi les exposants, pléthore de stands de nourriture et boisson, et de nombreuses installations de reconstitutions, rassemblés par thématiques. Sans compter les animaux, même la sécu est montée sur des chevaux. Comme l’espace est grand, on ne ressent pas trop l’effet de foule. Des gens de tous âges, le plus souvent costumés, se baladent ici et là. L’immersion est totale. Et j’ai toujours ma bouteille d’eau.
Sans attendre, je repère la scène sur laquelle je compte bien voir Cesair. Le groupe néerlandais est bien connu des visiteurs du Castlefest mais pour ma part, je ne les ai encore jamais entendus en live. On a là tout un tas d’instruments ésotériques, une chanteuse à la voix chaleureuse, ce qui donne une atmosphère chamanique mais aussi énergique. Leurs paroles dans diverses langues s’inspirent de mythologies, il y en a même une sur la cité d’Ys. J’ai passé un bon moment, malgré la sono grésillante qui ne rendait pas honneur à leur musique.
Avant la fin, je m’échappe pour avoir la chance de voir un peu de Saltatio Mortis. La foule se presse devant la scène, le groupe ayant un succès incontestable en Allemagne. Ils mêlent allègrement cornemuses, rock et pop, et présentent leur tout nouvel album, Brot und Spiele. Leur set de l’après-midi est « acoustique », ils sont amplifiés mais sans les grosses guitares électriques, il y a simplement une basse acoustique, une mandoline, et naturellement des cornemuses. Parfois ils sortent un peu du style néo-médiéval allemand avec des mélodies plus surprenantes, comme cette adaptation d’un ancien chant perse, Raghs-e-Pari, ou encore une cover totalement inattendue de Wake Me Up du défunt DJ Avicii à la cornemuse. D’aucuns trouveront Saltatio Mortis trop mainstream, personnellement j’apprécie leur côté pop.
Alors que le set se termine, je suis attirée par un son plus rock sur la scène voisine. Il s’agit de The Dolmen. Finies les cornemuses, place aux guitares, et à la voix rauque du chanteur, le tout sur des morceaux très longs (quinze minutes !) qui flirtent beaucoup plus avec le rock progressif que le folk. Que font là ces Anglais dont le son dénote du reste ? Nul le le sait.
Je retourne près de la grande scène pour Mr. Hurley & Die Pulveraffen. J’aime vraiment beaucoup ce groupe, des allemands qui chantent des chansons de pirates, ça n’a l’air de rien comme ça, mais ils ont une dynamique de fou, des paroles franchement rigolotes quand on les comprend, ils me rappellent un peu Soldat Louis. Un accordéon, une mandoline, une basse et une batterie, des voix faussement rauques, voilà qui suffit à mettre l’ambiance. Ils n’auront pas de chance avec la technique, visiblement le branchement de la guitare, mais les musiciens restent remarquablement relax sur scène et improvisent… un rap. Le tout sans se prendre au sérieux. Naturellement j’ai bondi comme un cabri et chanté dans un allemand peu orthodoxe lors de mon morceau préféré, Achtung Fertig Prost.
Globalement, durant le festival, j’ai passé beaucoup de temps dans la zone « pirate ». Une déco très sympa, des troupes de reconstitution, une scène avec de nombreux groupes intéressants, il ne m’en fallait pas plus. C’est là bas que je décide d’aller voir Harmony Glen, un groupe qui m’est totalement inconnu. Eh bien je ne serai pas déçue, c’est définitivement ma meilleure découverte du festival ! Déjà, ils nous accueillent avec une reprise d’Engel, de Rammstein, et cela suffit à mettre le public allemand dans leur poche. Ils achèvent de me convaincre en entamant une marche écossaise avec la cornemuse appropriée – c’est à dire une cornemuse écossaise, pas ce pâle Dudelsack allemand à l’accordage approximatif. Ils sont nombreux sur scène, incluant aussi une contrebasse et un banjo, et ils m’impressionnent par leur jeu de scène très travaillé, mouvements, costumes, rien n’est laissé au hasard. Les morceaux s’enchaînent, chants à boire, hymnes guerriers, et finalement les pirates en guenilles du groupe suivant les rejoignent sur scène pour le final. Vraiment, le groupe néerlandais m’a convaincu, et en faisant quelques recherches j’ai appris qu’ils avaient aussi un répertoire de musique de bal folk, bref, 20/20 les gars.
Tout en continuant d’explorer l’immense festival, je passerai voir rapidement Versengold. Il y a foule, ce groupe est très populaire, et c’est mérité : ils proposent juste la bonne dose entre folk et pop, des chansons festives et des balades nostalgiques. Je ne m’attarderai pas, car le set ressemble en tout point à ce que j’ai déjà vu d’eux : propre, efficace, détendu. Mais il y avait trop de monde pour que je puisse vraiment apprécier l’expérience. Tant pis, ils tournent régulièrement en Allemagne, je le reverrai plus tard.
La nuit tombe déjà, et je me dirige vers la scène spéciale Jubiläum, où Faun vient de commencer. La fosse est entièrement remplie de fans, impossible de s’approcher de la scène, alors je décide de m’installer un peu plus loin, appréciant la chaleur des feux installés ici et là – il fait déjà frisquet au bord de la mer du Nord. C’est une bonne ambiance pour apprécier les sons planants et chamaniques de l’un des groupes phares de la scène pagan-folk. Lors du changement de groupe, Comes Vagantes, une troupe de cornemuseux et percussionnistes viendra jouer tout près de nous. Danser sur le son des cornemuses près du feu de bois, c’est ça l’ambiance MPS.
Pour le dernier groupe de cette fructueuse journée, Fiddler’s Green, je tente de m’approcher de la scène. Je note que l’ambiance dans le public est bien plus sympa que lorsque je les avais vus à Berlin, où un punk pas commode m’avait repoussée sans ménagement. Ça pogote un peu mais sans plus, les gens commencent à être fatigués. Nos gentils punks irlandoïdes et pourtant bien allemands nous servent un set un peu plus posé que d’habitude, privilégiant les morceaux de leur nouvel album. J’apprécie le changement mais je regrette un peu que mes chansons préférées ne soient pas au menu. La virtuosité du flûtiste est mise à l’honneur lors d’un long duo avec le percussionniste.
Le lendemain, je décide de consacrer les quelques heures qu’il me reste sur le festival au shopping. Comment ne pas craquer son porte-monnaie devant tout cet étalage de vêtements, costumes, bijoux, artefacts de toute sorte ? Autant dire que mon stock est bien renouvelé maintenant, et que mon compte en banque est vide. Hem. Cependant, en passant devant les scènes, j’aurai le temps d’écouter quelques morceaux.
Mes tribulations m’amènent près de Cuélebre, un groupe de pagan espagnol. Je n’en ressors pas très convaincue. Ou alors suis-je blasée du style pagan ? Tous les ingrédients y sont pourtant : vielle, tambours chamaniques, didjeridoo, feulements de sorcières, même les bois de cerf sur le logo et les crânes de bovidés sur les pieds de micro. C’en est presque caricatural. Je ne trouve rien qui fait se démarquer le groupe de tous les autres. Dommage, il ne restera pas longtemps dans mon esprit.
Pour conclure, une autre découverte qui m’a bien plu : Ye Banished Privateers – encore un groupe de pirates ! Tout l’équipage est là, tous plus crados les uns que les autres, ils débarquent à neuf sur scène dans un joyeux bazar. Avec Libertalia et leurs autres morceaux, les suédois n’en finissent pas de vanter la piraterie et l’amour de la liberté. N’en dites pas plus, je suis des vôtres.
En conclusion, ce festival était définitivement une expérience à vivre au moins une fois. Malgré mes pieds fatigués et la frustration de n’avoir vu qu’une toute petite partie de l’ensemble des lieux et des animations, je suis ravie d’avoir été à Hambourg en 2018 – d’autant plus qu’il s’agissait aussi de dire au revoir à ce lieu qui a accueilli le festival pendant des années. Le parc près du lac ne sera plus disponible à partir de l’an prochain, et l’édition hambourgeoise devra migrer quelques kilomètres plus loin, dans un village voisin.
Sur ce, merci bien à l’équipe du MPS pour l’accueil chaleureux, et au plaisir de chroniquer d’autres évènements dans le nord de l’Allemagne !
Photos : Auregann, CC-BY-Sa