Fée Verte :
Sortir de temps à autre des sentiers battus peut être une bonne chose. En ce 8 mars 2019, c’est une première pour moi, puisque je n’avais jamais fait de concert de synthwave auparavant. Et quoi de mieux pour mon baptême que de commencer avec l’une des formations les plus renommées du genre qu’est Dance With the Dead ! Pour être franche, j’ai fait le déplacement avant tout pour accompagner mon cher et tendre, passionné de musique électronique. Mais rassurez-vous, je n’y suis pas allée sous la torture, loin de là ! Ma moitié m’ayant bien initiée aux musiques électroniques en tout genre, j’avais même plutôt hâte de voir ce que pouvait donner la synthwave en live.
Le concert avait lieu au O’Sullivans Backstage By The Mill à Paris, et nous arrivons sur place tout juste pour l’ouverture des portes sur les coups de 19h. La date affichait complet depuis une semaine et demi (enfin pas tout à fait, j’apprendrai une fois dans la salle qu’une poignée de tickets était finalement disponible au guichet), et ça se voyait : beaucoup de monde fait la queue dans le bar attenant à la salle de concerts, mais finalement, une fois dedans, nous n’avons eu aucune difficulté à nous placer au premier rang. Histoire de patienter, nous allons chercher nos pintes, et c’est trois-quarts d’heure plus tard que le concert commence.
Nous accueillons tout d’abord Lebrock, duo britannique formé de Shaun Phillips au chant et de Michael Meadows à la guitare, aux claviers et à la programmation. La formation décrit sa synthwave comme une « expérience rétro cinématique ». Dès le morceau d’introduction, je constate que l’aspect visuel a son importance dans l’univers « Synthwave », dans la mesure où le nom du groupe est projeté sur un écran derrière la table de mixage. Les jeux de lumière sont également inhabituels pour la metalleuse que je suis, avec des tons souvent roses, violets et bleutés pour renforcer le côté rétro.
Le chanteur et le guitariste arrivent ensuite sur scène, et dès que Shaun s’est mis à chanter, j’avoue avoir eu un mouvement de recul à l’écoute de cette voix assez « Heavy Metal ». Il est vrai que n’étant pas habituée à la « Vocal Synthwave », cela m’a légèrement décontenancée au début, puis finalement, petit à petit, je m’y suis habituée. En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est que Shaun est très énergique et communicatif avec le public, de plus en plus réceptif au fur et à mesure que passe le set, en tapant dans les mains.
Comme tout groupe de synthwave qui se respecte, Lebrock ravive la petite étincelle de nostalgie qui sommeille en nous. Ce qui est vraiment étonnant, c’est de voir à quel point ce style musical peut être à la fois futuriste et rétro. Certains passages faisaient même tellement « Rock 80’s » que cela me faisait penser à des groupes comme Toto.
Par moments, Michael se mettait aux claviers, et Shaun prenait le relais. Même si la plupart des morceaux qui constituaient le set étaient chantés, il y en a eu un totalement instrumental. Finalement, la demi-heure de set est passée bien vite, Lebrock fut une bonne découverte !
Vingt minutes plus tard, il est temps d’accueillir la tête d’affiche tant attendue. Cette fois-ci, en voyant la typographie rouge dégoulinante du nom du groupe projetée à l’écran, on sent que Dance With the Dead s’inspire en partie de films d’horreur, et cela se ressent également dans le morceau d’introduction.
La formation américaine formée des guitaristes Tony Kim et Justin Pointer entre en scène sous les acclamations du public. Chaque membre du groupe a son estrade sur laquelle jouer. Souviens-toi l’été dernier, le duo californien sortait son nouvel album Loved To Death. C’est donc en toute logique que celui-ci nous le présente ce soir. Et rien qu’avec le premier morceau du set extrait de ce dernier album, intitulé « Go ! », on constate immédiatement que la synthwave du groupe est bien plus violente que celle de Lebrock. J’en veux pour preuve les pogos qui n’ont pas mis beaucoup de temps à se déclencher. Les mélodies sont si entêtantes, dans le bon sens du terme, que le public chante allègrement en chœur. Bien que le groupe ne s’adresse jamais directement à celui-ci, il est tout de même très énergique et le sollicite régulièrement. De temps en temps, les deux musiciens étaient aux claviers et aux effets sonores.
En plus de l’influence des films d’horreur précédemment évoquée, on sent que le groupe s’inspire de la musique « Rock/Metal » et des jeux vidéo. Par exemple, tandis que la fin de « Thrasher » sonnait comme un « Game Over », un passage m’a fait penser à la musique de L’Exorciste. Certains passages étaient également inspirés d’autres types de musiques électroniques, comme par exemple l’un d’eux qui sonnait davantage « Dubstep ».
L’aspect visuel était plus important chez Dance With the Dead que chez Lebrock. Mon regard était tantôt porté sur les musiciens, tantôt sur l’écran où étaient projetées entre autres les très belles pochettes d’album du groupe.
L’un des moments forts du set fut sans conteste la reprise du classique de Metallica, « Master of Puppets ». C’est vraiment à partir de ce moment-là que j’ai vu mon cher et tendre ainsi que tout le reste du public s’enjailler. Un peu plus tard, tandis que Tony alternait entre claviers et table de mixage, celui-ci a pris son téléphone pour filmer la salle.
On sent la fin du set approcher lentement mais sûrement. Le groupe quitte la scène, et pendant que le public réclame son retour, un micro est installé sur le devant de la scène. Le groupe revient enfin, accompagné des deux membres de Lebrock, pour l’un des rares morceaux chantés du set qui sera une reprise de « Kickstart my Heart » par Mötley Crüe. Shaun était même tellement à fond qu’il a failli se casser la figure. Le set prend fin avec « Become Wrath », également issu de Loved To Death, et au bout d’une heure, le concert est bel et bien fini. Encore une fois, je n’aurai pas vu le temps passer !
Merci à Garmonbozia pour leur confiance, l’accréditation et cette excellente soirée, on sortira à nouveau des sentiers battus avec le concert de Samsara Blues Experiment le mois prochain !
Ced Damaged :
19H, Boulevard de Clichy. Le crépuscule est sur le point d’envelopper la capitale en emprisonnant les dernières lueurs du soleil sous un manteau opaque. Habitués et gens de passage se massent dans les nombreux bars de la rue, attirés comme des papillons de nuit vers les néons clinquants qui illuminent la place. Nous apercevons enfin l’échoppe qui nous intéresse, nichée à deux pas de la Machine du Moulin Rouge, le O’Sullivans. C’est ce soir que se joue à guichet fermé la date parisienne de Dance With the Dead, duo déjanté de synthwave endiablée formant avec Perturbator et Carpenter Brut la grande trinité de ce style à part, sorte de mélange entre musique rétro et futuriste, harmonie chaotique à la symbiose réussie. Ce n’est qu’après avoir affronté une queue particulièrement compacte (titre) que nous arrivons dans la salle où le show va se dérouler, l’occasion de se jeter un petit godet en attendant tranquillement la première partie. Il s’agit de Lebrock, groupe anglais dont je n’ai pas vraiment entendu parler avant cette affiche. C’est donc avec une totale objectivité que j’aborde cette partie du concert lorsque les lumières s’éteignent enfin.
Dès les premières notes, une bonne ambiance se crée. Leur style aux tonalités 80’s est en effet plutôt rafraîchissant. Mon seul bémol pour le moment : la voix du chanteur, aux sonorités heavy, est quand même surprenante. N’étant pas habitué au vocal dans les morceaux de synthwave que j’écoute, il m’a fallu un léger moment avant de m’y faire, car j’avais peur que l’ensemble fasse un peu trop kitsch. On s’y habitue néanmoins assez vite, le temps de se chauffer et de rentrer dans son univers assez particulier. Etant un grand amateur de séries B ou autres films cultes des années 80, j’ai réussi à faire un énorme bond dans le passé et à me laisser porter par des mélodies qu’on croirait sorties d’un Jukebox ou d’une station de radio de GTA Vice City. Les visuels projetés sur l’écran vont d’ailleurs dans ce sens, en affichant par exemple le nom du groupe en pixels pour imiter les bornes d’arcade de l’époque. Alternant guitare et synthés, les deux membres du groupe s’en sortent assez admirablement, transmettant leur passion du vintage avec générosité et énergie. Le chanteur est d’ailleurs trempé dès le deuxième morceau, et sa ferveur devient communicative, tant il fait l’effort d’être toujours en mouvement et de communiquer avec le public. Le tour de force que leurs sons réussissent à accomplir, c’est de rendre les gens nostalgiques d’une époque qu’ils n’ont parfois même pas connue. Un état de fait qui fonctionne pour pas mal de formations dans ce style, notamment pour les artistes tels que VHS Dreams, qui naviguent entre synthpop et vaporwave. La petite surprise du set : un interlude entièrement instrumental et bien planant entre deux morceaux chantés.
Un quart d’heure après, les deux diablotins de Dance With the Dead font leur apparition avec fracas, en balançant sans vaseline l’intro de leur dernier album Loved to Death. Intitulé sobrement « Go! », ce premier morceau très efficace met le public déjà bien bouillant sur des starting blocks, au commencement d’une course folle entre démons et merveilles. On change totalement d’ambiance, deux fois plus rapide, deux fois plus sombre, «bigger and louder» comme ils disent aux States, pays de formation du groupe. C’est donc parti pour une heure de symphonie hybride, un rituel explosif convoquant les esprits du metal et ceux de l’electro pour les faire copuler dans une orgie macabre.
La formation enchaîne avec « Thrasher », qu’on pourrait imaginer comme un hommage au bon vieux hard rock dans années 80, avec des riffs endiablés posés sur un beat bien lancinant. L’utilisation de véritables instruments est vraiment un plus et fait ressortir les deux styles musicaux sans que l’un ne nuise à l’autre.
J’entends les première notes d’« Andromeda », l’un de mes morceaux préférés, ce qui me fait l’effet d’une lame acérée élargissant mon sourire jusqu’en haut des joues. Une véritable messe noire sous drogue dure au synthé plus envoûtant qu’un sortilège.
Le groupe offrira un véritable mix de tous ses albums durant la soirée, une aubaine, car selon moi rien n’est à jeter dans ce qu’ils proposent. Chaque morceau convoque des émotions, des mouvements, des pensées surgies des tréfonds, le tout rendu palpable par la liesse du public venu nombreux pour danser et headbanguer sur leur dance d’outre-tombe. Beaucoup de metalleux sont en effet présents. Certains morceaux particulièrement bourrins sont même rythmés par des pogos qui naissent comme par enchantement non loin de la scène.
Visuellement, le groupe nous gratifie d’images animées projetées sur un grand écran derrière la scène, certaines rappelant les pochettes de leurs disques. Un diaporama horrifique qui fait la part belle aux zombies, pierres tombales, squelettes et autres éléments folkloriques du cinéma d’horreur, dont le duo est grand fan. Certains des titres diffusés ce soir-là étaient également des références à tout un pan de la culture du cinéma d’épouvante gothique, des sorcières de Salem au monstre de Frankenstein (et à sa fiancée).
Les deux moments les plus puissants du show : leur reprise de « Master of Puppets » de Metallica, dont les paroles étaient reprises en chœur par la foule, qui m’a personnellement rappelé la version de Pendulum du même morceau enregistrée quelques années avant, et ce moment surprise où, vers la fin du concert, les gars de Lebrock sont venus en trombe faire un featuring avec DWTD pour une cover de Motley Crue qui a décroché des mâchoires et déclenché des crises d’hystérie. Des gens hurlaient, se défenestraient, certains sacrifiaient leur famille à la gloire du hard rock, d’autres se dévoraient les membres … Non j’exagère, mais c’était quand même un putain de moment. Si intense que le chanteur de Lebrock a même failli voir le sol d’un peu trop près et a été rattrapé in extremis.
Dance With the Dead balance alors sa dernière cartouche pour le dénouement final, « Become Wrath », l’ultime morceau de Loved to Death. Un son gras à la lisière de l’acide qui finit d’arroser la piste de sueur et dont les basses se ressentent comme autant de coups portés sur le crâne pour bien laisser filtrer le son à travers les têtes explosées.
Les deux membres du groupe remercient le public et filent vers d’autres cieux. Pas un mot n’a été prononcé de leur part durant l’intégralité du concert, certains pourraient le leur reprocher, je trouve le concept bien adapté à leur style, laisser parler la poudre et miser sur l’immersion totale, un credo simple mais efficace.
Première expérience, première claque, ce groupe a vraiment le potentiel de mettre tout le monde d’accord, sauf peut-être les allergiques au hard-rock/metal et à la musique électronique, des gens certainement passionnants et de très bon goût (raclement de gorge). J’espère tenter Perturbator et Carpenter Brut dans un futur proche histoire de me faire mon petit hymne à la synthwave façon 14 juillet électronique. En conclusion, pour ceux qui seraient encore réticents, venez plonger dans cet univers rétro-futuriste. Un style à part entière qui navigue constamment entre violence et nostalgie, entre mélancolie et efficacité, comme une Cadillac de collection lancée à pleine vitesse dans les sillons de votre cerveau et qui trace à force de dérapages un circuit tortueux vers votre cœur. Auto-stoppeurs bienvenus.
SETLIST LEBROCK : Dangerous Dreams / Real Thing / Galactic Smasher / Please Don’t Cry / Only the Brave / One Night / Call Me
SETLIST DANCE WITH THE DEAD : Go ! / Thrasher / Andromeda / Into the Shadows / That House / Salem / The Man Who Made a Monster / Portraits / Master of Puppets (Metallica cover) / Invader / Red Moon / Riot / War / Get Out / Robeast / Kickstart my Heart (Mötley Crüe cover) / Become Wrath