Pour sa cinquante-deuxième édition, le Festival Interceltique de Lorient mettait l’Irlande à l’honneur. Vu qu’il s’agit ni plus ni moins de mon pays préféré au monde, je me suis sentie obligée de retourner en terres morbihannaises cette année. Une fois encore, le temps de mon séjour à Lorient, je suis hébergée sur la charmante péniche hollandaise Korriganez – Au Fil de l’Eau, amarrée dans le port de plaisance. J’arrive dans le centre-ville vendredi dernier dans l’après-midi, les festivités commencent tout juste et dureront jusqu’au 13 août. Alors que je n’avais pas encore déposé mes affaires au bateau, je me sens attirée par le son des cornemuses aux abord du Palais des Congrès.
Maintenant libérée de mon sac à dos, je peux enfin profiter pleinement du festival. Sur les coups de 18h, je me dirige vers la Place des Pays Celtes, où l’ensemble irlandais New Ross & District Pipe Band donnait le final de son défilé. Il est temps ensuite de découvrir sur la scène de la Place Pure Blarney, quintet originaire de Belfast. Le groupe n’a pas tardé à piquer ma curiosité car celui-ci reprenait des chansons traditionnelles et contemporaines des répertoires irlandais et écossais dans une version rock/folk trad. J’ai entre autres reconnu « Star of the County Down », « Ride On », la gigue irlandaise jouée dans Titanic… Les Irlandais interprétaient également des instrumentaux, comme un morceau doux écossais. Les différents instruments traditionnels tels que le bouzouki, les whistles et la cornemuse s’associent parfaitement au rythme de la batterie et de la basse. Le groupe clôturera son set sur le classique irlandais « Dirty Old Town ».
Partons ensuite à la rencontre de l’artiste galloise Mari Mathias. Accompagnée d’un guitariste, d’un bassiste et d’un batteur, la demoiselle chante dans sa langue maternelle qu’est le gallois une musique pop/folk empreinte de douceur et de poésie. S’inspirant de la nature, des paysages et des traditions de sa contrée, Mari s’accompagne de sa guitare acoustique et revisite des airs traditionnels gallois. Un moment apaisant et une deuxième bonne découverte sur ce festival pour ma part.
SETLIST : Adre / Annwn / Uyn y fan fach / March Glâs / Cân-y-Melinydd / Pais Dinogad / Ty bach twt / Amddifadedd
Après m’être délectée d’une bonne galette complète sur le port, j’ai passé le reste de la soirée au Kleub. Ma motivation première était d’y revoir Cúig, mais j’arrive sur place un peu avant, au cours du set de Brieg Guerveno, que je découvre complètement. Le chanteur et guitariste, originaire de Saint-Brieuc, est accompagné de deux violoncellistes, d’une chanteuse, d’un claviériste et d’un guitariste. Délivrant ses textes en breton, le musicien a progressivement délaissé son rock torturé pour se diriger sur une musique plus folk, mais toujours sombre, qui n’est pas sans rappeler l’univers de Sigur Ros et Ulver. Si je devais comparer à un groupe qui m’est plus familier, je décrirais la musique de Brieg comme un rock progressif/folk éthéré à la manière de Airbag.
Il est 23h30, la fatigue commence à me gagner, mais je tiens le coup car je tiens absolument à revoir mes chouchous irlandais. L’accordéoniste Eoin Murphy manque à l’appel, mais l’on peut compter sur la présence de Ruairí Stewart à la guitare acoustique, Miceál Mullen au banjo et à la mandoline, Rónán Stewart au violon et aux uilleann pipes, et Cathal Murphy aux percussions et à la guitare.
Les morceaux sont majoritairement instrumentaux et dansants, mais Rónán et Cathal poussent parfois la chansonnette, notamment sur la ballade « Carry On ». Le quartet distille une musique neo-folk/trad entraînante et instaure une ambiance festive, digne de celle que l’on pourrait retrouver dans un pub irlandais ! En excellent frontman, Micéal sollicite souvent le public pour danser, crier, sauter, taper des mains, chanter… J’étais lessivée à la fin de ce concert qui a tout de même duré une heure et demie, mais j’ai passé un super moment !
Le lendemain matin (samedi 5 août), le beau temps n’était pas au rendez-vous, j’ai donc pris mon temps pour me préparer au bateau et pour rester à l’abri jusqu’à ce que le soleil revienne. Je me rends vers midi sur la Place des Pays Celtes, où les plus Écossais des Néo-Zélandais du Auckland Pipe Band faisaient halte lors de leur défilé. Le Pipe Band a achevé son parcours au Jardin des Arts et des Luthiers.
Je retourne ensuite sur la Place des Pays Celtes pour assister à une animation donnée par le Scot-Ceilidh Danses Ann Oriant. L’ensemble de danseurs et de musiciens (accordéon, cornemuses et bohrán) proposent au public de participer à l’animation consistant à apprendre les pas des danses écossaises appelées « ceilidh ». Seront dansées notamment une valse et une polka « made-in Scotland ». Un souci technique a bien failli casser le rythme, mais les musiciens étaient prêts à chanter l’air de la musique en cas d’extrême nécessité.
A 15h30, les Gallois de Only Boys Aloud se produisaient sur la scène de la Place des Pays Celtes. J’avais découvert cette chorale composée uniquement de jeunes garçons l’an dernier au festival, et leur prestation lors du spectacle « Horizons Celtiques » m’avait profondément marquée. Dirigés par un chef de chœur, les jeunes chanteurs proposent un répertoire très varié et toujours avec beaucoup d’intensité, de la chanson spirituelle américaine à la chanson africaine, en passant par une chanson pop du nom de « Try Again » composée par des membres du chœur. Pour le final, les garçons ont interprété l’hymne non officiel gallois.
Après la session irlandaise donnée par plusieurs musiciens sous la tente de l’Irlande, je m’octroie un apéro avec ma collègue Heron Maiden au Village Celte. L’occasion de goûter la bière spécialement brassée pour le festival. J’enchaîne avec la pause crêpe, avant de me diriger vers le fameux stade du Moustoir pour l’un des événements incontournables du festival : le spectacle « Horizons Celtiques », dont c’est la première représentation de cette 52ème édition. La grande nouveauté de ce spectacle, c’est la fabrication des Célestes, deux marionnettes lumineuses de neuf mètres ! Jusqu’au dernier moment, nous craignions de ne pas les voir, car des vents violents étaient annoncés dans la soirée. Finalement, les deux personnages géants ont fait leur apparition et ont servi de fil conducteur dans ce voyage de deux heures et demie à travers les différentes nations celtes.
Le bagad vainqueur du concours 1ère catégorie est chargé d’ouvrir la marche. Les résultats ont été annoncés seulement vingt minutes plus tôt, et c’est donc le bagad Cap Caval originaire de Plomeur qui a été désigné bagad champion de Bretagne.
Les marionnettes Célestes présentent le pays mis à l’honneur cette année : l’Irlande. Entre musique et danse avec Planxty O’ Rourke, Rinceoirí Cois Laoi et les pipe bands Queensland Irish Association Pipe Band (Australiens issus de la diaspora irlandaise) et New Ross & District PB, et chant a cappella avec Màire Ni Choilm, les différents artistes représentent fièrement la verte Eire.
Nous partons ensuite vers le sud de l’Europe, entre mer et montagne, dans la région espagnole des Asturies. Tandis que les gaïtas de la banda de Castrillón résonnent dans le stade, les danses du Grupo de baile tradicional Fitoria apportent couleurs et gaieté.
Nous repartons vers le nord, direction l’île de Man, territoire britannique situé en pleine mer d’Irlande, avec la troupe de danse Skeddan Jiarg, dont le nom signifie « Hareng rouge » en mannois.
Retour dans les terres britanniques, au Pays de Galles, contrée du chant, de la harpe et du dragon. Les chanteurs de Only Boys Aloud ont une fois de plus fait sensation, c’était tellement épique que j’en ai eu la chair de poule et les larmes aux yeux ! Meinir Olwen a par la suite joué en solo de la triple harpe galloise.
L’Espagne a un héritage plus celte qu’on ne le croit. Ce ne sont pas les Galiciens qui nous diront le contraire ! Surnommée le Finistère du sud de l’Europe, la Galice est non seulement réputée mondialement pour la cité de pèlerinage Saint-Jacques-de-Compostelle, mais aussi pour ses bandas de gaïtas, tout comme en Asturies. Les deux bandas Queiroa et Sementeira accompagnent les danses du grupo de baile A Ponte Vella.
A l’extrémité sud-ouest de la Grande-Bretagne se trouve une petite nation celte, entre la Bretagne et le Pays de Galles. On dit que le comté des Cornouailles est le berceau des légendes arthuriennes et de l’histoire de Tristan et Yseult. Le groupe Kekezza, dont le nom se traduit par « bruyère » en cornique, fait vivre la culture de sa région à travers des danses, des musiques et des chants traditionnels. Les danseuses portent les couleurs de la bruyère, symbole des Cornouailles, sur leurs costumes, basés sur la tenue de travail du XIXème siècle. Ces tenues comprennent le port de la coiffe emblématique appelée « gogh », spécifique de la zone minière de Redruth d’où le groupe est originaire.
La Bretagne fête cette année les cent ans du Gwenn Ha Du, le drapeau breton. Ce samedi 5 août, le bagad Elven et le cercle Brizeux ont été désignés pour représenter la région. Lors de leur prestation, le public a illuminé les gradins du stade avec les lumières de téléphone.
Plus tôt dans la soirée, le Queensland Irish Association Pipe Band nous a prouvé que la diaspora irlandaise s’est installée dans les coins les plus reculés du globe. D’autres groupes comme The Glenbrae Celtic Dancers et The City of Melbourne Highland PB, respectivement originaires de Nouvelle-Zélande et d’Australie, ont tenu à préserver et à faire vivre leurs racines irlandaises et écossaises.
Le voyage prend fin dans les Highlands. Le Auckland and District Pipe Band et le Interceltic Scottish Pipe Band entament au son de leurs cornemuses l’air du fameux « Amazing Grace ». Pour le final, tous les artistes des différentes troupes se sont réunis sur la pelouse du stade.
Le deuxième rendez-vous incontournable du festival avait lieu ce dimanche 6 août. A partir de 9h30, de nombreuses troupes défilaient en partance de la gare de Lorient, redescendaient les rues du centre-ville pour finir leur marche au Moustoir. J’arrive juste à temps pour le final du défilé au stade, sur les coups de 10h.
Pas moins de soixante-quatorze bagadoù, cercles, bandas, pipe bands et collectifs de musiciens et de danseurs ont foulé la pelouse du stade ce matin, soit environ trois mille artistes venus de toutes les nations celtes. Je ne suis pas restée jusqu’au bout car du retard a été pris et je devais manger avant une promenade en bateau prévue en début d’après-midi. J’ai néanmoins assisté à une bonne partie du défilé, et sans énumérer tous les groupes participants, certains m’ont plus particulièrement marquée.
La marche s’ouvre sur la présentation des drapeaux des nations celtes, avant de laisser place au fameux bagad de Lann Bihoué. Outre les troupes venues d’Irlande, d’Ecosse, d’Australie et de Nouvelle-Zélande, je retiendrai surtout le cercle Quic-en-Groigne originaire de Saint-Malo, avec un des chiens qui garde l’entrée de la ville fortifiée ; le bagad Elven ; et les troupes dans lesquelles il y avait des enfants, comme Gweneda et les enfants du Sud-Vannetais, Soulaira et les enfants de Haute-Bretagne… Il faut l’avouer, voir ces petits bouts de choux danser en tenue traditionnelle, c’était vraiment mignon. Certaines de ces troupes défilaient avec des grandes poupées elles aussi vêtues de vêtements traditionnels. J’ai quitté le stade après le passage de The Glenbrae Celtic dancers.
Après la balade en bateau, je reviens sur la Place des Pays Celtes pour assister au concert donné par Boghnid, collectif de musiciens et de danseurs venus de l’île de Man. On peut compter plusieurs chanteuses/flûtistes, un chanteur/violoniste, une guitariste et un accordéoniste. Une des chanteuses et le chanteur animaient par moments le concert en faisant des démonstrations de danses, en solo ou en couple. Après une gigue à l’accordéon, le collectif nous a d’ailleurs fait participer en nous montrant les pas d’une danse très simple, puisqu’on l’apprend aux enfants sur l’île de Man pour qu’ils ne fassent pas de bêtises. En manxois, le titre de la chanson se traduit justement par « Ne fais pas ça ». Pour le dernier morceau, le chanteur a dansé, avec un chapeau champignon sur la tête.
J’arrive déjà à ma dernière soirée aux Interceltiques. Après manger, je me rends au Kleub et j’y retrouve ma collègue Heron Maiden. Je découvre totalement Mec Lir qui était en train de jouer au moment de mon arrivée. J’étais trop loin de la scène pour m’apercevoir que trois membres du quartet ne m’étaient pas inconnus, car même si le groupe est officiellement originaire de l’île de Man, on retrouve les Écossais Manx Tomas Callister, virtuose du violon, et Manx Adam Rhodes au bouzouki, tous deux membres d’Ímar, et Greg Barry à la batterie, également dans Elephant Sessions. Le groupe compte également un claviériste, David Kilgallon, également dans Neear Nesañ.
Mené par les mélodies endiablées du violon, Mec Lir associe les airs traditionnels à des rythmes electro. Il faudra absolument que je creuse davantage la discographie du groupe, ce fut une très bonne découverte, j’ai vraiment passé un très bon moment !
Place à Mànran, formation écossaise que j’avais très envie de voir depuis un moment. Avec Heron Maiden, nous avons réussi à nous rapprocher jusqu’au premier rang pour profiter comme il se doit du concert.
Sur des textes chantés tantôt en anglais, tantôt en gaélique, Mànran délivre une musique folk celtique à l’énergie rock débordante, où les instruments traditionnels et modernes s’associent en parfaite harmonie. Sur certains morceaux, la chanteuse Kim Carnie, récemment arrivée au sein du groupe, se joint au chanteur principal Ewen Henderson, également au violon et à la cornemuse. Le groupe compte cinq autres musiciens : Gary Innes à l’accordéon, Ryan Murphy aux uilleann pipes et aux flûtes, Mark Scobbie à la batterie, Aidan Moodie à la guitare, et Marcus Cordock à la basse.
Le septette a vraiment mis le feu sur scène, à tel point que le public n’a pas pu résister à l’envie de danser et de taper dans les mains tout le long du concert. J’étais contente d’avoir pu récupérer la setlist à la fin de la prestation, et j’en garderai un très bon souvenir !
SETLIST : Ailean / Oran Na Cloiche / The Loop / Lahinch / Alpha / Briogais / Parallels / MSR / Black Tower / Thugainn / Crow Flies / Crossroads / Speybay Switch / Puirt Ùrar / Chasing Daylight / Puirt
Le lundi 7 au matin, avant de repartir vers de nouvelles aventures, j’ai profité une dernière fois des concerts et animations sur la Place des Pays Celtes. Je n’ai pas l’impression que les noms des groupes correspondaient à ceux notés sur le programme. Les membres du groupe d’ouverture étaient principalement originaires du Connemara, mais d’autres viennent aussi de Belfast, et même de Manchester.
On peut compter sur scène deux accordéons et un concertina, un bodhrán, un banjo, des uilleann pipes, un violon, quatre flûtes et une harpe. Une professeure de gaélique irlandais accompagne les musiciens. Après un premier morceau en groupe, la formation nous apprend justement à chanter en gaélique.
Suite à un solo de harpe, le groupe interprète une mazurka. Sur le dernier morceau, un des accordéonistes a fait une démonstration de claquettes irlandaises.
A peine le concert terminé, le bagad de Lann Bihoué terminait son défilé sur la Place des Pays Celtes. J’ai ensuite retrouvé Heron Maiden et avant de partir, nous avons assisté à une animation de danses écossaises, auxquelles le public pouvait participer.
Si je devais dresser un bilan de mes deuxièmes Interceltiques, je dirais que la qualité de la programmation est toujours au rendez-vous, mais si je dois revenir au festival à l’avenir, je pense que ce sera en semaine, car il y a beaucoup trop de monde le week-end et c’est bien moins praticable. Kenavo An Oriant !