Pour cette deuxième chronique, j’ai écouté ces derniers temps pas mal d’albums sortis récemment. Difficile de faire un tri car pour que j’ai envie d’écrire, il faut que j’ai des choses à dire et que j’ai envie de les dire. Le dernier Enisum ? Trop linéaire, trop toujours pareil, décevant par rapport à « Arpitanian Lands », on passe. Le dernier Fall Of Rauros ? Pas mal du tout, mais malheureusement il n’y a pas eu de déclic. Le dernier Grima ? Avec la qualité de l’enregistrement j’ai l’impression de louper des choses, même si ça reste un super album, pour moi bien au-dessus des deux autres albums cités au-dessus. Au final ma dernière baffe musicale est le live à Prague de Hans Zimmer, que j’ai pu apprécier pour la première fois au cinéma il y a trois semaines. Je me suis empressé d’acheter l’album dès le lendemain pour me le passer en boucle depuis. Sauf que nous sommes ici sur un webzine de musique extrême, donc malgré le caractère plutôt Metal de certains passages du live (après tout, avec 72 musiciens sur scène, parfois cinq guitaristes à jouer en même temps – dont celui d’Incubus et de The Aristocrats – trois percussionnistes et des cuivres et des choeurs en-veux-tu-en-voilà, il y avait matière à faire du gros, du gras et du grand !), nous passerons sous silence cette machine à goose bumps que sont ces deux heures de show. Par contre ils ont foiré le passage du Roi Lion. Ils se sont rattrapés, mais c’était moins une. Bref. Au cours donc de mes pérégrinations musicales et metalleuses lorsque mes oreilles n’étaient pas occupées par Mr Zimmer, j’ai eu enfin le déclic qu’il me fallait. Un album intéressant, d’un groupe intéressant. Une petite pépite, pas parfaite mais très encourageante, encore inconnue du grand public. Aujourd’hui, nous allons écouter l’album « The Harlot Star » du groupe Frost Giant.
Frost Giant
The Harlot Star
Frost Giant est un groupe américain qui se définit comme de l’Epic Folk Metal, avec des influences diverses et variées piochant aussi bien dans le Death Melodic, le Hardcore et le Progressif. Créé en 2005 à Philadelphie par Matti Frost, il patientera jusqu’en 2010 pour voir sa première démo dévoilée au grand jour. Deux EPs et une compilation plus tard, c’est en ce tout début d’année 2018 qu’il sort son premier album: « The Harlot Star », chez Transcending Records, enregistré au Solar Sound Studios. Et c’est a peu près toutes les informations que j’ai réussi à glaner sur le net. J’aurais pu rajouter un petit mot sur leur cover de « Someone Like You » d’Adele il y a six ans, mais non. Non non, je n’en parlerai pas. Notons aussi leur énorme progression au niveau de la production. Il y a un très large fossé à ce niveau entre les deux EPs qu’ils ont sortis respectivement en 2012 et 2014 et « The Harlot Star », n’hésitez pas à aller comparer.
Ce groupe est un projet très personnel pour Matti Frost. Depuis 2005 et jusqu’en 2011 c’était en gros un one-man band. Matti était seul aux commandes, et faisait appel à quelques occasions à son ami Jonathan Smith à la lead guitar. Et même, avant 2011, Frost Giant ne s’était jamais produit sur scène. « The Harlot Star » est une histoire débutée en 2010, il y a donc huit ans, et n’était destiné qu’à une sortie digitale sur Bandcamp à la fin 2016. Au final Matti a décidé de sortir les grands moyens, et d’enregistrer en studio avec d’autres musiciens, pour ainsi accoucher de la version actuelle de Frost Giant, et de la version finale de « The Harlot Star ».
Cet album devient encore plus intime pour Matti Frost lorsqu’il raconte que « The Harlot Star » est inspiré de son propre chemin spirituel. A travers sa musique et ses paroles, il nous narre l’histoire d’un jeune Chrétien du XVIème siècle se préparant à devenir moine, alors qu’il se pose beaucoup de questions sur sa foi. Remettant en doute certaines paroles et doctrines de l’Eglise, il se voit pourchassé et persécuté jusqu’à décider de partir vers les pays du Nord pour renouer avec ses ancêtres Païens. Une fois arrivé, il se rend compte que les peuplades Vikings ont été converties au monothéisme occidental. Il se sent seul, sans espoir, abandonné. C’est au plus sombre de ses heures, alors qu’il était prêt à se laisser emporter par la mort, qu’il rencontre la femme qui va changer sa vie. Il tombe amoureux, fonde une famille, loin de l’Eglise et au final de toutes formes de spiritualités organisées, poly comme monothéistes. Juste en vivant au jour-le-jour, quarante années durant. Puis sa femme et lui décèdent à peu de temps près, heureux d’avoir menés une vie simple entourés des leurs et loin des absurdités religieuses. Le texte fonctionne donc comme un album concept autour de la jeunesse mouvementée, puis de la vie tranquille de se personnage sur lequel Matti se projette.
Passoooons maintenant à la partie écoute, celle au final qui nous intéresse le plus. L’album est constitué de onze pistes, dont pas moins de cinq pistes instrumentales/acoustiques ! Un album à deux vitesses, où entre chaque piste Metal on retrouve une petite parenthèse mélodique, tantôt à la guitare acoustique tantôt à la voix. On pourrait croire que ça dessert sa dynamique générale, mais ça le fait respirer de telle façon à ce que l’album passe sans qu’on s’en rende vraiment compte. J’ai du écouter le disque une bonne dizaine de fois pour écrire cette chronique, je ne me suis pas ennuyé à un seul moment. On commence avec le titre éponyme de l’album qui sert d’introduction, constitué de vagues et de petites notes à la guitare électrique en son clair noyées dans la reverb. De légers accords un peu plus loin rappelant le son typique d’Alcest, nous voici prêts à aborder « Forgive Me Not ». Le morceau est calibré pour nous rentrer dans la tête. Les couplets rappellent Ensiferum, les refrains Wintersun, la structure est relativement simple, le solo est efficace, et la deuxième partie du morceau est ultra fédératrice. C’est simple, c’est beau. Seule chose que je ne m’explique pas, à 3:19, on entend très nettement un arrêt brutal pendant une croche de la guitare de gauche. J’ai pas compris.
Troisième piste. Donc si vous avez bien lu le paragraphe d’avant, vous aurez compris qu’il s’agit du premier interlude instrumentale. On part d’un thème à la guitare folk, en pentatonique mineure avec une petite blue note qui va bien (mais si, la b5, tmtc). L’harmonie derrière est jouée par des violons et des guitares classiques. Harmonisation à l’octave inférieure par une autre guitare folk, puis c’est partit pour la piste quatre: « Curse of Doubt ». Encore une fois c’est vraiment efficace et c’est un bonheur au casque. Ici c’est un courant très Melo-Death qui prend le dessus, très Insomnium. Dommage, le morceau ne dure que trois minutes seize, donc à peine le temps de se mettre bien dedans que c’est déjà terminé… Mais ne laissons pas la tristesse prendre le dessus, laissons plutôt le CD défiler et enchaînons avec le superbe « An Exile In Storm ». Deuxième interlude instrumentale, premier avec des choeurs. Deux voix, quatre phrases, un rythme lent et une solennité émouvante se met en place. Au bout des quatre phrases une troisième voix harmonise les deux premières. Puis quatre phrases plus loin une autre arrive. Beaucoup de reverb, un arrière plan emprunt de nature, une légère percussion faite de claquements de doigts et vous avez une piste idéale, une vraie pause, un moment de paix intérieure.
« Prisoners of the Past » démarre avec une pompe énergique au piano, qui est suivie par un accordéon et… Un kazoo ! Et ouais ! Surprise surprenante étonnante ne dure qu’un temps, et nous voila plongé encore une fois dans un univers à la croisée des mondes musicaux d’Ensiferum et de Korpiklaani. C’est sans doute le plus gros soucis (s’il en est vraiment un) que j’ai avec cet album. En fait, j’ai l’impression que Frost Giant est un groupe de fans. C’est un peu comme si ils s’étaient réunis un soir, qu’il avaient mis sur papier « je veux un moment Ensiferum, un moment Devin Townsend, un moment NYHC, un moment si, un moment ça… ». Ils ont composé trois minutes par groupe, et ça leur a fait un album. C’est un super album, mais on ne ressent pas vraiment une personnalité ressortir de leur musique. Ou plutôt si, on en ressent trop. Ils n’y a pas de patte particulière propre à eux qui nous les fera reconnaitre directement. On se demandera plutôt d’abord si ce n’est pas telle ou telle de leurs inspirations, puis si ce n’est pas ça, on se dira « ah mais oui, c’est Frost Giant ». Je me rends compte que juste avec ces quelques mots je leur dresse un portrait quelque peu péjoratif et j’en suis désolé, car j’aime vraiment beaucoup « The Harlot Star ». Et que malgré ça, il reste bien fait, super efficace et fédérateur.
On va rusher maintenant la fin de l’album parce que la chronique est déjà bien longue. Sur les cinq titres restants, les pistes « Ashes Among The Earth » et l’outro « Perpetuum at Aeterrnum » sont les dernières acoustiques. Toujours des moments bien posés, détendus, en opposition mais complémentaires des trois pistes entre les deux. « Of Clarity And Regret » est assez symptomatique du soucis que j’évoquais plus haut dans le sens où il en est parfaitement représentatif. Le morceau est divisé en deux parties égales: la première moitié est Hardcore, la seconde est du Devin Townsend-like. Une fois qu’on l’entend, on ne peut plus s’en défaire. « Monuments to Nothing » finit sur des thèmes victorieux et solennels. Tout comme « Forgive Me Not », c’est un morceau composé pour être connu et reconnu par son public. Je m’imagine très bien en chanter les mélodies à pleins poumons le poing levé et le coeur reconnaissant de ce qu’ils ont fait pour moi en écrivant cet album.
En conclusion, « The Harlot Star » de Frost Giant est ma meilleure découverte depuis bien longtemps. Il y a énormément de travail et de coeur dedans. Des passages me donnent des frissons à chaque écoute, et malgré son gros soucis de fan-service (pour moi hein, c’est très subjectif, vous serez peut-être d’un tout autre avis dès après votre première écoute), il finira sans aucun doute dans ma bibliothèque. Ne perdons pas de vue que ce ne sont pas des professionnels, ils sont à à peine plus de 2 000 « likes » sur Facebook (c’est ce que je trouve de plus probant comme indicateur de popularité, déso), je trouve ça incroyable de sortir un album de cette qualité à leur niveau. Rien ne sonne cheap, c’est fait avec goût, avec coeur, avec talent.
Lailoken
Note : 8,5/10
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