Faun / Emian / Luc Arbogast

C’était un concert auquel je n’avais pas prévu de me rendre à la base. Quelques jours seulement avant le concert de Faun à Paris, moult fois reporté, le destin s’en est mêlé et j’ai eu la chance d’avoir une invitation pour cette date. La formation allemande faisait la promotion de son dernier album intitulé Pagan lors d’une tournée européenne, et les quatre dates françaises étaient organisées par la boîte de production Blue Neko. Ce nom vous dit sans doute quelque chose puisque ce sont des membres du Neko Light Orchestra qui gèrent cette organisation. Le groupe toulousain produit également en Occitanie un festival médiéval fantastique du nom de Échos & Merveilles.

A peine sortie du travail, je fonce prendre le métro, direction Anvers. Le concert devait initialement avoir lieu au Trianon mais a finalement été déplacé dans la salle voisine de l’Elysée Montmartre. J’arrive pile à temps pour l’ouverture des portes, et lorsque j’ai vu la longue file d’attente à l’entrée, j’étais bien contente de voir qu’il y avait une file spécialement faite pour les invitations. Premier rang, me voilà ! Même si j’étais contente d’être bien placée, il a quand même fallu que je prenne mon mal en patience puisque le début du concert était prévu une heure plus tard.

Vu la disposition des noms sur l’affiche, je ne m’attendais pas à ce que ce soit Luc Arbogast qui fasse l’ouverture du concert. Pour ma part, la découverte est totale, bien que j’aie entendu parler de l’artiste plus d’une fois (notamment à travers les live reports du Toxicomélomane), puisque je n’avais jusqu’alors jamais eu l’occasion de le voir en live.

Luc entre seul sur scène sur une intro religieuse et déclame ses textes sur un ton invocateur, avant de basculer sur du chant très certainement délivré en latin. Et là, je suis bluffée, Luc passe soudainement d’une voix grave à une voix de contre-ténor qui fait en grande partie sa renommée. On aurait presque cru entendre un castrat, c’était vraiment impressionnant.

Accompagné de son bouzouki, le chanteur salue le public et ne perd pas de temps pour le faire participer puisqu’il lui demande de chanter en chœur sur le morceau suivant. C’est vraiment appréciable d’avoir en face de soi un artiste qui interagit autant avec son public, avec beaucoup d’humour qui plus est, puisque Luc nous a taquinés en lançant que nous avions « autant de voix que Carla Bruni ». Même une des chaussures de Luc servait d’instrument avec les chaînes qui faisaient office de percussions.

En troubadour des temps modernes, Luc Arbogast interprète des ballades médiévales, tantôt en latin, tantôt en vieux français, parfois sur fond d’orchestrations entraînantes et chevaleresques. C’est un musicien accompli puisqu’il introduit le titre « Branle de Bourgogne » à la flûte. Messire Arbogast continue de nous solliciter en nous demandant d’entamer une petite danse très simple, « deux grands pas à gauche, deux petits à droite », « mais attention de ne pas vous prendre le mur ! ».

Luc annonce le morceau « Darshan » en expliquant que ce soir c’était un concert « revival » de musique médiévale mais que dans beaucoup de pays, on jouait encore tous les jours des morceaux traditionnels. Non non, Luc n’insinue absolument pas qu’on vit encore comme au Moyen-Age dans ces contrées… Pour cette chanson traditionnelle du Maghreb, le musicien s’assoit et s’accompagne de la shruti box et de la derbouka.

Le titre « Dictam Johahham Inspe » a été composé en hommage à Jeanne d’Arc. Luc s’accompagne pour ce morceau du davul, un tambour à deux faces très répandu en Europe orientale et au Moyen-Orient.

Le set prend fin sur « Hypnosis ». Avant de commencer à jouer, Luc demande d’abord au public masculin de chanter avec autant de ferveur que « quand il lave sa voiture ou quand il défend sa famille ». Les messieurs s’exécutent et Luc plaisante en disant « bon maintenant je vais imiter la voix des VRAIS hommes » et poursuit en expliquant que pour les femmes, il avait adapté la mélodie. Nous crions alors à la misogynie avant de nous apercevoir que Luc a finalement préparé un air plus élaboré pour les demoiselles. Après un temps d’échauffement, le morceau commence enfin et Luc greffe son chant au nôtre. C’était un très beau moment de communion, et avant de quitter la scène, Luc tourne le micro vers nous.

SETLIST : Legenda Mysterosa / Requiem + Ad Silencia / Nausicaa + Le Roy a fait battre tambour / Cant de Gevaudan / Branle de Bourgogne / Darshan / Dictam Johahham Inspe / Hypnosis

Le temps du changement de plateau, Nico du Neko Light Orchestra vient sur scène pour remercier Luc Arbogast d’avoir répondu présent et pour présenter le groupe suivant. Quelques jours avant le concert, Nytt Land a été contraint d’annuler sa venue en raison du contexte géopolitique. Ce sont les Italiens d’Emian qui les remplacent sur la tournée. Quelque part, cela m’arrangeait car je n’avais jamais vu le groupe en live. Le groupe prend la forme d’un duo composé du multi-instrumentiste Emilio A. Cozza et de la chanteuse et harpiste Anna Cefalo. La formation est originaire de Campanie, région située au sud de l’Italie, et jouait pour la première fois à Paris.

Emilio arrive sur scène pieds nus tandis qu’Anna est encapuchonnée. Comme évoqué plus haut, Emilio touche à tout : flûte, bombarde, vielle à roue, guimbarde. La chanteuse se montre également très bonne musicienne puisqu’elle jouera tout au long du set de la harpe celtique, du synthé et du tambour.

Emian nous offre un concert riche en convivialité et en enthousiasme, traits caractéristiques du peuple italien. Anna s’est d’ailleurs amusée à dire qu’il fallait l’excuser si elle était aussi bavarde, car cela n’est pas un mythe, les Italiens sont de vraies pipelettes ! La chanteuse a même pensé à voix haute que les lumières la gênaient pour voir correctement les cordes de sa harpe.

Bien que le duo nous fasse voyager des contrées celtiques aux terres nordiques à travers ses propres compositions folk/pagan, il interprète évidemment des morceaux inspirés du folklore traditionnel italien. Le groupe a par exemple joué le morceau traditionnel « Rosabella » dont l’histoire se tient en Calabre et qui parle d’une jeune femme qui va chercher de l’eau à la fontaine du village pour sa famille, et un homme abuse d’elle et l’oblige à l’épouser. Cela m’a rappelé le concert de Garmarna et force est de constater que les histoires folkloriques sont rarement très gaies. La réaction d’Emilio m’a bien fait sourire, en mode « Quoi ? C’est tout à fait normal ! ».

 

Au bout d’à peine une demi-heure, Anna annonce déjà la fin du set avec un titre aux sonorités electro sur le thème des sorcières. Pour ma part, Emian fut une très bonne découverte, mais c’était trop court !

SETLIST : Evoé evoé + Vesuvius / Oriental San_Set / Rosabella / Januae

La première et dernière fois que j’ai vu Faun, c’était au Cernunnos Pagan Fest en 2018. Je ne garde pas un souvenir impérissable de la prestation des Allemands car j’étais loin de la scène, et mes collègues Heron Maiden et Axoria, qui connaissaient bien mieux que moi le groupe, avaient été très déçus en découvrant la nouvelle chanteuse qui avait une voix trop criarde à leur goût. Cette fois-ci je suis aux premières loges et j’ai eu le temps d’écouter le dernier album Pagan avant le concert, cela devrait m’aider à être plus réceptive.

Le groupe entre en scène sur « Andro » issu de l’album Licht. On compte six membres que sont Oliver Satyr, chanteur/frontman au bouzouki irlandais et au nyckelharpa ; Laura Fella au chant et au tambourin ; Stephan au chant, à la vieille à roue et aux low whistles ; Adaya de Baïracli Levy au chant, à la cornemuse, à la flûte et au banjo ; Rüdiger Maul à la batterie et autres percussions ; et Niel Mitra au synthé. Ces deux derniers étaient surélevés grâce à des plateformes installées sur scène.

Durant une heure et demie, Faun a distillé son pagan/folk médiéval empreint de féerie et fortement ancré dans les cultures celtiques et nordiques. La preuve en est avec des titres comme « Nacht des Nordens », « Odin » initialement chanté en duo avec Einar Selvik, et « Galdra », inspiré de l’Edda, en duo avec Lindy-Fay Hella. L’introduction de « Tamlin » me faisait même penser à « Heimta Thurs » de Wardruna. Le talent du groupe, c’est de parvenir à fusionner avec brio des sonorités anciennes à un son moderne.

En bon groupe de folk/pagan qui se respecte, Faun aborde des thématiques très « hippies » comme l’amour au sens sensuel du terme (voire sexuel, n’ayons pas peur des mots) avec le titre « Walpurgisnacht », et la nature avec le titre final « Hymn to Pan ». On retrouve bien entendu des thèmes folkloriques avec des morceaux comme « Halloween » qui, comme son nom l’indique, parle des sorcières.

Sur certains morceaux comme « Gwydion » et « Rhiannon », Laura s’éclipsait. Lors de « Feuer », morceau sur le thème du changement, Oliver a demandé aux spectateurs d’allumer la lampe de leur téléphone. A la fin de « Rhiannon », les membres du groupe salue le public une première fois, sort de scène, et « Wenn wir uns wiedersehen » marque le rappel. Oliver présente alors les musiciens un à un et nous demande de rester pour la photo finale. Le chanteur poursuit en annonçant une surprise : sa sœur se mariait le lendemain. Oliver lui prépare un cadeau très original puisqu’il a pris une vidéo lors de laquelle Stephan jouait la chanson de mariage à la vielle à roue, et à la fin nous avons tous clamé « Jasmine and David, congratulations ! ». Alors ça, elle risque de s’en rappeler longtemps la frangine !

SETLIST : Andro / Nacht des Nordens / Diese Kalte Nacht / Walpurgisnacht / Baldur / Odin / Gwydion / Tamlin / Iduna / Halloween / Galdra / Feuer / Rhiannon / Wenn wir uns wiedersehen / Thalia / Hymn to Pan

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