Aujourd’hui, j’aimerais vous parler d’un jeune projet francilien oscillant entre post-rock, eclectic rock et rock progressif. Abime prend la forme d’un trio, composé de deux guitaristes et d’un claviériste/percussionniste. Le premier album éponyme du groupe est sorti le 13 mai dernier. Celui-ci peut être considéré comme un album concept, qui relate l’histoire d’un homme resté bloqué dans ses souvenirs, et revivant sans cesse le même moment de sa vie, d’où le bruitage des gouttes au début et à la fin de l’album, métaphore du cycle, ainsi que cette sensation de boucle infinie.
L’album, d’une durée totale de trois-quarts d’heure, comporte cinq pistes, allant de quatre à dix-huit minutes. Cela peut intriguer, « Erisphère Pt 2 » se trouve avant « Erisphère Pt 1 », mais cela est tout à fait volontaire et n’est pas l’objet d’une erreur, et rappelle le film Irréversible. Comme je l’évoquais quelques lignes plus haut, on pourrait de prime abord trouver certaines mélodies cycliques, mais cela sert le propos de l’album, crée une cohérence, et l’on s’aperçoit progressivement qu’Abime est plus riche et varié qu’il n’y paraît.
Abime est presque intégralement instrumental. Les seuls éléments faisant office de voix sont des chuchotements inintelligibles, une voix de femme sous forme de sample (« Fièvre »), des rires (« Sans issue » et « Abime ») et des pleurs (« Abime »). L’élément principal est la guitare lead, souvent floydienne (à la manière d’un « Shine On You Crazy Diamond ») et planante (pléonasme ?), secondée de temps à autre par les claviers, les percussions et les touches électroniques entre IDM et chill-out. Pour renforcer l’ambiance austère qui se dégage de l’album, on peut entendre par moments quelques notes de duduk, placées avec soin. Ces passages font particulièrement penser à l’artiste mexicain Murcof, une des influences du groupe.
A plusieurs reprises, nous sommes pris au dépourvu, avec ces changements d’ambiance brutaux symbolisant le tourment : les percussions et la guitare prennent des sonorités intrigantes, voire perturbantes, et les claviers sont dissonants. Ces quelques phases expérimentales entre musique contemporaine et psychédélique rappellent inexorablement l’album incompris de Pink Floyd qu’est Ummagumma, et plus encore le morceau « A Saucerful of Secrets » extrait de l’album du même nom.
Peu à peu, le sentiment de tristesse nous envahit de plus en plus, le climax étant lors du passage post-rock d’ « Erisphère Pt 1 » où se mêlent guitare et claviers. Le dernier morceau, l’éponyme morceau-fleuve, résume l’histoire de l’album à la perfection, et donne le coup de grâce au personnage principal de l’histoire. Ici, la mélancolie est à son paroxysme, et nous atteignons un point de non-retour, l’esprit de l’homme est de plus en plus perturbé. Un bridge aux claviers, suivi d’un solo de guitare mélancolique, nous enfonce toujours un peu plus dans cette ambiance où règne le désespoir. Suite à une reprise du thème musical principal, le personnage est victime d’un nouveau « bad trip », et se retrouve projeté dans une soirée burlesque, sous fond d’accordéon aux sonorités « musette », à la manière d’un Taal. Les phases dissonantes et apaisantes s’alternent, représentant la confusion dans l’esprit humain, et après un petit air d’harmonica à la Supertramp, associé à une guitare bluesy, des cris d’enfants dans une cour de récréation, ainsi que des craquements de vinyle se font entendre, comme si le personnage repensait avec nostalgie à son enfance. Sur un solo de guitare mélancolique, l’un d’eux demande à ses camarades : « C’est quoi le but du jeu ? ». Essayer de survivre, ni plus ni moins … Après une envolée épique des guitares et des claviers, ces derniers apportent une touche finale mélancolique. Mais l’album n’est pas tout à fait fini. Le bruit d’une machine à laver retentit, tel un lavage de cerveau, essorage en option, ce qui pourrait symboliser la rédemption, cet instant où le personnage se lave de tous ses pêchés. Puis, on retrouve cette bande d’amis qui parlent en soirée, avec la musique de fête en fond. Le personnage principal quitte la pièce, et les gouttes d’eau nous font comprendre que celui-ci vient de rendre l’âme.
Si vous voulez écouter l’album et soutenir le groupe, voici ci-dessous tous les liens dédiés. L’album sera disponible en vinyle dans le courant de l’année, restez aux aguets !
Tracklist :
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Fièvre
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Erisphère Pt 2
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Sans issue
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Erisphère Pt 1
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Abime
Date de sortie : 13 mai 2019 (Auto-production)
Liens du groupe :
Planant et rêveur… Abime nous renvoie aux belles années où la vie était tellement plus simple. Merci cela fait du bien