Quand on parle de black metal, on pense immédiatement aux vastes étendues enneigées de la Scandinavie et à d’immenses forêts où, sur un traveling lent en noir et blanc, déferlent des vagues de blast beats et des hurlements torturés. Bien loin de ce poncif officient pourtant les controversés (chez eux en tout cas) black metalleux d’Al-Namrood, qui nous viennent tout droit d’Arabie Saoudite, et nous offrent leur cinquième album Diaji Al Joor (traduisez L’Ombre de l’Injustice).
Autant le dire de suite, la première écoute n’est pas aisée, et l’album en nécessite au moins deux pour être bien appréhendé. En cause, non pas la production précaire (que l’on connaît bien au black, qui n’est TRVE que lorsque le son crache à chaque coup de caisse claire), mais les instruments arabes instillant çà et là quelques tiers et quarts de ton, pas vraiment très naturels pour un auditeur habitué à notre traditionnel demi-ton. L’ensemble est donc un black metal sombre et majoritairement lent et lourd, assez pauvre en blast beats, à très forte consonance orientale, et le détail qui surprend est l’absence du chant éraillé et perçant propre au style. On entend ici un timbre rauque, guttural, mais néanmoins chanté, qui fait plutôt penser à du doom metal.
Diaji Al Joor s’ouvre de manière assez classique. Dhaleen nous propose une introduction instrumentale sombre et oppressante parsemée de vocalises plaintives, et Zamjara Alat embraye sur un black metal classique mais efficace, simple mais puissant, et imprégné d’instruments arabes qui donnent sa couleur si particulière à la musique D’Al-Namrood. Ce morceau trouve son écho un peu plus loin dans l’album en le sombre Ya Le Taasatekum, qui nous offre lui aussi un black assez classique dans sa construction. Les deux morceaux comportent d’ailleurs les deux seuls passages blastés de l’album entier. Hawas Wa Tuar, après une introduction parlée tout simplement glaçante, donne une dose de lenteur et de lourdeur en lorgnant vers le doom metal, et Adghan, un peu plus loin, continue dans la même lancée. L’album se conclut sur un instrumental moins menaçant, plus dansant, avant lequel on retrouve les deux titres qui sont sans doute les plus mastodontesques de l’album, à savoir Hayat Al Khezea et Ana Al Tughian, qui nous offrent un black metal lourd et majestueux, toujours fortement marqué par l’origine orientale du groupe, et ne sont pas sans rappeler l’incontournable La Grande Danse Macabre des Suédois de Marduk. Le morceau qui se démarque cependant est le plus léger Ejhaph, riche en percussions et en voix claires, qui nous gratifie d’un superbe riff au rythme vraiment pas évident (et Dieu sait que l’on aime ça dans le metal).
Diaji Al Joor est un album complet qui nous transporte à travers ce que l’Orient a de plus terrifiant, à savoir l’obscurantisme et l’oppression, qui sont retranscrits en une musique lourde, puissante et sombre. La couleur du résultat est finalement le tableau que l’on pouvait espérer d’un groupe qui risque sa vie par sa seule existence… Al-Namrood nous démontrent une fois de plus qu’ils sont un groupe qui tabasse d’autant plus fort que l’on leur interdit, un groupe sans avenir qui balance une musique qui leur en offre un. Qu’on se dise bien que taper sur une religion qui répond de manière beaucoup plus répressive que la chrétienté, c’est bien plus TRVE que quoi que ce soit d’autre. Et ça doit sans doute influencer la manière que l’on aura d’appréhender ce groupe inhabituel.
Wolpertinger
8/10
Tracklist :
- Dhaleen
- Zamjara Alat
- Hawas Wa Tuar
- Ejhaph
- Adghan
- Ya Le Taasatekum
- Hayat Al Khezea
- Ana Al Tughian
- Alqab Ala Hajar
Sortie : 15 novembre 2015
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