Pour ceux qui l’ignoreraient, Laguz est la vingt-et-unième rune du Futhark (l’alphabet runique des anciens peuples germaniques), et la cinquième de la famille de Tiwaz. Elle symbolise l’eau, et renvoie à la fluidité, aux intuitions et aux émotions.
Croyez-moi, des émotions, vous allez en avoir sur cet album ! Ancient Rites ne se sera jamais fait autant attendre : près de dix ans déjà se sont écoulés depuis leur cinquième album Rubicon. Avec un temps de préparation aussi conséquent, on s’attend à un opus de l’ordre du chef d’œuvre pour les pionniers du black metal. Retenez votre souffle, parce que je peux vous l’assurer, ça va faire mal !
L’artwork, conçu par le chanteur Gunther Theys, très sobre, avec uniquement le visage d’un guerrier portant un casque antique, nous conforte dans l’idée que l’ambiance générale qui se dégagera de ce sixième album sera très sombre, et que les Belges ont une fois de plus puisé leur inspiration dans des faits historiques lointains.
Ce ne sera pas une surprise de la part du groupe, Laguz est sorti le 20 février dernier via l’excellent label allemand Massacre Records. Côté production, on a donc d’entrée une valeur sure. L’album a été enregistré au studio Spacelab à Grefrath en Allemagne (comme ceux de Delain, Betontod et Haken pour citer quelques noms), produit par Christian « Moschus » Moos (batteur du groupe rock/metal progressif Everon et copropriétaire de Spacelab), et masterisé par Eroc au Eroc’s Mastering Ranch.
Comme à son habitude, Ancient Rites commence Laguz sur un court morceau instrumental, « Golden Path to Samarkand », sur les mélodies du piano, du violon et de la guitare sèche (qui m’a un peu rappelé ce qu’on pourrait entendre chez le guitariste breton Dan Ar Braz), accompagnés par des chœurs féminins. S’ensuit alors de fabuleuses orchestrations orientales (assurées par Oliver Phillips) mêlées à des sonorités epic. Première claque, l’association est absolument incroyable ! Samarcande est une ville d’Ouzbékistan, les influences orientales sont de ce fait complètement appropriées. On pouvait déjà retrouver ce mélange symphonique/oriental/epic dans Rubicon, mais ici, le côté orchestral semble être davantage mis en valeur. Les mélodies symphoniques reviennent en effet régulièrement tout au long de Laguz, comme dans l’introduction et la conclusion au violon de « Mind Unconquered ».
Je vous préviens, vous allez recevoir une sacrée paire de baffes tout au long de cet album ! Voilà la deuxième justement ! « Cathargo Delenda Est » (le fameux proverbe latin « Il faut détruire Carthage ! ») est encore une fois un parfait exemple de l’association entre les sonorités orientales mêlées aux sonorités viking, combo qui reviendra tout au long de Laguz. Mais le meilleur reste à venir … Dès lors que Gunther Theys se met à chanter, on reste pendu à ses lèvres, tant sa manière de délivrer ses textes est envoutante. Je dois avouer que pendant tout l’album, je me suis sentie comme prisonnière de sa voix, j’avais vraiment du mal à me concentrer sur le reste, tellement je la trouvais captivante ! Il faut dire que Gunther Theys ne récite plus qu’il ne chante, si bien qu’on a l’impression qu’un être d’outre-tombe nous conte une histoire des temps passés. Sa voix mystérieuse et menaçante nous tient continuellement en haleine, nous ensorcelle. « Cathargo Delenda Est » le confirme, Ancient Rites fait revivre les morts et nous invite à découvrir d’anciennes contrées oubliées depuis si longtemps, à travers des textes et une musique sombres et historiques. « Ombra Sumus » sera l’apogée de l’envoutement lorsque Gunther ira jusqu’à chuchoter ses paroles.
Bon j’exagère, j’ai quand même réussi à me concentrer sur le reste. Fort heureusement d’ailleurs, parce que côté musique, là aussi ça décoiffe ! Le rythme géré par le batteur Walter Van Cortenberg est ultra-rapide, la musique intense, les riffs de guitare assurés par Erik Sprooten énergiques … Les orchestrations sont parfaitement bien dosées, l’ensemble est extrêmement équilibré et nous permet de profiter de tous les instruments. « Von Gott Entfernt » (« Loin de Dieu ») est à mon sens l’un des morceaux les plus sublimes : une douce intro aux claviers, assurés par Davy Wouters, et au violon, suivie de superbes envolées orchestrales. Et le solo de guitare, je ne vous en parle pas … J’en perdrais presque mes mots tant ce que nous propose Ancient Rites est grandiose. « Impérial », voilà comment je qualifierais Laguz. Entre les solos majestueux et les orchestrations terriblement épiques, on est servi ! Pas moins de trois solos de guitare tout de même rien que dans « Legio V Alendae » (valeureuse légion romaine formée lors de la guerre des Gaules par Jules César avec des soldats gaulois transalpins entre -58 et -57) ! Ceux d’ « Apostata », de « Mind Unconquered », d’ « Umbra Sumus » (du proverbe latin « Pulvis et umbra sumus », « Nous ne sommes qu’ombre et poussière ») et de « Frankenland » (la région Franconie en Allemagne) sont tout aussi magiques !
Et comme toutes les bonnes choses ont une fin, l’album se conclue sur « Saturn », un morceau calme, mélancolique, mais toujours impérial et épique. Le cycle de l’eau touche à sa fin, et l’on revient à des sonorités cristallines et mélancoliques au piano et au violon, qui aboutissent à des sonorités chevaleresques. Ancient Rites ne pouvait pas finir plus en beauté. Du début jusqu’à la fin, le groupe s’est emparé de nous, à aucun moment on ne décroche ! Le groupe frôle la perfection de très peu, et cette maitrise en est absolument déconcertante ! Malgré un léger manque de surprise, le style d’Ancient Rites reste et demeure reconnaissable entre tous.
Fée Verte
9.5/10
Tracklist
1. Golden Path to Samarkand
2. Cathargo Delenda Est
3. Under the Sign of Laguz
4. Von Gott Entfernt
5. Apostata
6. Legio V Alandae
7. Mind Unconquered
8. Umbra Sumus
9. Frankenland
10. Saturn
Sortie le : 20/02/2015
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