L’océan m’entoure. Les embruns mêlés à la pluie forment sur mon visage un masque de cheveux trempés. Les yeux fermés, je respire à pleins poumons l’air marin de la Bretagne, alors que la houle me berce. Debout sur le pont, je me laisse emporter par le tangage du bateau et la douceur de l’eau ruisselant depuis mon front. Enfin, j’ouvre les yeux, et me voilà les fesses vissées dans un fauteuil, le PC sur les genoux. J’écoute Kornôg, le dernier album de Belenos.
Après l’excellent Yenn Sonn Gardis il y déjà 6 ans, Belenos nous revient avec un album de presque une heure, chanté (hurlé d’ailleurs…) intégralement en breton. Exit cependant le violon qui était l’élément marquant de l’opus précédent. On retourne ici à un black metal torturé typique de l’univers de Loïc Cellier, le multi-instrumentiste derrière Belenos. Les chœurs, très exploités, et bien d’ailleurs, contribuent à créer une ambiance grandiose évoquant aisément un océan immense et torturé en proie aux vents et tempêtes.
L’album s’ouvre sur un morceau éponyme majestueux et mélancolique, riche en chœurs et en harmonies à la guitare. Ces dernières, denses et lyriques, seront légion tout au long de l’album, remarquablement mises en avant durant les 12 minutes de D’an Usved, et concluront l’album sur un Lusenn An Ankou lent et triste, finissant sur quelques notes au piano.
Belenos alternent au sein de mêmes morceaux un black metal sombre et violent avec des passages plus majestueux, plus lents, et même si l’on prend régulièrement des coups de blast beats bien frénétiques comme il faut, comme dans Sklosenn Ur Vag ou E Donder Ar Mor, le maître mot est la majesté, et tout l’album évoque un océan surpuissant, cachant lorsqu’il est calme la force titanesque de ses tempêtes. On saluera au passage les deux morceaux instrumentaux de cette nouvelle offrande : le sus-évoqué Lusenn An Ankou et la pause bienvenue que constitue Treizhadenn-Noz, un court morceau à la guitare sèche, à l’ambiance très aquatique, grâce notamment à la noyade de la guitare dans l’écho et la réverbe. Là où l’ami Loïc s’est vraiment démarqué, c’est sur les introductions, variées, travaillées, et diablement efficaces. On citera les accents tribaux des premières secondes de E Donder Ar Mor, le riff destructeur de Lidkerzh An Anaon, et surtout, le début du très mastoc Armorika, qui nous offre un chant féminin lyrique sur une simple ligne au violon. Y a-t-il des reproches à faire à cette nouvelle galette bretonne ? On pourra peut-être reprocher un son de batterie un peu trop sec et artificiel par rapport au reste des instruments, mais rien de suffisant pour briser l’immersion.
Car Kornôg est un album immersif. Le style reste très homogène tout le long, un black metal puissant et mélancolique, invitant à un voyage onirique à travers l’océan et l’imaginaire celtique. Et ce n’est pas cet artwork suintant la majesté grandiose d’un océan déchaîné qui dira le contraire.
Wolpertinger
8/10
Tracklist
- Kornog
- Sklosenn Ur Vag
- E Donder Ar Mor
- Lidkerzh An Anaon
- Treizhadenn-Noz
- Armorika
- D’an Usved
- Sord-Mor
- Lusenn An Ankou
Sortie : 9 septembre 2016
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