Throne Fest 2019 : Jour 1

Varulven: Depuis maintenant six ans, le Throne Fest s’est imposé comme l’un des événements incontournables pour tout fan de musiques extrêmes et de Black Metal qui se respecte. Se déroulant à la Kubox de Kuurne, une petite bourgade dans la banlieue de Courtrai en Belgique, le festival propose tous les ans des affiches à la fois pointues et fédératrices, avec des jeunes groupes prometteurs, les grosses hypes du moment mais aussi les incontournables du genre. Et cette année ne dérogeait clairement pas à la règle, et avec des groupes tels que Watain, Taake, Shining, Seth ou encore Svartidaudi, Almyrkvi, Enthroned  et bien d’autres, impossible pour moi de louper une telle occasion pour enfin faire ce festival dont les affiches me font baver chaque année.

Après de nombreuses péripéties, je retrouve ma collègue Herja à la gare de Roissy, qui m’accompagne pour cette édition 2019 du Throne Fest. Après des trajet Paris-Lille et Lille-Courtrai très tranquilles, je pose mes affaires à l’hôtel et me redirige vers la gare de Courtrai afin d’emprunter la navette, qui nous dépose à la Kubox de Kuurne, lieu où se tient le festival, aux alentours de 12h50. Une fois le pass validé et notre bracelet posé, le festival peut enfin commencer.

Une fois rentré, j’en profite pour faire un petit tour du propriétaire, afin de repérer les lieux clés du fest (merch, stands de nourriture, bars, scène). Bien que de petite taille, la salle demeure malgré tout bien aménagée, avec un espace concert assez spacieux, la scène étant suffisamment grande et il était assez aisé de circuler. Au niveau des stands de nourriture et de boissons, le bar était relativement spacieux, couvrant à la fois la zone concert et le merch et proposant une variété de boissons assez correcte, allant de divers alcools (dont bière) à la limonade en passant par le Ice Tea, le Coca et le Sprite. Idem pour les stands de nourriture, qui proposaient des frites, burgers (végés ou non), hot dogs, pâtes et autres fricadelles. Enfin, la partie merch, bien que pas très grande, était plutôt bien fournie avec un stand pour le merch des groupes en 2 parties (l’une dans l’entrée et l’autre près du stand des jetons), ainsi que plusieurs distros et labels offrant un large choix de CDs, Vinyles et autres K7. Si les CDs étaient relativement abordables en terme de prix (entre 12 et 13 euros en moyenne), les vinyles et autres T-shirts étaient quant à eux assez onéreux, avec une moyenne allant de 20 à 25 euros. Une fois quelques emplettes faites, j’allais me placer devant la scène pour le premier groupe du samedi, les locaux de Coldborn.

Herja : C’est à Kuurne, banlieue de Courtrai, Belgique, que le Throne Fest propose depuis plusieurs années maintenant des affiches Black bien remplies et alléchantes. Première fois pour moi et mon collègue Varulven, que je retrouve samedi matin à Paris pour le trajet (mouvementé) jusqu’à Courtrai.

Des navettes depuis la gare de Courtrai amènent au festival avant et après celui-ci, gros point positif même si celles-ci auraient méritées d’être mieux indiquées. Sachant que c’était apparemment la première année qu’elles étaient mises en place, tout ne peut pas forcément être parfait et on peut espérer que le service soit un peu mieux rôdé les prochaines fois.

Quant à la Kubox, salle où se déroule le festival, je suis agréablement surprise : c’est spacieux, avec un espace extérieur avec tables, beaucoup de stands de distros et labels à l’intérieur. Le festival n’étant pas sold out (mais tout de même bien rempli), on a la place de circuler et on a facilement de quoi prendre des pauses au calme. La nourriture et le bar fonctionnent avec un système de jeton à retirer uniquement avec du cash, pas le meilleur système du monde pour les festivaliers mais bon, on s’y fait, surtout que les prix des frites et burgers ne sont pas très élevés.

Autre surprise : on apprend l’annulation de Deiphago (problème de van ou quelque chose dans le genre), ce qui décale les horaires de jeu des premiers groupes. Coldborn ouvre donc le bal aux alentours de 14h au lieu de 13h.

COLDBORN

Varulven : Arrivé dix minutes après le début de la prestation des Belges, je suis surpris de voir les instruments posés sur une scène vide, lumières de la salle allumées et absence du groupe sur les planches. En effet, comme nous l’apprendrons plus tard, Deiphago, censé jouer après Gaerea, a dû annuler sa venue en dernière minute en raison d’une panne de véhicule, obligeant les organisateurs à décaler le running order d’une heure pour chaque groupe. C’est donc une heure après leur heure de passage initiale que les membres de Coldborn, tous encapuchonnés et grimés, montent sur scène. Projet solo de Norgaath d’Enthroned et Nightbringer, les Flamands proposent un Black Metal très froid et atmosphérique, avec de nombreux passages mid tempo et quelques touches contemplatives. Si le groupe possède quelques idées intéressantes, j’ai du mal à être complètement immergé dans leur univers, malgré les qualités qui se dégagent de leurs compositions, la faute à un son beaucoup trop capricieux, tantôt bouillie sonore, tantôt très correct et des vocaux quasi inaudibles (ce qui ne sera pas la seule fois de la journée malheureusement). Je préfère cependant garder le positif et me dire que ce groupe a sûrement quelque chose à apporter dans un futur proche. Une entrée en matière en douceur, possédant néanmoins son lot de qualités.

Herja : Norgaath, tête pensante du projet, dans Enthroned depuis l’année dernière et bassiste pour Nightbringer, a apparemment lancé Coldborn en 2007 pour un premier (et unique) album en 2016. La qualité du son pas au rendez-vous au début du set s’améliore au fur et à mesure, laissant découvrir un BM plutôt mid-tempo mais pas linéaire pour autant, avec un côté atmosphérique. Ça se laisse écouter sans peine, une bonne ouverture de festival mais rien qui ne m’aura vraiment marquée.

GAEREA

Varulven : Car ma première curiosité et attente du festival furent les Portugais de Gaerea. D’abord, en raison de leur provenance géographique (que voulez-vous, la fierté d’une partie de mes origines sans doute), puis ensuite pour leur musique, un habile et intéressant mélange entre Black Orthodoxe et Post Black / Post Hardcore moderne, ce melting pot d’influences se ressent d’ailleurs sur leur album Unsetting Whispers, album qui m’a par ailleurs beaucoup plu. Il en sera donc de même pour le live : servi par un son parfait, le groupe nous déroule ses compositions lourdes, noires et suffocantes, largement teintées d’atmosphères occultes et d’un aspect décadent, voire post-apocalyptique, rappelant parfois les Français de Celeste ou Regarde Les Hommes Tomber. L’aspect scénique n’est quant à lui pas négligé, puisque se tiennent face à nous quatre silhouettes cagoulées de noir, arborant des sigils sur le visage et menées par un frontman aux allures de pantin désarticulé, véritable maître de cérémonie, le tout baigné dans des lumières très présentes, allant du vert au bleu en passant par le rouge le plus agressif et vif. Je ressors donc complètement envoûté de ce concert, qui fut un véritable show à tous les niveaux. La première grosse claque de cette édition 2019.

Herja : J’avais découvert les Portugais l’année dernière à la sortie de leur premier album Unsettling Whispers. Un mélange de Black Orthodoxe et de quelques relents de Post-Hardcore franchement bien assortis pour un résultat prenant et assez personnel. Bref, suite à cette bonne surprise, j’étais curieuse de voir ce que le groupe donnait sur scène. Aucune déception. Les cinq musiciens évoluent en noir de la tête aux pieds, des symboles sinueux et ésotériques à la place du visage. Gros point positif également pour le chanteur dont la gestuelle déconstruite, parfois au ralenti, apporte un peu d’air frais et change de ce qu’on a l’habitude de voir. Le groupe nous plonge dans son univers abstrait, quelque part entre un Black solennel et des passages déchirants amenés par les éléments Post-HxC. Avec des compos abouties et une présence scénique travaillée, sachant que le groupe n’en est finalement qu’à ses débuts, j’ai plutôt hâte de voir l’évolution de Gaerea les années à venir.

ALMYRKVI

Varulven : Après une petite pause merch due à l’annulation de Deiphago, c’est au tour d’Almyrkvi d’entrer en scène. Représentant de la très prolifique scène islandaise, Almyrkvi se démarque cependant par un côté beaucoup plus atmosphérique et spatial, faisant penser à une version plus céleste et éthérée de Darkspace, mais tout en gardant la noirceur et la dissonance de ses compatriotes islandais. J’attendais donc la bande de Garðar S. Jónsson et Bjarni Einarsson avec beaucoup d’impatience. Et bien autant dire que j’ai été véritablement conquis. Car malgré certains gros points noirs, comme un son parfois inégal entre guitare lead et fréquences basses, et surtout le chant quasi inaudible, les Islandais auront confirmé tout le bien que je pensais d’eux sur leur album Umbra, nous faisant voyager dans l’immensité onirique de l’espace, grâce à une parfaite fusion entre rythmiques sombres et dissonantes et les leads de Þórir Garðarsson, à la fois aériens et hypnotiques, des mélodies lancinantes et célestes qui nous rappellent tout de suite les derniers travaux de Sinmara, ce qui n’a rien d’étonnant lorsque l’on sait que l’intégralité du line up d’Almyrkvi joue également dans Sinmara. Un set rempli d’émotions et de maîtrise, qui nous emporte loin dans la contemplation et l’introspection. Tout simplement magnifique, en attendant ce qui va suivre …

Herja : Suite à l’annulation de leur tournée avec Svartidaudi, quelle bonne surprise que d’apprendre que les deux groupes se produiront tout de même au Throne Fest ! Bon, au vu de la prestation des Islandais, je n’aurais clairement pas dit non à les voir deux fois … Mais on se contente de ce qu’on a. Almyrkvi donc, est un groupe de Black atmo assez représentatif de la scène islandaise qui continue de gagner en popularité (et en qualité) depuis quelques années. Le seul album du groupe, Umbra, propose un son et une ambiance froide, monolithique, assez proche de celle d’un Darkspace, peut-être en moins compacte et plus mélodique. Personnellement, la musique des Islandais me parle plus que celle de la formation suisse.

Autre « détail » qui a son importance, et encore plus en live : Almyrkvi est le projet de deux membres de Sinmara, et ils embarquent en live le reste de leur groupe. Et au-delà de ça, Almyrkvi sonne en live presque plus comme du Sinmara que comme leurs albums studios. Peut-être était-ce aussi dû au son auquel ils ont eu droit, qui mettait largement en avant les lead guitares. Un manque de basse qui s’est aussi senti au niveau du chant, parfois peu audible.

Cela ne me gâche en tout cas en rien le concert, qui sera un de mes meilleurs de la journée. Une leçon d’ambiance, d’atmosphère glaciale avec une scène plongée dans une lumière bleutée qui correspond à merveille avec ce qu’évoque la musique et favorise donc l’immersion. Les quarante minutes de jeu du groupe sont clairement passées très vite, sans aucune pause, quasiment aucune interruption entre les morceaux. Ólafur Guðjónsson (chant), lance discrètement un « We were Almyrkvi » avant de sortir de scène, et les lumières se rallument.

SETH

Varulven : Car ce qui suit ne sont ni plus ni moins que les vétérans français de Seth, qui depuis maintenant quelques temps, ont pris l’habitude d’offrir lors d’événements spéciaux comme la Messe des Morts au Québec, un set entièrement axé sur leur album culte Les Blessures de l’âme sorti en 1998, et qui constitue l’une des pierres angulaires du Black Metal mélo et symphonique en France, ayant par la suite inspiré de nombreux groupes de notre Hexagone et notamment Darkenhold pour les plus récents.

Ce soir, les Bordelais nous offrent donc “Les Blessures de l’ââââââmmmee” en intégralité, comme le dira si bien le chanteur Saint Vincent qui, vêtu de sa toge noire et rouge de prêtre, officie en tant que maître de cérémonie pour ce véritable sabbat. Car oui, Seth nous dévoile une vraie mise en scène, avec autel, grands chandeliers, crânes, calice et (faux) sang, les membres du groupe étant, quant à eux, tous grimés de corpse paint très 90’s. Et si ce tout ce théâtre peut paraître un peu kitsch, il a le mérite de nous transporter directement dans les années 90, à la grande époque des Emperor, Satyricon et consorts.

De même que l’aspect scénique, les compositions de l’album nous font voyager à la grande époque du Black Symphonique, avec des morceaux aux riffs conquérants et épiques, aux mélodies de guitares chevaleresques et aux nappes de claviers donnant un aspect très romantique et nostalgique (on regrettera de ne pas l’entendre plus, ainsi que les passages de guitares clean) . Mention spéciale aux titres “La Quintessence du Mal”, avec un côté très entraînant, “Hymne au Vampire part I et II” et son refrain mémorable, chanté par l’assistance (Les blessures de l’âââmme sont éternellllleeeeess), ou encore “Le Cercle de la Renaissance”, titre dégageant une certaine nostalgie. Malgré un son qui aurait pu/aurait dû faire honneur à certains aspects de la musique du groupe, Seth aura parfaitement réussi son concert, nous livrant une prestation épique remplie de nostalgie, avec le sentiment d’avoir assisté à quelque chose d’intemporel. Car après tout, “Les blessures de l’âââmme sont éternellllleeeeess !!!! “

Herja : Clavier installé dans un coin, petit « autel » devant la batterie, chandeliers, crâne et compagnie, c’est Seth qui investit la scène. Les Français doivent jouer leur album culte Les Blessures de l’âme dans son intégralité, et autant dire qu’ils ont ramené le décor qui va avec. Oui, ça fait kitsch, surtout la tenue du chanteur, mais moi j’adore.

Musicalement, le groupe a malheureusement quelques problèmes de son, en particulier les claviers que je n’arrive pas à entendre et quelques parties clean de guitare qui ont également du mal à ressortir. Outre cela, Seth délivre tout de même un concert mémorable, avec un leader assez charismatique qui semble prendre son rôle de maître de cérémonie à cœur. Malgré les problèmes de son, l’ambiance de l’album est très bien reproduite, les mélodies et compos travaillées mises à l’honneur. Je ne peux en revanche m’empêcher de sourire lorsqu’une femme (dés)habillée en vierge dénudée pénètre sur scène, mains jointes, et qu’elle effectue un petit rituel impliquant du faux sang. Ça fait partie du spectacle.

Le concert continue et se termine au final assez rapidement, on ne l’aura pas plus vu passer que le précédent. Un bel hommage aux 90s qu’on est pas prêts d’oublier.

Setlist : La Quintessence du Mal // Hymne au Vampire (Acte I) // Hymne au Vampire (Acte II) …Vers une Nouvelle Ère // Le Cercle de la Renaissance // Les Silences d’Outre-Tombe // Dans les Yeux du Serpent // …À la Mémoire de Nos Frères

SVARTIDAUÐI

Varulven : Ah Svartidauði ! C’est avec excitation que j’attends le deuxième groupe islandais du festival. Excitation mais aussi beaucoup de craintes, principalement dues une fois encore à la même chose : le son. Car la dernière fois que j’ai vu la bande à Þórir Garðarsson, le son fut une telle bouillie (ce qui est apparemment monnaie courante)  que je me suis ennuyé comme un rat mort, ayant plus des relents de migraine que des étoiles plein les yeux. Ajoutez à cela la fatigue naissante et le son pas toujours optimal pour les groupes précédents, et je commençais à douter de ma capacité à apprécier la musique du combo en concert, et ce, malgré toutes ses qualités en version studio.

Finalement, après un début de show au son approximatif (qui me fit quitter la salle deux fois afin d’aller me reposer pour tenir le reste de la soirée), la qualité sonore s’améliorera progressivement jusqu’à devenir très correcte, me permettant ainsi de profiter du Black Orthodoxe tortueux et suffocant de Svartidauði, à travers leurs rythmiques lourdes et dissonantes et leurs mélodies vicieuses suintant le soufre. Car en tant que pionnier et fer de lance de la vague BM islandaise, Svartidauði incarne mieux que ses congénères l’essence même du style tel qu’il est pratiqué sur la terre de glace et de feu : une atmosphère rampante et souterraine, agrémentée de mélodies ésotériques d’où se dégagent une noirceur et une dévotion plus que palpables, le tout porté par la voix grave et caverneuse du chanteur-bassiste Sturla Viðar.

Bien que très terreuse et profonde, la musique sait aussi prendre un aspect plus mélodique et aéré, comme le montre l’aspect beaucoup plus fluide et cérémoniel des morceaux de leur second album Revelations of The Red Sword, notamment “Sol Ascending” ou “Burning Worlds of Excrement”. De prime abord sceptique, le gang de Reykjavik nous aura finalement offert une performance occulte, prenante et très immersive. Un excellent moment.

Herja : Le set de Svartidauði est un de ceux que j’attendais le plus de la journée, pour la même raison qu’Almyrkvi. Suite à l’annulation de la tournée, le Throne Fest est l’occasion pour les Islandais de défendre leur (excellent) dernier album, Revelations of the Red Sword, qui, dans la continuité de Flesh Cathedral, propose un Black Metal lourd, tortueux, déconstruit et dissonant, puisant en particulier ses influences chez nos Français de Deathspell Omega. Plus agressifs dans la composition et dans l’esprit que leurs comparses vus plus tôt dans la journée, on y retrouve tout de même ces mélodies glaciales et venimeuses – le côté lumineux et atmo en moins.

Le combo investit la scène et impose d’emblée une atmosphère pesante : foulards sur le bas du visage, attitude stoïque et imposante au milieu d’une scène baignée d’une lumière rouge. J’ai cependant un peu de mal à rentrer dedans dès les premiers titres, mais le son est au final plutôt bon et on distingue facilement les leads dissonants perçant les rythmiques écrasantes.

Après quelques titres, j’arrive finalement à vraiment m’immerger dans la musique du groupe et me laisser happer par la noirceur pure qui se dégage des pionniers islandais, peut-être bien d’ailleurs les seuls aujourd’hui à être restés aussi proches de leur son d’origine avec leur dernier album. Les quatre musiciens sont implacables, ne nous laissent pas une seconde de répit sur les cinquante-cinq minutes de jeu qui leur sont allouées. On en ressort avec quelques cicatrices et on en redemande.

ENTHRONED

Varulven : Je profite du set d’Impaled Nazarene pour faire une pause nourriture et merch (en effet, ce que j’entends des Finlandais me confirme que tout ce qui est War, Brutal et Bestial Black, ce n’est vraiment pas pour moi). Dès la fin de leur concert, je retourne dans la salle me placer pour le groupe que j’attends sûrement le plus avec Watain ce samedi : les Belges d’Enthroned. Pionnier de la scène belge avec Ancient Rites, le concert du groupe ce soir est tout particulier, puisqu’il s’agit de la release party officielle de son nouvel album Cold Black Suns, sorti la veille chez Season of Mist. De la bande à Nornagest, je connais surtout les deux premiers albums issus de l’ère Sabathan, Prophecies of Pagan Fire et Towards The Skullthrone of Satan, ainsi que Sovereigns, qui voyait le groupe poursuivre l’évolution entamée depuis Tetra Karcist vers un Black Metal plus sinueux et ésotérique, tout en conservant l’aspect mélodique, brutal et sans concession des débuts. Les musiciens dégagent tous un charisme sombre dans leurs tenues encapuchonnées (décidément c’est la mode), le vocaliste Nornagest en tête, avec sa carrure et sa voix imposante.

Pourtant, malgré un concert de bonne facture, je reste tout de même un peu sur ma faim, et ce pour deux raisons. D’abord, le son. Encore et toujours le son. S’il est loin d’être mauvais, il est beaucoup trop chargé en basses, ce qui, pour un style qui fait la part belle aux fréquences aiguës, est forcément préjudiciable. Ensuite, j’attendais vraiment que le groupe nous balance à la gueule la tuerie qu’est “Ha, Shaitan !”, avec son côté à la fois rentre-dedans et mélodique, un incontournable classique du groupe normalement joué à tous ses concerts. Pourtant, ces points négatifs ne m’ont pas empêché de trouver des éléments de satisfaction dans la prestation des Bruxellois, loin de là.

En effet, plusieurs morceaux ressortent vraiment du lot, notamment ceux de Cold Black Suns, qui accentuent davantage l’aspect plus sombre et occulte développé sur les derniers albums, comme sur “Vapula Omega ou “Silent Redemption”, mais rappellent aussi qu’Enthroned n’a rien perdu en intensité, comme le montre la rafale qu’est “Hosanna Satana”, ou encore des titres comme « Through The Cortex » et “Tellvm Scorpionis”, qui marient à la perfection brutalité, atmosphère ésotérique et mélodies accrocheuses. Mais le point d’orgue reste le dernier morceau joué, “Of Feathers and Flames”, extrait de Sovereigns, avec ses mélodies lancinantes et son ambiance rampante et cérémonielle qui, poussée à son paroxysme, termine le concert en apothéose. Une prestation honorable, mais qui aurait pu/dû être mémorable. Dommage.

Herja : N’étant pas non plus très fan d’Impaled Nazarene, je reviens tout comme Varulven pour Enthroned. Je connais le groupe de nom et de réputation mais n’ai malheureusement jamais eu trop le temps de me pencher sur sa discographie. Des quelques titres que j’ai pu écouter, je sais que ça peut potentiellement me plaire et être une expérience sympathique en live … J’ai donc moins d’attentes que mon collègue pour le coup, me contentant de me « laisser porter ».

Déjà, backdrop sublime et imposant, mais on n’aura malheureusement guère le temps d’en profiter, les lights durant le show le masquant les trois-quarts du temps. Niveau son, un peu trop de basses empêche de bien saisir les leads si on ne connaît déjà pas bien les compos. Dommage, car certains passages sonnent du coup comme du bourrinage un peu brouillon. En tout cas, le groupe envoie sur scène et Nornagest, le frontman, se montre très communicatif. Il faut dire que les Belges jouent plus ou moins à domicile et sont là pour ni plus ni moins que la release party de leur dernier album, Cold Black Suns, sorti deux jours plus tôt. L’ayant écouté rapidement à la sortie, les morceaux m’ont semblé plus expéditifs en live, s’embarrassant moins de parties atmosphériques que j’avais personnellement trouvées un peu trop présentes sur album. La plupart des morceaux interprétés ce soir sont d’ailleurs tirés de l’album mais on aura droit à quelques autres titres des derniers albums. On imagine en tout cas bien un titre comme « Hosana Satana » devenir un régulier des concerts du groupe, tant le single se révèle être une déferlante de violence taillée pour le live.

WATAIN

A peine les membres de Enthroned sortent-ils de scène que les techniciens s’affairent afin d’installer l’immense décor qui accompagne habituellement les Suédois. C’est la quatrième fois que je vois la bande d’Uppsala ce soir, et force est de constater que si on ne peut pas nier, à force, l’aspect théâtral, voire “rituels occultes bidons” de leurs shows, l’aspect à la fois brut et cérémoniel des prestations de Watain fait toujours son petit effet, il se dégage toujours de leurs concerts un certain côté solennel et mystique, ce qui, pour moi, fait du groupe mené par Erik Danielsson LE groupe de Black Metal “mainstream” le plus crédible et sincère qui soit actuellement.

Alors que la scène jonchée de tridents en métal et d’autres apparats en tout genre se transforme en un brasier enflammé, c’est sur une introduction solennelle et religieuse que rentrent les membres menés par un Erik Danielsson, les yeux révulsés,  tenant son rôle de prêtre à la perfection. Une fois tous les décors enflammés, le rituel peut dès à présent commencer.

Je n’ai pas forcément envie de tergiverser trois heures,  j’irai donc droit au but : la prestation des Suédois fut très semblable aux deux derniers concerts que j’ai vus du groupe, et plus particulièrement le dernier en date, celui vu au Trabendo en compagnie de Rotting Christ et Profanatica. Je m’explique : comme sur cette date, Watain a sorti une setlist “second couteau”, contenant des morceaux ne figurant pas au rang de classiques du groupe, mais pourvus d’une efficacité certaine sur les planches, notamment “The Child Must Die” et “All That May Bleed” de The Wild Hunt, mais également les chansons du dernier album (qui, si elles manquent cruellement d’intérêt en studio, se révèlent assez accrocheuses en live). Comme lors des shows précédents de Trident Wolf Eclipse, Watain ont perdu en “théâtralité” ce qu’ils ont gagné en violence et en spontanéité. Les morceaux de TWE, comme par exemple “Nuclear Alchemy” ou “Furor Diabolicus” apportent en effet un aspect plus viscéral à la prestation, le son très compact ne nous permettant pas de jouir des mélodies tranchantes qui font l’identité du combo, il nous emporte néanmoins dans un torrent de haine, de feu et de violence.

Le set comporte pourtant quelques morceaux qui se placent au-dessus du reste, et porte le concert vers des contrées épiques et plus ésotériques, comme les morceaux “Underneath The Cenotaph” et “Total Funeral”, avec leur leads mélodiques et thrashy,  “I am The Earth”, véritable hymne cérémoniel, “Malfeitor” et son envolée épique, et surtout “Stellarvore”, véritable marche occulte teintée de mélodies malsaines et hypnotiques, qui nous emmènent, nous et notre esprit, au plus profond de nos pensées impies et blasphématoires. Le groupe tire finalement sa révérence après un dernier rituel, nous laissant regagner, l’esprit embrumé et la peau encore brûlante, le chemin du retour. Ce fut certes moins mémorable qu’à la Maroquinerie en janvier 2018, il y a un sentiment de déjà vu, mais Watain aura encore réussi à nous pervertir l’esprit le temps d’un concert.

Herja : J’ai vu les Suédois pour la dernière fois en novembre avec Rotting Christ au Trabendo mais ils faisaient tout de même partie des groupes que j’attendais le plus du festival. Tout simplement parce qu’ils sont une valeur sûre en live. Watain a bien sûr ramené avec eux tout leur décorum, dont l’installation prend une bonne demi-heure. Fond de scène massif et énorme logo surplombant la scène, décor symétrique avec de chaque côté étendards, de nombreux tridents de taille variée, croix inversées massives, os, etc, le sanctuaire de Watain se construit peu à peu jusqu’au début du concert. Tout est familier avec le temps, mais force est de constater que la mise en scène fait toujours son effet et, surtout, que l’aura que dégage le groupe est toujours bien présente.

Les lumières s’éteignent et des samples de chants grégoriens nous plongent directement dans l’atmosphère occulte de la soirée, alors qu’Erik pénètre le premier sur scène et enflamme les tridents. Le reste du groupe investit bien vite la scène et ouvre le bal avec « Underneath the cenotaph » de Sworn to the dark. La tenue vestimentaire, les corps recouverts de sang, de blanc et de noir, l’attitude pleine de hargne et de dévotion, sans compromis, tout est là pour impressionner. Erik Danielsson se montre toujours aussi possédé et charismatique, la voix brûlante de rage. Inutile de préciser qu’il aspergera en effet les premiers rangs de sang, à la grande joie de certains adeptes.

C’est la violence pure qui sera mise en avant ce soir plus que les leads mélodiques qui font pourtant toute la beauté venimeuse de Watain, du fait du son qui les mettra malheureusement peu en avant et de la setlist. Celle-ci est en effet axée sur Trident Wolf Eclipse et les deux derniers albums en général. Bon, au final, tous les albums seront représentés à l’exception du premier et on aura droit à des moments puissants et épiques, comme sur « The Child Must Die » (que je trouve être l’un des meilleurs de The Wild Hunt), « I Am the earth » et bien sur « Malfeitor ». Mais le moment le plus fort arrive pour moi avec l’avant-dernier morceau, puisque nous avons droit à ni plus ni moins que « Stellarvore », mon morceau favori de Watain que je n’avais jamais entendu en live … Et quelle claque. On se retrouve transporté de la première à la dernière note, au cœur d’une prestation portée par un parfait maître de cérémonie. Le passage dévastateur de Watain se termine bien entendu par un rituel que le frontman effectue seul avant de sortir de scène. Une prestation aussi haineuse et brûlante que ce à quoi on est habitué, même si je ne regrette un peu qu’elle soit si semblable à celle de novembre dernier.

Setlist : Underneath The Cenotaph // Nuclear Alchemy // The Child Must Die // I am The Earth // Total Funeral // Furor Diabolicus // Sacred Damnation // All That May Bleed // Malfeitor // Towards The Sanctuary // Stellarvore

Conclusion

Varulven : C’est donc sur ce concert de Watain que s’achève cette première journée du Throne Fest édition 2019. Le bilan de ce samedi est donc plutôt positif, avec des prestations réussies de la part de tous les groupes, même si certaines auraient été bien meilleures si elles avaient bénéficié d’un son irréprochable tout le temps. Relevons néanmoins les performances de Seth, d’Almyrkvi, de Svartidaudi et de Watain, qui sont véritablement sorties du lot selon moi. La petite déception fut malgré tout Enthroned, pour les raisons que j’ai mentionnées plus haut.  C’est donc épuisés et engourdis que l’on regagne le centre-ville de Courtrai afin de bien nous reposer, en vue de la deuxième et dernière journée du festival.

Herja : Les navettes sont à nouveau mises en service pour le trajet vers Courtrai, mais c’est cette fois la bataille pour pouvoir avoir une place et ne pas avoir à attendre la prochaine. Une première journée épuisante, où chaque groupe a honnêtement su donner une belle performance avec un son correct, et qui s’améliorera d’ailleurs le lendemain. A suivre donc …

REPORT DU JOUR 2

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