Nydvind fait office pour beaucoup de pionniers du Pagan Metal made in France, avec ses compères de Bran Barr, Aes Dana, Belenos ou Himinbjorg. Fort d’un dernier album inaugurant un projet artistique à la fois vaste, ambitieux et quasi inédit jusque-là, nous avons profité du retour scénique de la bande pour nous entretenir avec son fondateur Richard Loudin (Chant / Guitare) un peu avant son concert au Ferrailleur avec Griffon et Belenos, l’interview étant quant à elle enregistrée en face de la Loire, afin de bien illustrer le propos du groupe sur son dernier effort. Calme et détendu, l’homme s’est montré particulièrement bavard, sincère et surtout très intéressant, nous parlant du dernier-né Seas of Oblivion, mais aussi de la tétralogie élémentaire qui va suivre et enfin du rôle passé et présent de Nydvind dans la scène. Un entretien passionnant d’un groupe passionné…
Bonjour Richard, et merci de m’accorder cet entretien, au cours duquel nous allons aborder divers sujets liés à l’actualité et au passé du groupe. Tout d’abord, votre dernier album, Seas of Oblivion, est sorti il y a plus d’un an maintenant, près de huit ans après Sworn to The Elders, alors que vous annonciez sa sortie entre 2013 et 2014. Qu’est-ce-qui a provoqué un tel retard ?
Salut ! Alors, pour résumer ce qu’il s’est passé après notre précédent album, effectivement nous avions annoncé dès les premiers concerts pour STTE la sortie prochaine du nouvel album, car comme souvent dans Nydvind, la grande majorité de l’album était composée en avance, ce qui nous a fait dire qu’en moins d’un an, nous pourrions aisément finir l’enregistrement et qu’avec un peu de chance, nous allions trouver un label et que tout allait s’enchaîner. Malheureusement, ça ne s’est pas du tout passé comme ça, car personnellement, je suis parti en province pendant deux ans et automatiquement, j’étais beaucoup moins disponible pour répéter sur Paris avec le groupe. Et l’autre principale raison, c’est que nous avons plus ou moins fait une petite pause, Nesh étant alors pas mal occupé avec ses autres groupes. Effectivement, on a commencé à enregistrer les guitares dans notre home studio en 2013 puis la batterie et les voix un peu plus tard. Puis, vers 2014, nous en étions finalement toujours au même point, à savoir celui d’avoir un album entièrement composé mais partiellement enregistré. Bon, il faut aussi avoué qu’entre 2014 et 2017, nous avons eu des difficultés à trouver un label, nous avons envoyé plusieurs candidatures, pour finalement peu de réponses. Et ce n’est que vers mi-2017 où nous avons enfin eu un contact avec Juliette et Malpermesita Records, qui est finalement devenu notre label, et a pu, le temps que tout se prépare, enfin sortir l’album en janvier 2018. Donc il y a eu pas mal d’événements imprévus pour expliquer le délai entre l’annonce faite en 2013 et la sortie en 2018. Après, comme tu le sais c’est plus ou moins le résumé de la carrière de Nydvind et Bran Barr, on aime prendre notre temps, rajoute aussi le fait que pour ma part, ça fait 25 ans que je fais du Metal, donc je suis forcément moins au taquet que dans mes premières années.
En tout cas, vous avez l’air d’être reparti sur un rythme assez conséquent depuis la sortie de l’album. Seas of Oblivion est sorti il y a un an et demi. Avec le recul, comment percevez-vous cet album en tant que tel et au sein de la discographie de Nydvind, et quels ont été les retours de la presse et du public, ancien ou récent ?
Pour répondre à la première partie de ta question, venant de l’intérieur, on est vraiment très satisfait de l’album, la longue durée de gestation et la longue préparation pour arriver à l’album fait que l’on est forcément satisfait. J’ai envie de te dire que si l’on y avait passé autant de temps pour finalement accoucher d’un mauvais album, cela aurait été le pire qui puisse nous arriver. Au niveau artistique, comme tu l’as d’ailleurs souligné dans ta chronique, il y a quelques petites différences par rapport aux autre albums, au début, comme c’est surtout moi qui composais, on était plus orienté vers un Pagan Metal assez froid. Puis sur le deuxième album et le dernier, les autres musiciens ont davantage apporté leur touche personnelle, comme Loic sur Sworn, avec des morceaux plus épiques et travaillés comme « The Goddless », où l’on voit que ce n’est pas mon style de composition. Et il se trouve que ces titres ont énormement plu, de par leur aspect plus long et chiadé. Finalement , Nesh a repris cette voie-là sur Seas of Oblivion, en composant 3 titres, les plus longs de l’album. Donc il y a effectivement un rendu plus épique et travaillé sur le dernier album. Et pour la suite de ta question, personnellement j’ai surtout vu des retours positifs, la presse a beaucoup apprécié notre album et je n’ai pas le souvenir d’avoir vu une mauvaise critique. Mais ce qui fut très étonnant, c’est que beaucoup de personnes nous ont découverts via le dernier album, la moitié des chroniques qu’on a reçues ont été faites par des gens qui nous découvraient. Donc cela nous a vraiment permis de consolider notre fanbase, ceux qui nous suivent depuis des années et dans le même temps de ramener quelques nouvelles têtes, même si notre « rayonnement » reste assez underground et modeste, mais ça ne nous perturbe pas plus que ça. De toute façon, comme tu le sais, être un énorme groupe ne nous a jamais vraiment intéressé, surtout maintenant. Tout ce qui m’intéresse, c’est de me faire plaisir en composant, en sortant des disques et éventuellement, en faisant quelques concerts, ce qui est pour moi un bonus avant tout. Et pour ce qui est l’avis des gens sur notre musique maintenant, si des gens apprécient et comprennent notre musique, cela me fait évidemment plaisir, mais si l’on me descend en flammes, ça ne me fait ni chaud ni froid aujourd’hui.
Parlons maintenant de la musique de Seas of Oblivion. Comme nous l’avons dit plus haut, tout l’album semble construit autour de cet aspect épique et travaillé, avec des morceaux longs qui se développent au fur et à mesure grâce à des motifs et des mélodies simples mais très bien construites et qui s’enchaînent de manière assez fluide. Sachant que l’album traite d’un périple à travers l’océan, penses-tu que cette approche sied mieux à ce que vous voulez raconter ici, au lieu de vos ambiances plus guerrières et hivernales ?
En effet, dès la formation du groupe en 2000, je voulais vraiment mettre en avant le fait de parler du froid, du Nord. Il y a d’ailleurs toujours eu une espèce de malentendu à ce niveau-là, puisque tout le monde pensait qu’on était les Français qui voulaient faire du Viking Metal, alors que comme je l’ai expliqué à de nombreuses reprises, je n’ai jamais voulu faire de Nydvind un groupe viking, même si évidemment, il y a toujours une forme d’ambiguïté quand on traite ce sujet-là. Car oui, sur le premier album, tout ce côté Metal Nordique est pleinement assumé (d’où l‘appellation « Nordic Heathen Metal »), car j’étais très influencé par des groupes comme Bathory ou Satyricon, comme Immortal au niveau des textes : la montagne, la glace, le froid, c’était vraiment mon délire, j’avais envie de parler de ça. Puis, évidemment, tu ne vas pas faire cinq albums sur ça, sauf si justement tu t’appelles Immortal. Et puis, au fil du temps, le groupe a évolué vers un Pagan plus orienté sur des thématiques sur la Nature, c’est vraiment ça qui porte le groupe. Donc on va parler de relation de l’individu avec les éléments, puis on va mettre aussi un peu d’Histoire dans nos textes, sans pour autant rentrer dans le cas de ces groupes qui racontent de réels faits historiques ou mythologiques. Avec Nydvind, on est plutôt dans l’allégorie et dans quelque chose de métaphorique et d’imaginaire.
Effectivement, la Nature est LE thème central de tous vos albums. Et ce concept sera poussé encore plus loin dans le futur, puisque Seas of Oblivion marque le début d’une tétralogie centrée sur les éléments, chaque album traitant d’un élément précis et s’articulant autour d’un style musical différent pour chaque album. Seas of Oblivion est donc l’album de l’eau, et traite du voyage initiatique, d’une exploration maritime vers l’inconnu. En racontant cette histoire, quelles émotions voulez-vous faire ressentir aux auditeurs ? Et sous quel angle abordez-vous l’eau ? Evoquez-vous l’élément en tant que tel ou le décrivez-vous plus comme étant le théâtre de ce voyage initiatique ?
Nous traitons clairement plus de la deuxième option, avec Nesh nous avons réfléchi et on s’est dit que consacrer toute l’écriture des textes d’un album à un élément en tant que tel était très difficile. C’est pourquoi pour Seas of Oblivion, j’ai décidé d’aborder l’eau comme étant l’environnement, le théâtre. Et puis derrière, j’ai commencé à tisser une histoire, c’est venu très spontanément. Mais il fallait que cela soit en accord avec les compositions, car dans Nydvind, les textes sont toujours écrits en fonction de la musique. Par exemple, pour « Skywrath » qui est un morceau plutôt agressif et Black Pagan, le nom de la chanson m’est apparu automatiquement et le texte s’est imposé très naturellement. Après, il a bien sûr fallu que ça s’intègre dans un concept plus global, chaque ambiance musicale, qu’elle soit violente, épique ou planante devait correspondre à des thèmes particuliers, qui devaient tous être englobés dans un concept global. En l’occurrence ici, il s’agit du concept de la conquête maritime et pour le coup, on retrouve là aussi cette ambiguité vis-à-vis des Vikings (j’avoue que vu le passif du groupe, j’imaginais plus mes personnages comme étant plus ou moins affiliés aux Vikings). Mais cela pourrait être tout autre chose : des navigateurs du XVe XVIe comme Vasco de Gama, Magellan ou Christophe Colomb. Donc si l’on reprend l’histoire dans son ensemble, on suit le parcours d’un groupe de navigateurs depuis leur départ de leur contrée d’origine jusqu’à leur arrivée sur une terre lointaine située à l’Ouest. Là aussi, on peut penser à l’expédition d’Erik le Rouge vers le Groenland. J’ai donc à partir de cela brodé jusqu’à créer une suite chronologique entre chaque morceau, avec comme épilogue la découverte d’une nouvelle terre par nos explorateurs.
A la fin donc, vous trouvez la terre. Ce qui m’amène directement à la suite, puisque comme vous l’avez d’ores et déjà annoncé, le prochain album s’appellera Telluria et sera centré sur l’élément tellurique. Peux-tu nous parler plus en détails de ce futur album ? Abordera-t-il l’exploration de la terre découverte sur Seas of Oblivion ou sera-t-il uniquement centré sur l’élément terre en lui-même ?
Ah tiens, un album de spéléologie, ça pourrait être sympa (rires) ! Plus sérieusement, on en a parlé entre nous et on pense avoir trouvé la réponse. Contrairement à Seas, ce ne sera pas un album concept suivant un fil rouge chronologique, toutes les chansons seront déconnectées les unes des autres, ce sera un format textuel classique comme la plupart des groupes de Metal finalement. Chaque chanson aura sa propre histoire, avec pour seul point commun entre elles, celui de parler de la terre. Car la terre, c’est un concept assez vaste finalement, cela peut être une forêt, comme cela peut être le noyau, l’écorce terrestre. Si l’on se réfère à l’étymologie du mot « tellurique », cela signifie les forces magnétiques de la terre, on est donc sur quelque chose de scientifique. Il y aura d’ailleurs plusieurs références, notamment sur un titre, d’ordre scientifique et biologique. C’est vraiment un challenge en tant que parolier, car cela me sort de mes zones de confort, où j’ai longtemps écrit des paroles assez classiques. Là, il y aura une dimension plus empirique, étrange, voire chamanique dans les textes de Telluria. Pour ce qui est des ambiances musicales, ce sera un album beaucoup plus lent et mid-tempo, c’est sûr, sans pour autant rentrer dans la case Doom Metal, je n’aime pas définir Nydvind comme du Doom, car cela renvoie automatiquement à une certaine imagerie et à certains gimmicks musicaux (même si nos sources d’inspiration seront clairement dans ce style-là). Il y aura aussi des références au premier album, notamment un morceau qui s’appellera « Heart of the Woods, part II », en miroir au morceau du premier album du même nom. Ce sera vraiment du Pagan Metal très planant et atmosphérique, les morceaux qu’on a composés avec Nesh vont vraiment dans cette direction-là, des mid-tempos, des grandes nappes, des arpèges , etc …
Personnellement, le projet qui me rend le plus curieux dans cette tétralogie est celui de l’album de l’air, car il s’agira d’un album à 90 % acoustique et Dark Folk, une chose assez inédite dans le paysage Pagan Metal français. En tant que groupe de Metal, quels sont vos rapports avec la musique acoustique, traditionnelle et folk ? En écoutez-vous ?
Moi à titre personnel, je n’en écoute quasiment pas, la personne du groupe à qui tu devrais poser la question, c’est Nesh, car sur cet album de l’air, c’est lui qui se chargera de la majorité de la composition, car il possède quelques influences dans ce style, des groupes comme Tenhi ou Empyrium. Donc c’est le deal que j’ai passé avec lui, il composera la majeure partie de la musique, bien que nous sommes tous d’accord sur la direction acoustique et folk de l’album. Ce ne sera pas vraiment Dark Folk, il n’y aura pas cet aspect sombre, ce sera au contraire très solaire et lumineux, à l’image du peu d’artistes (je n’ai pas vraiment de nom en tête) de musique acoustique que j’écoute personnellement. D’ailleurs, l’album a déjà un titre, il s’appellera « Nu Vind », ce qui veut dire « vent nouveau » en norvégien (ndlr : référence au nom du groupe, qui est un dérivé du mot originel).
Vu ta réponse, je suppose qu’on sera plus sur quelque chose d’intimiste, à base d’instruments à cordes ou à vent ? Pas vraiment dans un délire à la Bran Barr ni vers quelque chose de « pipeau metal »?
Ah non non, pas du tout. On sera vraiment sur ce que tu mentionnes en premier lieu, beaucoup d’instruments à cordes surtout, donc rien à voir avec Bran Barr, et surtout avec ce côté « pipeau metal ». D’ailleurs, à l’époque de Bran Barr, on ne s’est jamais reconnus dans ce délire « pipeau pouet pouet ». Nous étions vraiment inspirés par la musique celtique dans son noble art, beaucoup de nos membres possédaient une forte culture musicale celtique, comme Patrick, le batteur, Loic Courtete ou Hélène, qui était flûtiste dans Aes Dana, tous ces gens avaient une forte culture bretonne et celtique. Du coup, on était forcément sur des mélodies et des airs assez joyeux et gais. Là pour Nydvind, on ne veut pas tomber dans ce côté trop enjoué, et à l’inverse, on ne veut pas non plus tomber dans cet aspect musique trop triste, gothique, où les gens pourraient se dire « j’me taille les veines en écoutant Nydvind ! » On va donc avec Nesh essayer de trouver un compromis entre une musique acoustique qui sera belle, mais sans être trop naïve ou trop joyeuse. Et puis, même si je ne suis pas un spécialiste de la composition en acoustique, je compte bien mettre en avant certaines de mes idées.
Parlons à présent d’une autre facette du groupe, la scène : après plus d’un an sans concert, vous faîtes votre retour scénique ce soir au Ferrailleur avec Griffon et surtout Belenos. On a également appris que Eric et Loic ne seraient pas présents ce soir. Quelle en est la raison ? Et peux-tu présenter les musiciens qui les remplaçent ce soir ?
Aucun problème ! Pour ce qui est de Eric, il nous a demandé de se mettre en retrait pendant quelques mois pour des questions d’agenda. Comme nous avons été prévenus suffisamment à l’avance, on a pu chercher quelqu’un pour répéter avec nous pour les prochains concerts. On a donc rencontré Charlie, qui joue avec nous ce soir, il a un background différent du style de Nydvind, mais il a énormément accroché à ce qu’on faisait, donc c’est super. Quant à Loic, il a tout simplement déménagé en Alsace et ayant certaines responsabilités, il ne pouvait pas assurer les répèts, et donc les concerts à venir. C’est donc Geoffroy, le nouveau guitariste de Azziard, l’autre groupe de Nesh, qui jouera avec nous sur cette date et la suivante.
Le groupe va l’an prochain fêter ses 20 ans d’existence. Mais contrairement à des groupes ayant la même longévité, vous êtes finalement très discrets : le délai entre chaque album est très espacé et vous faîtes très peu de concerts. Pour rester sur l’aspect scénique, pour toi, quels sont les liens et les différences entre l’approche studio et la prestation live ? Laquelle des deux approches (studio ou live) préférez-vous ?
C’est une question très difficile, vraiment. Je peux déjà te dire qu’il y a une énorme différence entre le Nydvind studio et le Nydvind live. Le groupe studio est plus varié, atmosphérique, il y a plein d’ambiances différentes. On est dans une certaine recherche musicale et de sobriété. Alors que le Nydvind sur scène est bien plus brut et efficace. Quand on fait un concert, on va rarement jouer l’un de nos titres à tirroir, on ne peut pas se le permettre en raison de la durée du temps de jeu. Si on jouait une heure / une heure et quart à chaque fois, on pourrait se permettre de jouer des morceaux fleuves de 7 à 10 minutes, ce qui fait qu’on privilégie davantage l’énergie sur scène. Donc je ne peux pas vraiment dire que je préfère l’un ou l’autre, j’apprécie les deux. Après, tout dépend de l’univers et de l’état d’esprit véhiculé par le groupe. Lorsque j’étais dans Bran Barr par exemple, j’adorais la scène, j’arrivais avec ma cotte de mailles et ma corne de 70 cm de long, ça correspondait vraiment à l’univers du groupe donc j’adorais. Dans Nydvind, en tant que guitariste chanteur, il y a déjà plus de pression au niveau technique, il faut être beaucoup plus concentré. Donc s’il faut « choisir », je dirais que dans le cadre de Nydvind, je préfère me concentrer pour faire de beaux albums qu’à tout prix faire des concerts, même si bien sûr faire un bon concert est toujours un vrai plaisir.
Abordons à présent un aspect plus global du groupe, sa place dans la scène Pagan/Black française. Nydvind peut être vu comme l’un des anciens de la scène, l’un de ses précurseurs. Pourtant, j’ai le sentiment que c’est un cercle très fermé, dans le sens où les groupes qui animaient cette scène dans les années 90-2000 sont les mêmes aujourd’hui. Certains sont toujours là à sortir des albums (Belenos, Himinbjorg, Nydvind) , alors que les autres ont plus ou moins disparu (Aes Dana, Bran Barr notamment). Y a-t-il selon toi des groupes actuels à même de reprendre le flambeau une fois que tous les vieux groupes auront périclité ?
Alors ça m’embête un peu, parce que je n’écoute quasiment plus la scène. On revient sur ce que je te disais avant, ça fait 25 ans que je fais du Metal, donc forcément quand tu as beaucoup donné là-dedans, tu perds un petit peu la foi. Tu m’aurais posé cette question il y a 15 ans, je t’aurais sorti des tonnes de groupes, car à l’époque, j’étais très curieux de la scène. Là maintenant, je ne suis plus du tout curieux de la scène, c’est-à-dire que la plupart des groupes qui ouvrent pour nous en festival ou même les groupes étrangers qui sont plus gros que nous, lorsqu’on joue au Cernunnos par exemple, les groupes qui viennent de l’étranger, c’est à peine si je connais leur nom, alors que tout le monde les connaît. Donc les groupes que tu as cités au début de ta question, je les connais et je les apprécie, groupes français ou étrangers, mais la scène française actuelle, je ne la connais plus du tout, même si je sais qu’il y en a beaucoup des jeunes groupes. Quand tu regardes le Cernunnos ou les dates organisées par Battle’s Beer, il y a plein de groupes français qui font du Pagan Black, mais qui restent sur un succès assez underground, ce qui n’est pas du tout une injure ou un jugement de valeur entendons-nous bien. Donc je serais incapable de te dire quels groupes prendront le relais quand Belenos, Himinbjorg et Nydvind disparaîtront.
J’aimerais également connaître ton ressenti sur l’évolution générale de la scène Pagan depuis quelques années déjà : car après l’énorme effet de mode du genre il y a plus de 10 ans, le soufflet est clairement retombé et les groupes estampillés Nuclear Blast qui avait à l’époque un succès de plus en plus important se sont finalement standardisés et ont fini par servir la même recette à chaque album. En revanche, j’ai vraiment l’impression qu’il y a un retour à ce qui faisait l’essence du style dans les années 90, de plus jeunes groupes semblent reprendre le flambeau des Bathory, Cruachan, Primordial ou Kampfar, et le public, bien que moins fédéré autour d’une tendance, se penche aujourd’hui davantage sur ces groupes opérant un retour aux sources ? Quel est ton avis sur la question ?
Oui je suis assez d’accord avec ce que tu dis. Si on doit raconter un peu toute l’histoire, quand on a fondé Bran Barr en 1995 et sorti notre premier album en 2000, il y avait vraiment très peu de groupes Folk ou Pagan sur la scène internationale, il y avait Cruachan un groupe irlandais, qui à l’époque étaient nos références, Primordial bien sûr et toute la scène scandinave, avec Enslaved, Satyricon, Kampfar etc.. Et comme il y avait peu de groupes qui pratiquaient ce style, c’était assez facile d’avoir de la visibilité, on faisait beaucoup de concerts, les gens achetaient encore des Cds, les gens achetaient carrément nos albums directement à la Fnac, donc on vendait vraiment des tonnes d’albums. Et puis, on a quand même pu profiter de cet essor du Pagan, avoir une exposition internationale quand on a sorti les deuxièmes albums de Bran Barr et Nydvind sur un label allemand. On était alors en 2010, et là, la scène Pagan était devenue énorme, avec la fameuse scène dont tu parles qui entre 2008, 2009 et 2010 a vraiment explosé avec les Finntroll, Ensiferum, Korpiklaani, toute la scène finlandaise et surtout la scène allemande : en Allemagne, il y a énormément de groupes de Pagan, à un point que tu n’imagines même pas.
Donc à l’époque où nous avions ce deal avec Trollzhorn, on a vraiment profité de tout cela, on est parti jouer en Allemagne sur des festivals avec beaucoup de groupes allemands comme Equilibrium, Obscurity, etc. Et puis on s’est rendu compte que cette saturation de groupes affectait clairement le niveau général, beaucoup de groupes finissaient noyés dans la masse. Et donc, notre label de l’époque a fini par nous dire : « bon les gars, on va pas pouvoir vous garder car vous ne vendez pas assez » . Ils ont donc rompu le contrat et c’est à cette époque qu’on s’est retrouvé sans label, car nous n’étions pas assez bankable. Puis une fois qu’on avait compris ça, on s’est dit que la scène Pagan était devenue victime de son succès et qu’elle était devenue commerciale. Bon finalement on s’en est plutôt bien remis, même si à l’époque ça nous a un peu mis un coup sur la tête, car on n’avait pas une thune pour enregistrer et produire l’album et c’était très frustrant (cela explique aussi le délai entre Sworn et Seas). Puis finalement avec Nesh, on s’est recentré sur l’essentiel, à savoir faire de la musique pour nous et qui nous plaît avant tout, peu importe que les gens achètent nos Cds ou pas. Voilà, si l’on doit résumer on a connu les débuts, on a quand même profité un peu de l’explosion du style, mais on s’est quand même tenu éloigné des tendances « pipeau metal », à l’instar de Belenos, Primordial ou Kampfar. Ça nous a finalement permis de revenir aux fondamentaux donc tant mieux.
Pour finir, même si tu as dis ne plus être au fait de la scène actuelle, y’a-t-il ces dernières années un album, un groupe, un concert, un artiste, Metal ou d’un autre style de musique, qui t’a malgré tout marqué ?
Pas vraiment, puisque j’ai tendance à me détacher de la musique en tant qu’auditeur, et comme beaucoup de personnes de ma génération, j’ai plutôt tendance à me recentrer sur les anciens groupes, ça fait quelques années que je réécoute mes vieux classiques, donc mes albums de Heavy, de Thrash, de Death, voire de Black. Après, pour parler d’un groupe qui m’a vraiment plu ces dernières années, j’accroche bien à Wolves In The Throne Room et Agalloch, qui est un groupe que je connais depuis longtemps mais que j’ai écouté sur le tard. Je ne sais pas si tu connais, mais il y a aussi Maiden United, le tribute d’Iron Maiden en acoustique, car je suis un grand fan de Maiden, et ce groupe-là arrive à transposer les compos de Maiden dans une version calme et acoustique, et c’est un peu la direction que j’aimerais prendre pour l’album de l’air, qui sait.
L’entretien arrive à son terme, merci pour ton temps et tes réponses : un dernier mot ?
Merci à toi pour ton intérêt et le soutien que tu manifestes envers Nydvind. Ça fait toujours plaisir de rencontrer des gens qui suivent le groupe, surtout pour un groupe comme nous qui ne faisons pas trop de concerts et qui ne sort pas d’album tous les deux ans. Donc merci pour l’interview, et j’en profite pour dire que nous jouerons à Paris en janvier avec Aorlhac et Griffon. En attendant, j’espère que tu apprécieras le concert de ce soir !
Un grand merci à Richard pour sa disponibilité, ses réponses et surtout sa patience, ainsi qu’à Maëlle et Morrigan Asso pour avoir rendu possible cet entretien. Et bien sûr à Nydvind pour l’ensemble de son œuvre.