Ivar Bjørnson & Einar Selvik’s Skuggsjá

SkuggsjaLes anglo-saxons ont une expression très fine lorsqu’il s’agit de distinguer le moment où une série télévisée commence à perdre de sa qualité : « Jumping the Shark ». C’est à peu près ce que j’ai ressenti à l’écoute de ce projet commun à Einar Selvik, tête pensante de Wardruna et ancien batteur de Gorgoroth et à Ivar Bjørnson, leader d’Enslaved et figure incontournable du Black Metal norvégien.

En guise de prologue, je tiens à dire que je suis un amateur inconditionnel des productions d’Einar Selvik, mais a contrario, un farouche détracteur d’Enslaved ! (Je reconnais néanmoins la qualité de leurs performances live, et leur impact sur la scène Black Metal). Les conditions n’étaient donc pas toutes réunies pour que cet album me plaise me direz-vous, mais je partais sans a priori aucun, ma curiosité attisée par cette association étonnante entre deux musiciens qui pratiquent un style radicalement différent.

Mais revenons-en à la genèse du projet. Skuggsjá  a été composé à l’occasion du 200ème anniversaire de la Constitution Norvégienne, et devait être joué pour la première fois lors du festival Eidsivablot. Ce dernier a aujourd’hui disparu pour donner naissance au festival Midgardsblot. A l’image de son aîné, le Midgardsblot associe musique (principalement du Black Metal) et histoire par la mise en place d’activités culturelles variées en lien avec l’histoire Scandinave. La signification du mot Skuggsjá (« miroir » en vieux norrois) est vectrice de sens. En effet, l’idée de base est d’intégrer la culture, les traditions et les instruments scandinaves anciens dans une pièce musicale moderne, véritable reflet de l’identité norvégienne.

Il est donc tout à fait incohérent de comparer Skuggsjá à Wardruna, ou de le réduire à une simple évolution « électrique/metal » de ce dernier. Les concepts sont différents, bien que musicalement similaires. Impossible malgré tout de se détacher totalement de ce que Selvik avait produit jusqu’alors, d’où mon introduction fâcheuse.

Enfin, un autre point noir : Season of Mists avait su nous teaser, en proposant deux titres avant la sortie officielle, mais la montée en puissance a fait « pshiit » lorsque lorsqu’un streaming intégral et légal a été proposé quelques jours à peine après l’ouverture des précommandes… Oui, je suis définitivement fâché !

Bien, j’espère que ces quelques mots ne vous auront pas fait passer l’envie d’écouter l’album (même s’il n’existe pas de meilleure promotion qu’une critique acerbe accompagnée d’un vicieux 0/10 !), et il est plus que temps de faire abstraction des ridicules procédés marketing et communication pour se concentrer sur la musique, matière bien plus noble.

L’album commence plutôt bien, au son d’une introduction intrigante mais fraîche, rythmée par des voix calmes et profondes, qui assure une première approche très adaptée au titre suivant, l’éponyme, tout à fait réussi *bien plus réussi que son clip de merde (désolé), précédé de surcroît par une publicité pour les pâtes Herta*. A ce moment de mon écoute et considérant les titres qui avaient été dévoilés en avance par SoM, je me demandais ce que venais faire Ivar Bjørnson dans tout ça, jusqu’à ce que le titre suivant débute Makta Og Vanæra (I All Tid), et que le ciel s’effondre sur mes frêles épaules. Supplice indescriptible de plus de 10 minutes. Ils ont même réussi à caler des sortes de cornemuse vers 5 minutes. En soi, c’est déjà plutôt moyen vis-à-vis de l’image qu’on a du projet, mais le pire, c’est que c’est certainement le meilleur passage du titre…

Après 10 minutes de grimaces, la salvation vient de Tore Hund et Rop Frå Røynda – Mælt Frå Minne qui proposent un mélange bien mieux senti des styles respectifs aux artistes, à savourer allègrement. Ceux qui trouvaient le style de Wardruna un peu trop inaccessible sauront très certainement s’approprier ces morceaux moins ambiants.

Mais après le beau temps vient la pluie, voire même le déluge, sauf que celui-là ne nettoie rien… Skuggeslåten est une nouvelle chute dans les abysses : un riff d’intro raté et du remplissage. Vers 3 minutes, on pourrait croire qu’ils ont intégré dans leur morceau les conneries que je joue à la guitare quand j’ai pas grand-chose à faire… Bref, j’ai du mal à comprendre comment les titres peuvent être aussi hétérogènes entre eux, d’autant plus que ce dernier est suivi de l’extraordinaire Kvervandi, un sans-faute comme on en trouve rarement et de Vitkispá, une reprise intéressante de Völuspá.

Et puis c’est l’incompréhension à nouveau. Bøn Om Ending – Bøn Om Byrjing est un autre titre fleuve qui ne m’a pas touché, malgré le fait qu’il soit meilleur que les autres désillusions dont j’ai pu faire part précédemment… Enfin l’outro, continuité de l’intro mais qui contrairement à sa consœur, a un goût bien amer. L’excitation du début est malheureusement remplacée par l’âpreté.

L’édition deluxe de l’album a pour avantage de proposer deux titres bonus : Skaldens Song Til Tore Hund et Quantum Pasts, qui sont en fait des reprises de titres proposés précédemment. C’est appréciable, mais ça ne suffit pas à gommer cette vilaine déception générale. Générale oui, car lorsqu’on le prend à tête reposée, l’album présente autant de très bons titres que de très mauvais, on trouve donc un certain équilibre d’un point de vue quantitatif. Il est difficile de dire que j’en attendais plus de la part de Selvik et de Bjørnson puisque certains morceaux sont extraordinaires. En revanche, j’ai été surpris par la pauvreté d’une partie non négligeable de leur travail. Et comme le cerveau retient mieux les expériences négatives que positives, la déception s’impose.

Je sais que cet album a connu un certain succès que je peux comprendre puisqu’il envahit un segment alors inoccupé. Cette association a certainement trouvé ses amateurs. Bien que je refuse de considérer cette opus comme étant mauvais (considérant le très bon), je ne suis absolument pas séduit par ce projet pourtant porté par des artistes immenses. J’espère que tout cela n’aura aucune influence sur le prochain album de Wardruna, prévu à l’automne.

PS : Ne prenez pas trop en compte la note respectable, il faut bien que je justifie la présence du coffret édition deluxe dans ma collection – matérialo-groupisme quand tu nous tiens –

Wunjo

6/10

 

Tracklist :

  1. Ull Kjem
  2. Skuggsjá
  3. Makta Og Vanæra (I All Tid)
  4.  Tore Hund
  5.  Rop Frå Røynda – Mælt Frå Minne
  6.  Skuggeslåten
  7.  Kvervandi
  8.  Vitkispá
  9.  Bøn Om Ending – Bøn Om Byrjing
  10.  Ull Gjekk
    Edition bonus
  11. Skaldens Song Til Tore Hund
  12.  Quantum Pasts

Sortie : 11 mars 2016

Liens du groupe :

https://www.facebook.com/SkuggsjaNO/?fref=ts

http://www.skuggsja.no/

https://skuggsja.bandcamp.com/

 

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