Drenaï – Nadirs

Il y a 2 ans naissait Deathwalker, un album aussi solide sur la forme que pertinent sur le fond, mené d’une main de maître par 7 Rouennais pour qui l’héritage de Mr Gemmell vaut plus que des rééditions incessantes, toutes aussi belles qu’inutiles, de ses œuvres les plus cultes. De ses premiers pas au fin fond d’un sous-sol aussi étroit qu’étouffant d’un bar de Rouen au Hornerfest en Allemagne aux côtés de Finntroll et Skyforger, sans oublier un passage remarquable au Cernunnos Fest, on peut dire que Deathwalker a grandi ! Et pour reprendre un concept fort « Gemmellien » on peut même dire qu’il a vieilli et qu’arrivera un moment où, rempli de sagesse et fort de son impact sur le monde, il laissera sa place dans la lice à un combattant plus vigoureux. C’est ainsi que naît Nadirs.

A mi-chemin entre l’album et l’EP cette deuxième création prend évidemment place dans l’univers de Gemmell mais change toile de fond troquant la légende épique de Druss avec le peuple des steppes, les Nadirs. Et déjà en soi c’est un coup de maître. Je me suis demandé quelle forme allait prendre ce second opus, quelle histoire allait être racontée ? Surtout, qu’est ce qui pouvait passer derrière le tout puissant Druss ? C’est donc tout à fait judicieux de non plus s’attarder sur des personnages, mais sur une destinée, celle de tout un peuple, car cela donne l’authenticité qu’il faut à Drenaï pour changer subtilement de style. En effet, exit le folk metal hargneux mettant parfaitement en valeur la nature guerrière de Druss, faites place à du folk directement inspiré par ces tribus nomades et sauvages non dénuées de violence mais dominées par la rusticité de leur existence. Et c’est à ce moment que les Normands ont fait un choix, celui d’être parfaitement intègre dans leur démarche quitte à en faire un album bien moins facile d’accès. Parce qu’il faut bien comprendre que la musique de Drenaï est absolument indissociable de son univers, encore plus sur ce deuxième album, ce qui en fait une faiblesse autant qu’une force. La première écoute est déroutante par son aspect « conte », une structure d’album que je n’avais encore jamais rencontrée, en effet chacun des cinq titres est accompagné d’une narration totalement convaincante, rarement de chant à proprement parlé, ce qui en fait déjà un album unique. La contrepartie est que si vous êtes là uniquement pour la musique, vous allez passer à côté de quelque chose, mais la musique j’y reviendrai plus tard. Mais voilà, on y retourne une, deux, trois fois et on apprend à s’envelopper de ce cocon narratif nous faisant vivre le quotidien de ce peuple désuni. Et j’insiste sur le fait qu’écouter un album, ce Nadirs en l’occurrence mais ça vaut pour tous, c’est avant tout essayer de se projeter dans la vision qu’en a l’auteur (quand l’auteur en a une bien sûr) et en ce qui concerne Drenaï je l’avais dit sur leur premier opus et c’est toujours valable, ils parviennent avec toujours autant de solennité à retranscrire l’univers de Gemmell en musique. Alors prenez le temps de lire les paroles, de vous imprégner du sens des mots, comprenez la rudesse de la vie décrite dans le titre Broken Nation, ressentez la fureur et l’espoir de la vision de Nosta sur Beyond The Gate, cet album il faut le vivre !

 

Bon, c’est bien tout ça mais c’est un compact disc que j’ai entre les mains pas un livre, me direz-vous. Certes, mais il me semble primordial de bien saisir l’importance du fond car la musique ici sert le propos avec justesse, l’embellit et lui donne vie. Alors, pour ceux qui ne le savent pas je précise d’ailleurs que chez Gemmell les Nadirs sont inspirés des tribus mongoles. Ça donne déjà une idée de l’empreinte phonique de l’album. Cela dit on retrouve ce qui semble devenir la « patte Drenaï » avec des chœurs très variés, tantôt grave, tantôt aigus, mais toujours appropriés. Et donc comment vous décrire l’inspiration mongole sans évoquer le titre Shaman ? Et j’insiste sur « inspiration » parce que ce n’est pas un album de musique trad mongole hein ! Ce sont de petites touches venant par ci par là appuyer le contexte, l’ancrer dans une réalité. Shaman donc, s’ouvre sur de la flûte asiatique plantant un décor aride, puis la narration habillée d’arpèges prend le relais de cette ambiance incertaine pour vite s’ouvrir à plus de bonhomie avec l’arrivée de la Derbuka puis du Tin Whistle rappelant vaguement l’entrain que pouvaient apporter les notes de flûte sur Sieben. Et tout s’arrête brusquement nous abandonnant aux mains d’un chaman en pleine transe pendant pas loin de quatre minutes aussi déstabilisantes envoûtantes ! Puis la mélodie revient timidement aux sons d’un violon et le titre se finit après dix minutes et un chœur sauvage rythmé d’une percussion diablement dansante. Cela dit, ça n’égale ni la cavalcade musicale qui clôture Beyond The Gates, ni le magnifique chœur fédérateur de Tools of a Prophet ! Libre à vous d’aller vous faire votre avis !

Et si j’ai grossièrement détaillé les phases musicales de Shaman c’est pour souligner la richesse des instruments, parce que tous les titres sont aussi fournis en atmosphères que ce dernier. Et ce grâce à une avalanche de guests du terroir ! Ce Nadirs est signé « Drenaï And The Folk Metal Tribe » car en plus des nombreuses personnes venant grossir les chœurs il y a la Nyckelharpa des Compagnons du Gras Jambon, le violon d’Adaryn, la vielle à roue d’Ithilien, les percussions d’N.K.R.T, le bouzouki de La Horde (le terroir peut aussi être belge, oui) ainsi que Mohamed Arbane à la Derbouka et Maxime Micoin pour la flûte asiatique ! Inutile de préciser qu’il manque plein d’infos qu’il ne tient qu’à vous de compléter ! Bref cet album a été fait dans l’amour et la confiance et c’est bien !

 

Voilà. En définitive ce deuxième album est une réussite confirmant la volonté qu’a Drenaï de produire une musique sincère  et vibrante d’émotions typiquement « Gemmelliennes ». Mais c’est aussi un album qui vous demandera peut être un poil d’investissement pour en saisir toutes les nuances et prendre la mesure de cette réussite. Alors laissez-vous happer par les steppes et rejoignez l’Unificateur aux yeux violets !

Grymauch

NOTE : 8/10

Tracklist :

  1. Broken Nation
  2. Shaman
  3. Forged In Clay
  4. Beyond The Gates
  5. Tools Of A Prophet

Sortie : 18 Novembre 2016

Lien du groupe : Facebook, Bandcamp.

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