Throne Fest 2019 : Jour 2

REPORT DU JOUR 1 ICI

Herja : Après une première journée globalement excellente malgré les quelques soucis de son, retour à Kuurne pour cette seconde moitié du Throne Fest. Si j’ai enchaîné tous les groupes à l’exception d’Impaled Nazarene hier, j’ai prévu une ou deux pauses de plus aujourd’hui – non pas que l’affiche m’intéressait moins, mais le rythme aurait sinon commencé à devenir difficile à tenir. Le running order est pourtant rempli de noms intéressants, des plus petites formations comme Krater ou The Committee jusqu’aux têtes d’affiches. Taake et Satyricon, duo d’incontournables constituaient deux de mes concerts les plus attendus du week end. Une belle clôture d’un week end de haute volée !

Varulven : C’est avec difficulté que je me prépare pour ce deuxième jour de festival. En effet, même quelques heures après m’être levé et une fois arrivé sur place, je sentais encore une grande fatigue me parcourir le corps. Le premier jour ayant été très rude, j’ai également prévu quelques moments de pause aujourd’hui, si je veux réussir à tenir jusqu’au bout. D’autant qu’il y a certains groupes que j’attends au tournant, et d’autres que je suis curieux de découvrir. Après avoir repris des forces et fait mes derniers achats, je vais me placer pour voir ma première attente de ce deuxième jour, à savoir le groupe allemand Krater.

KRATER

Herja : C’est SRD, en tournée avec Shining, qui ouvre cette journée. Mais mon premier véritable concert de la journée est celui des Allemands de Krater que j’ai découvert il y a peu, via leur dernier album Urere, sorti en 2016. Le quintet en a deux autres à son actif, plus quelques splits et demo, leur constituant au final un bon petit répertoire. Ce que je connais d’eux en tout cas me rappelle des ambiances à mi chemin entre Watain et Darkened Nocturn Slaughtercult, occultes, brûlantes et brutales, desquelles se dégage une odeur de soufre. Krater fait partie de ces formations qui ne cherchent pas à révolutionner un genre, mais qui savent continuer à proposer un mélange bien dosé et forcément prenant, entre création d’atmosphères, violence et haine pure.

Deux trois éléments de décor sont installés sur scène : deux étendards de chaque côté ainsi que des braseros sur le devant de la scène. Etant amatrice de mises en scène chargées (lorsqu’elles sont appropriées à l’univers du groupe bien sûr) comme celles qu’ont pu proposer Seth et Watain hier, j’en aurai même aimé un peu plus ; Krater pourrait clairement explorer cette voie ci à l’avenir. Mais les Allemands n’ont en tout cas pas besoin de plus pour nous mettre une bonne petite claque de bon matin tant leur prestation est solide. Les vocaux sont au final assez variés, Abortio témoignant d’une bonne maîtrise sans jamais perdre de sa spontanéité. Le groupe dégage une énergie haineuse, presque malsaine, mais avant tout implacable en ce qui concerne l’efficacité. Ca blast, ça riff et ça headbang dans tous les sens : les 35 minutes de jeu de Krater passent en un rien de temps.

Varulven : Krater est un groupe qui avait attiré mon attention à l’occasion de la sortie de son dernier album Urere. En effet, les Allemands officient dans un Black Metal mêlant riffs violents et agressifs suintant la haine avec des mélodies brûlantes et hypnotiques dégoulinantes de soufre. Un mélange entre violence haineuse et mélodies noires et occultes qui rappellent beaucoup ce qu’a pu faire Watain sur Sworn to The Dark. Et le live confirmera cette impression que j’avais eu en studio.

Dans un décor certes minimaliste mais mettant en avant le propos du groupe, le quatuor nous infligent une demi heure de violence occulte teintée de leads mélodiques qui nous scarifient la peau et les sens, le vocaliste Abortio (qui se tape de faux airs de Ravn de 1349) étant lui aussi très en voix, sa voix habitée et possédée servant parfaitement les compositions haineuses et noires délivrées par les Allemands. Le morceau “Flammen In Vakuum” se détachera un petit plus du reste de la setlist à mon sens, avec un riffing et une atmosphère beaucoup plus conquérante et épique qu’à l’accoutumée, sonnant ainsi très BM norvégien des années 90, j’ai immédiatement pensé à du Ulver période Nattens Madrigal. En résumé, une prestation qui aura su satisfaire toutes mes attentes, et qui ouvre ce dernier jour sous les meilleures augures.

THE COMMITTEE

Herja : Petite pause pendant Panzerfaust, les Canadiens ne m’attirant guère. J’ai tout de même fait un tour dans la salle pour y noter la mise en scène intéressante, le chanteur principal (ils sont apparemment deux) perché en haut d’un pupitre derrière la batterie. Le tout avait le mérite d’être impressionnant, à défaut de m’accrocher l’oreille musicalement parlant.

The Committee, en revanche, fut ma découverte du Throne Fest. Et pas des moindres ! Après que toutes les connaissances croisées sur place m’aient chaudement recommandé de ne pas manquer le groupe, j’étais vraiment curieuse… Et ne fut pas déçue. Avec deux albums à leur actif, la formation est une habituée du festival, un de ses membres étant apparemment proche, voire membre de l’orga. Les musiciens sont en tout cas eux anonymes et originaires de divers pays européen. Rien ne permet de les différencier les uns des autres, avec leurs cagoules à la Mgla tout de même adaptées pour coller à l’imagerie paramilitaire du groupe. L’imagerie soviétique qui est apparemment d’habitude mis en avant ne l’est pas aujourd’hui, et le décor scénique se retrouve assez épuré. La forte présence des lights rouges efface d’ailleurs les musiciens, dont la tenue et la carrure a pourtant bien de quoi en imposer. Ca a tout de même de la gueule et je comprends ainsi bien vite pourquoi on m’a tant recommandée d’être là. Le public est d’ailleurs assez nombreux, bien plus qu’hier à la même heure… Preuve que The Committee a déjà sa bonne petite réputation par ici. Et c’est mérité. Si on peut pour simplifier classer leur musique dans le Black atmo avec tous les éléments qui caractérisent le genre, ce serait tout de même bien réducteur. J’ai parlé de Mgla pour la tenue, on retrouve aussi l’influence des Polonais dans les compos avec ce riffing froid, répétitif, hypnotique et introspectif, tout en restant mélodique. Mais les morceaux sont aussi extrêmement progressifs, longs et à tiroirs, beaucoup de changements s’y opèrent au fil des minutes. Les mecs savent composer et même sans connaître leur identité, on se doute qu’ils doivent avoir de l’expérience… Et beaucoup d’influences variées, surtout Black et Doom, foutrement bien digérées, réappropriées et ressorties ici. Il faut tout de même s’accrocher et rester concentré pour réellement rentrer dedans, et cette découverte live mérite approfondissement sur album.

Varulven : Je profite également du set de Panzerfaust pour faire une pause. En effet, ce que j’avais écouté avant le festival ne m’avait guère emballé (bien que les bribes que j’entends m’ont l’air plus intéressantes, avec plus de passages mid tempos et dissonants qu’en version studio). Bref, je retourne dans la salle pour assister au set de The Committee. Comme ma collègue, beaucoup de mes connaissances m’ont fait les louanges de ce groupe et m’ont poussé à assister à leur set. Pourtant, je partais avec beaucoup d’a priori et de préjugés. En effet, l’univers très militariste et totalitaire de la formation n’est pas ce qui me parle le plus, et je m’attendais donc à retrouver cet aspect là aussi bien dans la musique que le concept. Je ne m’attendais vraiment à rien, et pourtant, quelle tarte dans la gueule ! Pendant environ cinquante minutes, The Committee nous balance son Black Metal atmosphérique aux riffs froids et aux mélodies épiques et hypnotiques.

On est très rapidement captivé par le côté poignant et lancinant des mélodies, un effet introspectif et brumeux qui nous rappelle les Polonais de Mgla (ça et aussi le fait que les membres du projet soit tous vêtus de cuir, cagoulés et encapuchonnés), bien que l’aspect martiale et guerrier soit tout de même présent. Bien que tous assez longs, les morceaux possèdent beaucoup de relief, ce qui permet à l’auditeur de ne jamais décrocher, même s’il est aisé de se perdre dans nos pensées au vue de l’aspect contemplatif qui se dégage du set. Le dernier morceau, joué quasi intégralement en arpèges et en guitare clean, illustre on ne peut mieux ce sentiment de contemplation et d’évasion que l’on a ressenti tout au long du set. Je partait méfiant, je ressors totalement conquis. Clairement LA découverte de ce Throne Fest 2019, et l’une des surprises du jour.

VARATHRON

Herja : Après cette belle découverte, je reste aux premières loges pour Varathron, fier représentant des pionniers de la scène grecque aux côtés de Necromantia, Kawir et autres Rotting Christ. Il faut dire qu’ils sont là depuis la fin des 80s, avec six albums sortis entre 1993 et 2018 à une allure assez régulière. Si un seul membre originel subsiste aujourd’hui dans le line-up (Stefan Necroabyssious, chant), le dernier en date Patriarchs of Evil continue de prôner la recette originale du Black helléniste, contrairement à d’autres formations préférant faire évoluer leur art. Des mélodies accrocheuses et reconnaissables, un rythme saccadé, et toujours un petit faible pour quelques chœurs discrets histoire de donner de la profondeur. Une ambiance difficilement descriptible mais fortement reconnaissable et souvent efficace.

La recette fonctionne tout aussi bien sur scène, avec un son qui fait justice à tous les instruments, chant compris. Celui-ci est d’ailleurs plutôt mis en avant, Stefen Necroabyssious incarnant au final la partie la plus agressive du groupe autant par ses vocaux que son jeu de scène. Il harangue le public, tape du poing entre ses jambes (pour frapper l’air ou les chaînes qui pendent de sa ceinture, on ne sait pas trop), et crache ses poumons sans montrer aucun signe de fatigue. Le mélange entre l’agressivité des riffs et des vocaux et l’aspect foutrement catchy des mélodies, limites dansantes pour certaines (comme ce morceau d’ouverture du dernier album, « Tenebrous ») fait mouche en live. Bon, certains morceaux ressortent plus que d’autres qui sonnent clairement moins inspirés à côté, mais Varathron signe dans l’ensemble cinquante minutes de jeu sans temps mort.

Varulven : C’est maintenant au tour de Varathron, pilier de la scène BM hellénique, d’investir la scène de la Kubox. C’est certainement le groupe que j’attends le plus ce dimanche avec Shining et Taake. En effet, j’ai beaucoup aimé la dernière production des Grecs, Patriarchs of Evil, qui annonçait une certaine continuité dans l’oeuvre du groupe, cette dernière s’inscrivant dans la plus pure tradition grecque, au même titre que celle de Thou Art Lord, Necromantia, et bien sur Rotting Christ.

En effet, le live est la parfaite transposition de cet univers occulte aux sonorités typiquement hellénique que nous dévoilent les Grecs, et qui, par bien des aspects, nous rappellent les trois premiers albums de Rotting Christ que sont Thy Mighty Contract, Non Serviam et Triarchy Of The Lost Lovers: riffs mid tempo saccadés et guerriers, mélodies conquérantes et épiques, le tout agrémenter de choeurs et de nappes de synthés renforçant le côté grandiloquent et mystique de la musique, nous transportant ainsi au coeur des sommets montagneux de la Grèce antique, là où des prêtresses aveugles sacrifient des boucs dans de sombres cavernes éclairées à l’aide de torches.

On a donc à faire à une musique très immersive et visuelle, mais pas dénuée de violence et d’intensité pour autant, les lignes de chant caverneuses, vociférées avec conviction par le vocaliste Stefan Necroabyssious, ainsi que les rythmiques lourdes et saccadés, portées par un son parfait (comme pour The Committee), permettent d’apporter une dose bienvenue d’agressivité, cette dernière étant complétée par les mélodies très accrocheuses et tribales du combo. Varathron aura donc livré une prestation très intense et prenante, à l’image de l’aura dégagée par sa musique en studio. On en redemande !

Setlist :
Ouroboros Dweller // Unholy Funeral // Nightly Kingdoms // Cassiopeia’s Ode // Tenebrous // Dawn Of Sordid Decay // Saturnian Sect // Son Of The Moon // The Tressrising of Nyrlathotep // Genesis Of Apocryphal Desire // Sic Transit Gloria Mundi

SHINING

Herja : J’ai vu Uada en février dernier avec Gaahls Wyrd et je les revois dans moins d’une semaine à l’heure où j’écris ces lignes. Petite pause pendant leur set donc, et manger s’avère bien nécessaire quand on voit la triplette qui arrive : Shining, Taake et Satyricon.

C’est surtout la période IV – The eerie cold, V – Halmstad et VI – Klagopsalmer que je connais et aime chez Shining, bien que j’ai plutôt apprécié le dernier en date, X – Varg utan flock. Et étant donné qu’en live, les setlists des Suédois sont surtout axées sur les albums plus récents, je n’attendais rien de particulier de leur set. Je voulais tout de même les voir sur cette tournée ; la date parisienne ayant été annulée au dernier moment pour soucis de bus, il ne me restait que le Throne Fest. Il s’agit d’ailleurs de la toute dernière date du tour.

Niklas déboule en trombe sur scène, et choisit bien sûr la portion du premier rang où je me trouve pour recracher la gorgée de whisky qu’il venait de prendre. Au moins ça réveille et ça met en condition, hein ? Bon, au final, j’ai trouvé l’homme plutôt calme (enfin, calme pour du Niklas, s’entend) : ça ne se taillade pas, ça n’embête pas trop le public à part les slammeurs sur lesquels l’homme déverser toute sa haine (ah, et il semble aussi s’énerver un moment contre les coulisses, mais j’étais plus concentrée sur la musique et n’ai pas tout suivi). Bref, la tête pensant du projet n’en dégage pas moins une aura malsaine de débauche, de haine explosive mais aussi et surtout de mépris.

Parlons un peu musique, tout de même. Comme prévu, setlist axée sur les derniers albums hormis l’incontournable “Låt oss…”, mais cela ne m’a au final pas tant gêné que cela. Le groupe est dans son ensemble plutôt en forme et offre une prestation plutôt carrée et convaincue. Niklas, lui, nous fait étalage de toutes les couleurs que peut prendre son chant torturé, des passages les plus dépressifs ou mélancoliques à ceux les plus agressifs. Ce sont d’ailleurs les morceaux les plus rentre-dedans et bruts de décoffrage qui ressortent le mieux (« Svart ostoppbar eld », titre d’ouverture du dernier album en tête). Le son est en soi excellent mais plus fort que précédemment. Et j’ai trouvé que cela enlevait tout l’impact des passages plus dépressifs, doux et bluesy, qui ressortent moins. Ce fut mon regret de la soirée, mais qui n’occulte pas non plus le très bon set de Shining qui est passé à une allure fulgurante.

Après avoir insulté une bonne demie-douzaine de fois tout ce qu’il pouvait (excepté la sécurité qu’il remercia au contraire chaudement), Kvarforth fait un dernier tour entre la scène et la barrière pour vider sa bouteille de whisky sur nos têtes avant de sortir définitivement de scène.

Varulven : Il reste encore quatre groupes, et pourtant je commence à sentir la fatigue qui s’installe. Du coup, je décide de sacrifier une partie du set de Uada pour aller manger. Ayant déjà vu les Américains, je sais à peu près à quoi m’attendre. Ce que je vois du concert me le confirme. Le groupe de Portland sait composer, c’est propre, bien foutu et les mélodies sont catchy et efficaces. Une fois leur set finit, je vais me placer (à l’arrière) pour le groupe suivant, à savoir les sulfureux Shining. Comme ma collègue, j’apprécie surtout les albums IV- The Eerie Cold et V- Halmstad, bien que des albums plus récent tels que Redefining Darkness ou IX- Everything, Everyone, Everywhere ne me laissent pas indifférent, là où la base BM torturé et dépressif se retrouve noyée dans des influences Rock’n’roll, Hard Rock, Blues, Jazz et Psychédélique. Voyant le groupe pour la troisième fois ce soir, je sais à peu près à quoi m’attendre (du moins si Niklas Kvarforth est “en forme”). Et ce fut visiblement le cas ce soir. J’ai trouvé le bonhomme assez “calme” (n’est ce pas encore plus malsain vu le passif du gaillard ? les débats sont ouverts !). Bon malgré tout, il prend soin de se tenir un minimum à sa réputation de “bad boy” (car s’il y en a un qui a compris comment exploiter au mieux ses vices et ses démons à des fins marketing, c’est lui, assurément). Et vas y que je crache du whisky sur les premiers rangs, que je martyrise le batteur (c’est d’ailleurs une constante dans le concerts du groupe j’ai l’impression), que j’insulte le public, les coulisses, ect…

Et la musique dans tout ça ? Et bien, Shining a livré une prestation très solide, alliant à la fois  puissance, énergie et spontanéité très rock’n roll couplée à des passages en arpèges très intimistes, dégageant un certain spleen et une certaine mélancolie. Comme on s’y attendait, ce sont surtout les derniers albums qui sont à l’honneur, avec trois extraits du dernier né X- Varg Utan Flock, qui s’il m’avait assez peu intéressé à sa sortie, les morceaux joué ce soir sonnent de suite plus pêchus. La plupart des morceaux récents, comme “Vilja & Dröm”, sonnent d’ailleurs très Black n”roll, avec des solos sonnant très Hard Rock et Bluesy, ce qui contribue au côté entraînant et compact de la prestation, le son étant par la même excellent (bien que trop fort). Niklas, quand à lui, est très en voix, avec son timbre caractéristique oscillant entre vociférations haineuses et misanthropes, hurlements angoissés et chuchotements torturés remplis d’une aura malsaine dégoulinante de mépris. C’est d’ailleurs un point que j’ai toujours soulevé avec Shining en live, l’impression que le groupe joue à la perfection tout en étant en pilotage automatique, et en en ayant visiblement rien à faire. C’est d’autant plus satisfaisant que la performance reste très réussie, et ce, malgré le fait qu’elle suinte le mépris et le je m’en foutisme à des kilomètres à la ronde. Un concert comme je l’attendais donc. Professionnel et méprisant à souhait. UGH !

Setlist :
Människa o’avskyvärda människa // Han som lurar inom // Jag är din fiende // Förtvivlan, min arvedel // Vilja & Dröm // Svart ostoppbar eld // Låt oss ta allt från varandra // For the God Below

TAAKE

Herja : La vingtaine de minutes de changement de décor / balances est bienvenue, car la fatigue commence à bien se faire sentir. Il faut tenir cependant, car ce n’est ni plus ni moins que Taake qui succède à Shining. Comme dit plus haut, il s’agit d’une de mes plus grosses attentes du week end : je n’ai encore jamais pu voir le projet culte en live, et Hoest a écrit avec Taake certains de mes morceaux (voire albums) de Black favoris. Depuis le temps que j’espérais les voir sur scène, le show avait intérêt d’être à la hauteur. Spoiler : ce fut le cas. Entre la setlist, le son au top et des musiciens en grande forme, je ne suis pas prête d’oublier ce concert.

La kubox se remplit encore plus que pour Shining, on commence peut être même bien à être encore plus serrés qu’hier à la même heure. Après une longue sample d’intro sur une scène vide, le groupe déboule en grande trombe, Hoest en dernier en courant depuis les coulisses. Désormais la boule à zéro, t shirt blanc et petite veste aux manches remontées, le leader s’empare de son micro avec une fougue qui ne le quittera pas de la soirée. Les autres ne sont pas en reste et ne manqueront pas de se montrer communicatifs avec un public qui répondra fortement présent à toutes les incitations qui seront faites. Bref, l’énergie est là, elle ne faiblira pas un seul instant, entre blasts, riffs mémorables, passages mid-tempo rock’n’roll ou saccadés. Hoest occupe tout l’espace avec véhémence, excepté sur le deuxième morceau où il cèdera la vedette à Niklas de Shining, revenu en express des coulisses pour « Nordbundet ». Au vu de la proximité des deux types, il fallait s’attendre à ce que l’un soit invité chez l’autre.

Le clou du set sera cependant clairement l’enchaînement « Nattestid… I » et « Nattestid… II ». Bordel, ce riff. Premières secondes du premier morceau du premier album, et déjà l’un des plus beaux riffs que je n’ai jamais entendu. L’effet est toujours aussi bon en live, je suis transportée et le resterai sur les deux titres. Sachant qu’on aura en plus droit à « Du Ville Ville Vestland », « Fra Vadested til Vaandesmed » de Noregs Vaapen  et au puissant « Hordaland Doedskvad I », durant lequel les premiers rangs répondront avec vigueur au micro qui leur est tendu… Je suis comblée, et je n’ai pas l’air d’être la seule. Taake tape clairement dans le haut du panier de sa discographie, même si un ou deux morceaux du dernier album, qui ne m’a pas trop emballée, viennent se nicher dans la setlist.

Enfin, on ne va pas se plaindre, car les Norvégiens se sont donnés corps et âme à leur show avec verve et ont su nous transporter. J’aime au moins autant Satyricon que Taake, mais après ce passage dévastateur je doutais sincèrement qu’ils puissent faire mieux.

Varulven : Taake. Certainement l’un des groupes de BM à m’avoir mis certaines de mes plus grosses tartes prises en concert. J’ai eu l’occasion de voir la bande du Hordaland deux fois auparavant, avec à la clé un show toujours puissant et dévastateur, portés par les riffs bruts, froids, les mélodies épiques et surtout la voix et le charisme inébranlables de Hoest, le leader, véritable pile électrique sur scène. Pour mon troisième concert de Taake, je m’attends donc à une prestation équivalente à celle d’octobre 2018 en terme d’intensité. Bon, autant tué le suspens de suite, j’ai assisté à un concert de très grande qualité, bourré d’énergie et de charisme, mais qui manquait peut-être un poil de surprise pour quelqu’un les ayant déjà vus.

Mais ne boudons pas notre plaisir, car malgré un son un peu trop brut et chargé en basses (même si l’on peut tout de même profiter des mélodies sublimes des Norvégiens), le quintet, sous des lueurs froides et bleutées, est une véritable machine de guerre ce soir, un rouleau compresseur qui écrase tout sur son passage, avec ses riffs puissants, bruts et froids et ses trémolos pickings conquérants et épiques. Le groupe puise dans sa discographie des morceaux faisant offices de best of, d’abord avec “Nattestid Part I & II”, véritables concentrés de violence et de nostalgie aux riffs mélodiques et acérés (bordel, le riff principal de “Nattestid part I”). Viennent ensuite plusieurs morceaux de Noregs Vaapen, notamment le classique “Nordbundet”, qui voit Hoest inviter son vieux compère Niklas Kvarforth de Shining au chant, le bougre réussissant à rendre le morceau vraiment malsain, un titre qui met davantage en avant le côté plus rythmique, rock’n’roll et groovy de Taake. Quelle efficacité, ce titre fait toujours autant mouche une fois joué sur les planches.

Les autres morceaux de l’album joués ne sont également pas en reste, “Du Ville Ville Vestland” et “Fra Vadested til Vaandesmed” apportent quand à eux un aspect tantôt plus froid et introspectif, tantôt plus énergique et percutant. Mais le clou du spectacle sera sans conteste “Hordaland Doedskvad I”, premier morceau de Hordaland Doedskvad, mon album préféré avec Noregs Vaapen. Ce morceau fait preuve d’une grande versatilité, entre marche guerrière, violence tragique et leads entêtants et lancinants, teintés de quelques touches folkisch. Un must have de la discographie de Taake. Malgré un manque de surprise évident, je ressort du concert encore une fois tout acquis à la cause de Hoest et sa bande, en espérant que la fatigue n’ai pas raison de moi pour Satyricon. “Helnorsk Svart Metal !”

SATYRICON

Herja : Un grand backdrop de toute beauté dans le style d’un tableau de Bosch trône derrière la batterie. Satyricon a la lourde tâche de clôturer un week end intense, au terme duquel le public semble cependant toujours plus présent, massé devant la scène. Même si contrairement à Taake, j’ai déjà vu Satyricon, j’attendais tout de même le groupe avec impatience car ils ne me déçoivent jamais, autant en live que sur album. Certes, tout ne se vaut pas dans leur discographie mais j’ai du mal à leur trouver un album vraiment mauvais en soi. J’adhère complètement au côté « rockstar » voire « pop » qu’on leur reproche souvent, autant qu’à leurs débuts absolument incontournables. Cette époque là est malheureusement bien peu représentée en live, et autant tuer le suspens tout de suite, ce soir ne fera pas exception. L’espoir est pourtant là quand, sans arriver à lire les titres, on distingue pourtant des premiers rangs que les setlists scotchées au sol sont assez longues. Comme Watain hier, les Norvégiens joueront plus d’une heure et sauront presque nous faire oublier la fatigue accumulée.

A l’exception des trois premiers albums, on a plus ou moins droit à une setlist « best-of ». Le bal s’ouvre sur « Black Crown on a Tombstone », seul morceau de The Age Of Nero joué ce soir et qui sonne plus pêchu que sa version studio, avant d’enchaîner sans transition avec « Nocturnal Flame » de l’éponyme. Mais c’est le titre suivant qui me fera définitivement entrer dans le concert, car c’est « Repined Bastard Nation », que j’affectionne particulièrement mais que je n’avais pas eu l’occasion d’entendre en live car plus trop joué ces dernières années. Les « tubes » sont bien évidemment de sortie, et je ne me lasserai jamais de « Fuel for hatred », dont le judicieux placement en fin de set réveille comme un coup de fouet. On compte également trois morceaux du dernier album. Tout comme lorsque je les ai vu l’année dernière, je les trouve vraiment approfondis en live, en particulier « Black Wings And Withering Gloom » et son riff joliment mélancolique.

Satyr est toujours aussi charismatique, cheveux plaqués en arrière et de noir vêtu, il se montre comme à son habitude plutôt bavard sans que cela ne ne prenne non plus le pas sur la musique. Le frontman prend en particulier le temps d’introduire les trois morceaux du controversé Rebel Extravaganza joués ce soir à l’occasion des vingt ans de l’album (réédition de l’album à venir, set spécial à Oslo fin juin et tout le tintouin). Quel plaisir en tout cas que de se prendre dans la gueule « Havoc Vulture » et « Filthgrinder » à la suite, qui sonnent bien plus violentes et sans fioritures que le reste du set. On ne dirait pas non à ce qu’elles reviennent un peu plus souvent dans les setlists. « Supersonic Journey » m’a en revanche parue plus longue et moins accrocheuse que sur album, la faute sûrement à un son assez fort et à la fatigue… Ce moment aura bien failli me faire décrocher, mais le groupe a la bonne idée d’enchaîner avec « Mother North », seule excursion dans le passé « trve » de Satyricon. Au moins, le moment est toujours aussi magique et Satyr s’emploie à le faire durer, nous faisant reprendre les choeurs un certain nombre de fois. Il n’y a pas à faire, je ne m’en lasserai jamais.

Petite sortie de scène rapide durant laquelle Satyr en profite pour sortir sa propre guitare qu’il gardera sur les derniers morceaux. Les Norvégiens finissent comme d’habitude par « K.I.N.G », et le leader fait quelques remerciements avant que le groupe ne se rassemble pour saluer le public.

Bref, Satyricon ne m’a toujours pas déçue et a même proposé une prestation plus variée que la dernière fois que je les ai vus il y a un an. Le groupe reste en soi fidèle à ses habitudes et ne change pas la recette d’un poil, tout en sachant varier un petit peu les setlists pour ne pas lasser. Même si bien sûr, on aimerait toujours plus des trois premiers albums….

Varulven : Car c’est bien ce qui se passe dès la fin du set de Taake. Je finis par m’écrouler de fatigue par terre, puis sur une table. Puis plus les balances se font, plus je me dis que je devrais me reposer au lieu d’aller voir la bande à Satyr et Frost. Car tous ceux qui me connaissent le savent bien, si j’apprécie certains albums récents de Satyricon, comme Now, Diabolical ou The Age of Nero, Je trouve la plupart de leurs productions post Nemesis Divina assez peu marquantes, proposant un univers dans lequel je ne me retrouve que très peu. Sachant en plus que le groupe fait désormais l’impasse sur ses trois premiers albums en live (les meilleurs pour moi, et loin devant !), je prévoyait donc de finir la soirée en PLS dans un coin de la salle.

Mais réveillé par les premières notes de “Black Crow, On a Tombstone”, et ayant déjà pu constater l’efficacité et le professionnalisme de la formation lors de la tournée anniversaire de Nemesis Divina, je finis par me dire qu’il serait stupide de ma part de louper les Norvégiens. Bien m’en aura pris: Car Satyricon a tout simplement livré la meilleur performance de ce dernier jour, servis par un son puissant et clair (le meilleur du week-end). Comme il y a trois ans, le groupe sait tenir l’espace scénique, tous les membres dégagent un certain charisme, en particulier Satyr, avec son air grave et solennel, et son côté “rockstar beau gosse”. Comme attendu, la setlist pioche dans les albums plus Black’n’roll du combo, et dans les deux derniers albums, qui étrangement, passent plutôt bien l’épreuve du live, sonnant beaucoup plus péchu là où les versions studios me font littéralement dormir. Les versions live dégagent en effet quelque chose de plus immersif, entre des mélodies dissonantes et une certaine accalmie, tout en préservant ce qui fait l’essence du nouveau Satyricon, c’est-à-dire le groove, l’efficacité et l’aspect plus mid tempo.

Pour ce qui est des autres albums, la setlist nous sert une sorte de best of, avec les meilleurs morceaux issus des albums Volcano et Now, Diabolical. Du premier, on aura droit “Repined Bastard Nation”, avec son aspect froid et groovy mais surtout le tube “Fuel for Hatred”, véritable gifle sonore, avec son rythme énergique et son agressivité très punk. Puis, pour ce qui est de Now, Diabolical, on aura droit aux sempiternels classiques, avec le morceau éponyme, “K.I.N.G” et “The Pentagram Burns”, trois morceaux qui fédèrent l’assistance grâce à leurs refrains efficaces que l’on peut aisément reprendre en coeur, et leurs riffs groovy, entrainants et presque dansants, avec un feeling à la limite du rock et de l’indus. Bon, étant par contre épuisé, j’ai dormi à un ou deux moments du set, notamment lors de la triplette de Rebel Extravaganza, avant que les riffs de “Mother North” ne me réveille d’un coup, véritable hymne conquérant et épique dont Satyr nous fera chanter les choeurs à de nombreuses reprises.

Comme il y a trois ans, et avec un set exclusivement centré sur leurs productions post Nemesis Divina, Satyricon a réussi à captiver toute mon attention grâce à un show plein de maîtrise, d’efficacité et de professionnalisme. Bon, en revanche, je ne serais pas contre plus de morceaux issus de la triplette Dark Medieval Times, The Shadowthrone et Nemesis Divina. Et pourquoi pas un set exclusif dédié entièrement à ces trois chefs-d’oeuvre ? Enfin, on peut toujours rêver …

Setlist :
Black Crow On a Tombstone // Nocturnal Flame // Now, Diabolical! // Repined Bastard Nation // Deep Calleth Upon Deep // To Your Brethren In The Dark // Black Wings And Withering Gloom // Havoc Vulture // Filthgrinder // Supersonic Journey // Mother North // The Pentagram Burns // Fuel For Hatred // K.I.N.G

Herja : Voilà donc pour cette édition 2019 du Throne Fest.  Ce week-end belge fut clairement fatigant mais en valait la chandelle. Tous les groupes ont su offrir des sets plutôt solides malgré le son parfois un peu fluctuant le premier jour. Je repars de plus de Kuurne avec une belle découverte, The Committee, et avec les sets d’Almyrkvi, Seth, Watain, Taake et Satyricon qui auront été mes meilleurs moments du festival. Pas grand-chose à redire non plus au niveau de l’organisation, si ce n’est celle des navettes parfois un peu chaotique. Mais c’est déjà une très bonne chose que d’avoir eu cette nouveauté mise en place cette année ! Merci aux groupes, à l’orga, et enfin à mon collègue Varulven pour être venu avec moi et pour avoir participé au report !

Varulven : Et c’est ainsi que s’achève cette édition 2019 du Throne Fest. Une édition dans l’ensemble marquante et très réussie, surtout le dimanche, où nous avons eu droit aux meilleurs concerts du week-end, avec qui plus est, un son excellent pour quasiment tous les groupes, contrairement au samedi, où c’était beaucoup plus aléatoire. Si je dois retenir des groupes en particulier pour ce dernier jour, je citerais The Committee, Shining et Satyricon, qui m’ont, chacun à leur manière, vraiment bluffé et surpris. En bref, hormis quelques bémols (notamment la nourriture peu variée et le fonctionnement des navettes), le Throne Fest fut vraiment une expérience très positive, à tous les niveaux. Si l’affiche me plaît, j’y retournerai sans hésiter l’année prochaine. Dans tous les cas, merci aux organisateurs, à la Kubox, aux groupes pour cet inoubliable week-end. Et merci à ma collègue Herja de m’avoir accompagné durant ces deux jours, ainsi que pour sa participation à ce report. A l’année prochaine !

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