Cela faisait un peu plus d’un an que je n’avais plus remis les pieds au Klub. Je dois avouer que c’est loin d’être ma salle parisienne préférée, car bien trop petite et étroite, et sauf exception, je ne pensais pas y retourner de sitôt… Et justement, cette exception est arrivée, avec l’annonce de la toute première tournée européenne de White Ward, qui avait été ni plus ni moins ma meilleure découverte musicale de l’an dernier. Dès les préventes disponibles, je me rendais donc dans la foulée au Black Dog afin de m’en procurer une. Et j’ai sacrément bien fait, car cette date parisienne fut le premier sold-out sur la tournée de la formation ukrainienne.
Mais il n’y avait pas que White Ward qui valait le déplacement. Pour cette date, le groupe était accompagné par Æthĕrĭa Conscĭentĭa et Demande à la poussière en tant que groupes de première partie, puis par Borgne en tête d’affiche.
Suite à la grève sans préavis, je me suis trouvée dans l’obligation de partir sur Paris en milieu d’après-midi si je voulais être sûre d’arriver à temps pour le début du concert. A mon arrivée dans le quartier de Châtelet vers 16h, je suis donc allée tuer le temps au Black Dog, en attendant l’ouverture des portes prévue deux heures plus tard (non, je ne me cherche pas d’excuses pour boire…). Je me mets ensuite en route pour le Klub, et arrive dix minutes avant l’ouverture des portes. Pour un concert qui annonçait complet, il n’y avait quasiment personne à l’entrée, ce qui m’a permis de trouver facilement une place au premier rang. La playlist diffusée au sous-sol nous met dans le ton de cette soirée placée sous le signe du metal black avant-gardisme/expérimental, avec un morceau de A Forest Of Stars.
Un quart d’heure plus tard, Æthĕrĭa Conscĭentĭa entre en scène. J’avoue que je ne connaissais pas le groupe avant de le découvrir à l’affiche du concert, et je me suis décidée à écouter son premier album Tales From Hydhradh sorti l’an dernier il y a seulement quelques jours, et après un petit temps d’adaptation, j’ai finalement eu un énorme coup de cœur pour cette formation nantaise ! Le tout serait de savoir si la magie opérerait également en live, et je n’allais pas tarder à être fixée sur la question…
Avant toute chose, il me paraît important de parler du concept de l’album, car l’un des points qui m’a séduite chez le groupe, c’est son univers, qu’il soit thématique ou musical. L’album est une retranscription des premières transmissions reçues de la ville spatiale d’Hydhradh, un monde imaginaire devenu le centre spirituel de la galaxie Astramovia. Des temples sont construits sur d’autres en toute anarchie, des prophètes prennent le pouvoir puis sombrent face au règne éternel de l’Aetheria, une entité mystérieuse ayant une influence étrange sur les habitants.
C’est donc dans cet univers situé entre science-fiction lovecraftienne et le jeu vidéo Halo qu’évolue le groupe, mêlant influences (post-)black metal, jazz et prog. Maintenant que le contexte est posé, passons au concert en lui-même sans plus attendre !
Il y a encore peu de monde en ce début de concert, les spectateurs arriveront finalement au compte-goutte pendant ce premier set. Le concert débute sur une clochette que le chanteur/saxophoniste Simon, torse nu, fait résonner. Le groupe est également composé de deux guitaristes, P.A. et Tristan (ce dernier secondant Simon au chant hurlé), du bassiste Alexis et du batteur Paul (lui aussi torse nu. Oui, c’est important de le préciser).
Ce live n’a fait que confirmer la première impression que j’ai eue du groupe en écoutant l’album, ce fut une excellente découverte ! Bien que la musique ne soit pas forcément des plus accessibles (il faut adhérer aux touches jazz et progressives), il faut lui reconnaître une grande originalité, le groupe puisant son inspiration chez des formations et artistes de style très différent, tels que King Crimson, John Coltrane ou bien encore le Shining norvégien (bien que cela ne soit pas une science exacte pour ce dernier, car autant j’ai adoré Æthĕrĭa Conscĭentĭa, autant Shining, je n’y arrive toujours pas…). J’étais aussi très impressionnée par la performance du frontman Simon, qui enchaînait avec une facilité déconcertante ses parties vocales et celles au saxophone. Voilà un jeune homme qui ne manquait pas de souffle ! Pour finir, la présence de cet instrument sur scène dans une formation metal ne pouvait que me faire plaisir, et quelque chose me dit qu’il risque d’être un dénominateur commun de la soirée… Pour le dernier morceau « Sacrifice of the Connected Ones », Simon jouera justement d’un saxophone plus petit, et s’assiéra au bord de la scène. Le set prend fin au bout d’une bonne demi-heure, sans aucune interruption (on aura juste droit à un petit « merci » et des regards reconnaissants de la part du groupe).
SETLIST : Wayfarer’s Altering Odyssey / The Corrupted Sacrament – Craving The Unsoiled Essence / Sacrifice Of The Connected Ones
Avec un quart d’heure de retard par rapport au running-order initial, nous accueillons ensuite Demande à la poussière, qui n’a pas dû être tellement impacté par les grèves, puisque le groupe est originaire de Paris. En studio, DALP prend la forme d’un duo composé de Krys Fruit-denhez au chant et d’Edgard Chevallier aux guitares et à la programmation de la batterie. Sur scène, ce duo est secondé par le bassiste Neil et le batteur Vincent Baglin.
Aucune excentricité à déclarer dans le look des musiciens, si ce n’est que le chanteur est encapuchonné. Musicalement, le son se révèle être plus pesant et oppressant, avec un « Blackened Post-Hardcore » teinté de touches sludge, doom et indus. Cela se ressent d’ailleurs dans le jeu de scène du guitariste et du bassiste, comme s’ils avaient un poids sur eux. Personnellement, je n’ai pas été plus transportée que cela, je pense que c’est surtout le côté « sludge » qui m’a rebutée, mais cela n’est qu’une affaire de goût, car même si je n’ai pas adhéré, je reconnais une certaine originalité. Il y a tout de même un morceau que j’ai apprécié, pour ses incursions plus mélodiques. Le groupe a interprété la quasi-totalité de son premier album éponyme, paru l’an dernier chez Argonauta Records. Pour les deux derniers morceaux du set, Dima Dudko, saxophoniste de White Ward, se joindra au groupe.
SETLIST : Intro + L’Unique certitude / L’Univers / Le Parfum des cités perdues / Etranglé / Le Lendemain / Condamné / Accroché
Le retard s’accumule, et à 20h20, les Ukrainiens de White Ward entrent enfin en scène… enfin si je puis dire, car par manque d’espace, le chanteur/bassiste Andrii Pechatkin et l’un des deux guitaristes étaient contraints de jouer devant la scène, au milieu des spectateurs. Seuls le batteur, le saxophoniste ainsi que le second guitariste étaient sur scène. Le concert étant complet, j’avoue m’être sentie un peu à l’étroit et pas dans les meilleures dispositions pour en profiter pleinement. Vu que notre cher Tanguy de Garmonbozia assistait au concert, on peut espérer que celui-ci proposera le groupe à l’association pour que celle-ci puisse le faire jouer sur une scène plus grande à l’avenir…
Malgré cela, j’ai vraiment apprécié la prestation des Ukrainiens, qui proposent un post-black expérimental mêlant ambiances jazzy mélancoliques, urbaines et post-industrielles. Mon plus grand regret, c’est que le groupe ait privilégié son deuxième album Love Exchange Failure (ce qui peut néanmoins se comprendre), car je préfère tout de même le premier album Futility Report. De ce fait, je n’ai pas pu entendre mon morceau favori qu’est « Black Silent Piers ». Le seul morceau issu du premier album fut « Stillborn Knowledge ». Par ailleurs, j’ai trouvé que le groupe avait un peu de mal à enchaîner entre les différents morceaux, ce qui est dommage, car le set perdait ainsi légèrement en dynamisme, alors que les musiciens faisaient preuve d’énergie tout le reste du temps.
Le set s’est achevé sur « When Gift Becomes Damnation » extrait du split avec Silence of the Old Man et Sauroctonos, et de la compilation Origins. A la fin, le guitariste qui était dans la fosse nous a laissés jouer sur son instrument, avant de malencontreusement s’emmêler les cheveux dans la basse du chanteur. Le public réclamera un dernier morceau malgré le retard, mais en vain. Malgré les bémols précédemment évoqués, j’ai passé un très bon moment, et j’espère donc revoir le groupe sur une scène plus grande et pour un plus long set la prochaine fois !
SETLIST : Love Exchange Failure / Poisonous Flowers of Violence / Dead Heart Confession / Stillborn Knowledge / When Gift Becomes Damnation
A 21h30, place aux Suisses de Borgne, que j’avais déjà vus (c’est un comble… Ok je sors) en 2016 dans cette même salle, aux côtés de Deathcode Society, Heimatlos et Beleriand. Je remarque que la salle s’est pas mal vidée, peut-être cela était-ce dû à la grève, ou bien parce que le public était essentiellement venu pour White Ward…
A ma grande surprise, il n’y a pas de batterie sur scène, le rythme est donc marqué par les samples et la basse. J’avais également oublié la présence d’une claviériste, un élément que j’apprécie pourtant beaucoup. On peut aussi compter un chanteur principal, également à la guitare, ainsi qu’un deuxième guitariste et un bassiste assurant les chœurs growlés. Tous les membres du groupe sont maquillés façon « corpse paints ».
Pour rester dans le thème de la soirée, le groupe interprète un black metal industriel froid, sans concession, aux riffs tranchants et aux beats redoutables. Je ne saurais dire si mon cerveau a été conditionné à force d’entendre du saxophone tout au long de la soirée, mais il m’a semblé entendre des élans jazzy véhiculés par les claviers. Les musiciens font preuve d’une énergie hors norme, notamment le chanteur principal, qui est descendu rapidement de scène, suivi du guitariste, qui s’est jeté dans la fosse en hurlant et qui tapait du pied comme un forcené. Le set prend fin sur le quasi-instrumental « Stone », au bout de trois-quarts d’heure. Merci au Klub, au Black Dog (qui fête ses dix-sept ans) et aux quatre groupes pour cette très bonne soirée !
SETLIST : La Porte du Chaos / Suffering To Buy Our Poison / Void Miasma / The Last Thing You Will See / Fear / Abysmal Existence / Stone