Le Mittelalterlich Phantasie Spectaculum est l’une des plus grandes fêtes médiévales d’Allemagne. L’affiche de l’édition berlinoise me faisait de l’œil : Saltatio Mortis, Corvus Corax, Faun, Versengold, et bien d’autres groupes de pagan/folk de qualité.
Alors en route pour Hoppegarten, à une demi-heure de la capitale, où le MPS s’est installé le temps d’un week-end. C’est la particularité de ce festival, il est itinérant, et durant une bonne partie de l’année, il déménage ses hectares de scènes et de stands d’un bout à l’autre de l’Allemagne. La programmation est changeante également, mais on y retrouve toujours des groupes de musique médiévale et folk, pour le plus grand plaisir des milliers de participants.
Le MPS à Berlin cette année, ce sont trois scènes, plus des groupes qui jouent sans sono ici et là, ainsi qu’une bonne centaines de stands divers et variés : à boire et à manger, bien sûr, mais surtout des costumes, des bijoux, des artefacts de toutes sortes qui sont une vraie tentation pour le portefeuille.
Le samedi, j’arrive dès l’ouverture, pour prendre le temps de déambuler dans l’immense champ qui accueille la manifestation. Je croise des troupes de spectacle, des chevaliers qui se battent, et des balançoires-bateaux vikings pour les enfants – les allemands ont tout prévu.
Tout en dégustant un kartoffelpuffer j’assiste à mes deux premiers concerts : Mr. Hurley & Die Pulveraffen, un sympathique groupe de pirates qui balance un son festif et enjoué, parfait pour se mettre dans l’ambiance. Puis Duivelspack, trois gus en costumes médiévaux avec une guitare et une nyckelharpa, mais leur paroles sont bien ancrées dans notre époques : blagues en dessous de la ceinture et récits du quotidien, leurs paroles en allemand sont si simples que j’en comprends la plupart. C’est dire.
Après avoir croisé un héron sur échasses et beaucoup trop de vikings en kilt, il est temps de me rendre près de la scène principale pour l’un des concerts que j’attendais avec impatience : Versengold ! J’ai découvert ce groupe allemand l’an dernier. Point de guitares bourrines ici, on est dans du folk tranquille, dont les paroles vont des histoires de pirates aux chansons à boire. Deux guitares acoustiques, un violoniste charismatique, un batteur. Ce que j’ai aimé dans leur prestation live, c’est que le chanteur n’essaie pas d’en faire des tonnes à grand renfort de costumes, peintures de guerre et cornes à boire. Il est juste là en chemise, il chante, et ça suffit pour nous emmener dans leur univers.
C’est Saltatio Mortis qui prend la suite sur la scène. Je me cale à l’ombre pour écouter d’une oreille leur set acoustique. L’avantage du MPS, c’est que la plupart des groupes passent plusieurs fois dans la journée. Puis je bouge vers la seconde scène pour découvrir Saor Patrol. Ce groupe d’écossais est fort étonnant. Par leur composition tout d’abord : une cornemuse, une guitare électrique et… trois percussionnistes. Ça donne un résultat brut et puissant, bien loin des clichés du folk écossais. Le leader nous invective avec son accent improbable et nous raconte l’histoire de ses ancêtres guerriers. Ils terminent le set par un hymne a cappella. Une vraie bonne découverte !
Mais cette journée n’est pas finie, et je me place aux premiers rangs pour le concert qui sera mon préféré : Faun. A ma grande surprise, ils ne passent qu’une fois dans le week-end, pour une heure seulement, alors pas question de les rater. J’écoute ce groupe de pagan-folk depuis des années, et c’est ma première occasion de les voir en vrai. Alors oui, les mauvaises langues diront que c’était mieux avant, que depuis leur signature avec un grand label, Faun est devenu un groupe commercial. Je laisse cela aux râleurs, moi j’ai été en transe du début à la fin. Une alternance d’instruments à vent et de nyckelharpa, deux voix féminines enchanteresses, tout cela dans une ambiance résolument mystique. L’heure passe à toute vitesse, à peine ont-ils fini leur an dro, Walpurgisnacht et Wenn wir uns wiedersehen, que c’est déjà fini ! Heureusement ils reviennent pour un rappel.
Si je voulais chipoter, je dirais que leur nouvelle chanteuse n’est pas encore très au point, elle s’est plantée plusieurs fois. Mais cela ne m’a pas empêchée d’adorer l’expérience.
À 22h, je m’installe confortablement sur une botte de foin pour apprécier le dernier concert de la journée : Saltatio Mortis. On ne présente plus les allemands, leurs cornemuses, leur son tantôt folk tantôt rock, et leur chanteur à la mèche emo rose. Pour leur second set, alors que le soleil disparaît à l’horizon, ils sortent le grand jeu : flambeaux et jets de flamme en rythme donnent de grands coups de chaud au public. Un peu fatiguée par ma journée, je me suis contentée d’apprécier le son, sans réfléchir. L’occasion de remarquer que je ne connais pas la plupart des chansons, et que je ferais bien de réviser les premiers albums du groupe si je veux prétendre à être une vraie fan. Je suis néanmoins ravie d’entendre des chansons du dernier opus que je connais bien, comme Wo sind die Clowns et une très belle version de Maria.
La journée du dimanche est un peu moins dense. Je retourne voir un bout du set de Saor Patrol, avant d’assister à l’un des passages de Corvus Corax. Le groupe revient tout juste du Hellfest après 24h de route dans les pattes, mais ça se voit à peine : ça balance sur scène, mais aussi en dehors, puisque sur l’une des chansons, les musiciens descendent dans le pit pour inciter le public à danser, et jouent au milieu de la ronde.
En attendant leur second passage, je m’installe près de l’endroit où jouent les groupes non-sonorisés. On commence par Cultus Ferox, cinq cornemuses et des percussions qui vous envoient les mélodies médiévales allemandes classiques dans la tronche, tels des boulets de canons. Le second groupe, Comes Vagantes, est une formation très similaires : trois cornemuses, trois percussionnistes, et on y va à coup de Dji Osmo, branle de l’ours et autres. Du très classique, mais ça fait bien l’affaire.
Je retourne vers la scène principale pour assister au dernier concert du week-end, une heure et demie de Corvus Corax. Fidèles à eux-mêmes, les musiciens enchaînent classiques et nouveautés. Dans le public, ça danse et ça chante, mais c’est un peu vide devant la scène, les festivaliers manque à l’appel. Dommage, mais ça n’empêche pas la bonne ambiance. Je suis loin de connaître leurs morceaux par cœur, je me laisse juste porter par le son des cornemuses, le rythme lourd des tambours, la chaleur de cette après-midi ensoleillée.
Et puis il est déjà l’heure de plier bagage, après deux jours d’immersion dans la fête médiévale allemande la plus typique qui soit. Les festivaliers se dirigent docilement vers la sortie, tandis que le staff du MPS va ranger son impressionnant matériel pour voguer vers d’autres horizons.
En septembre 2018, le MPS fêtera ses 25 ans avec une fête médiévale gigantesque près de Hambourg. Si je suis toujours dans le coin, nul doute que j’irai y faire un tour !